Publié il y a 12 ans - Mise à jour le 25.03.2012 - stephanie-marin - 4 min  - vu 122 fois

PORTRAIT DU DIMANCHE : VIOLETTE ET SES SOUVENIRS ÉVAPORÉS D'UNE VIE PASSÉE DERRIÈRE LE ZINC

Ses yeux ont vu la folie de la vie. Une vie, 86 ans, passée sur les terres gardoises de Mus où elle est née en 1926 à Bouillargues en passant par Nîmes. Ses cheveux gris, ses quelques rides qui lui marquent le visage, ses mains parfois tremblantes, ses pas hésitants jusqu'à en devenir inexistants font d'elle une femme d'expérience. Et elle a, à coup sûr, marqué plusieurs âmes. Car derrière son comptoir, elle en a tenu des conversations. 20 ans, c'est le temps qu'a passé Violette Blanc derrière le zinc aux côtés de son mari, Raymond Blanc, à servir des cafés et autres boissons, à poser des plats sur des tables, à parler de tout et de rien, à refaire le monde avec des amis, des clients, des inconnus, n'importe qui, pourvu que le rendez-vous avec la convivialité soit honoré.

Violette, c'était la vivacité, l'hyperactivité, la bonne humeur, la camaraderie. Raymond lui c'était l'homme tranquille, patient, souriant. Ils étaient fait l'un pour l'autre, tout deux poussés par cette soif de travail. 1959, le couple gardois prend en main son destin et gère son premier bar à Bouillargues, Le Café des Arts et des Métiers. Ils le quitteront en 1962 pour acheter le Bar du Progrès, toujours à Bouillargues. L'une de leur fille, Maryse, se souvient de l'obsession pour le travail de ses parents : "Ma mère aurait lavé l'eau s'il avait fallu. Travailler, ils ne vivaient que pour ça. Je me souviens, elle était très bonne commerçante avec les clients, elle rigolait beaucoup. Mais elle avait tout de même son petit caractère. Elle était fragile comme elle était forte."

En 1969, Violette et Raymond laissent Bouillargues derrière eux pour rejoindre la grande ville, Nîmes où ils reprendront Le Viaduc. Mais le couple a la bougeotte et passe du Viaduc au bar Le Parisien en 1972 pour finalement faire marche arrière et revenir au Viaduc jusque dans les années 80. Terrassés par des années de dur labeur passées derrière le zinc, Violette et Raymond s'accordent une retraite bien méritée. Viennent alors les moments en famille passés avec leurs filles, Maryse, elle-même maman de deux filles Sandrine et Delphine et Brigitte, maman d'un garçon, David. Il y a ces séances de babysitting, ces premières vacances familiales au bord de la plage, ces fêtes interminables. Et puis les premières marques de vieillesse, l'arthrose, les premières opérations pour Violette. Jusqu'en 1995, où la famille unie -- "ma mère a toujours tout fait pour qu'on le soit" -- fait face à un drame, la disparition de Raymond emporté par une rupture d'anévrisme.

Les premiers oublis, les premières bêtises

Après cette année, rien ne sera plus jamais comme avant. Mais le pire pointera le bout de son nez en 2000. "Il y a eu les premiers oublis, les premières bêtises, cet argent caché dans la maison s'en qu'elle ne parvienne à se souvenir où..." raconte Maryse. Alzheimer entre dans la vie de Violette pour ne plus jamais la quitter. "Très vite, nous lui avons fait passer des scanners et la maladie d'Alzheimer a très vite été diagnostiquée. Nous ne lui avons jamais caché, même si au départ, elle le niait." Mais les années ont défilées, laissant sur le bord de la route les souvenirs des années passées, des visages, même ceux de ses proches, des gestes du quotidien. Et pour ceux qui ont connu Violette auparavant, ils ne la reconnaitraient sûrement pas, eux non plus. Le regard pétillant de la gardoise s'est comme éteint.

Ses yeux ont vu la folie de la vie pour le meilleur mais aussi pour le pire. "Je ne connais pas de maladie pire que celle d'Alzheimer. C'est une

Violette, 56 ans, avec ses filles Maryse et Brigitte. Photo DR/

terrible succession de hauts et de bas. Mais avec les années, il lui est de plus en plus difficile de surmonter les mauvaises périodes qui se font de plus en plus fréquentes. Elle est complétement déconnectée. Elle m'appelle souvent maman" explique Maryse qui a accueilli sa mère chez elle, à Bouillargues, depuis 2005, aidée par sa sœur Brigitte, ses filles Sandrine et Delphine ainsi que ses petites filles, Naïs, Nexia et Luna et trois infirmières.

L'amour peut-il être plus fort que la maladie ? Peut-être pas, mais en tout cas, il apaise lorsque le mal tente de prendre le dessus. Et puis des souvenirs, si Violette n'en a plus, sa famille les conserve bien tendrement à l'image de Delphine, l'une ses petites filles qui se confie avec beaucoup d'humour. "Je me rappelle de cette époque où elle allait à la gym. Le samedi lorsqu'elle me gardait, nous allumions la télévision pour regarder "Champs-Elysées" et nous faisons des mouvements de gymnastiques et on riait. Comme à chaque fois que nous mangions de la salade et qu'elle faisait sortir une feuille de sa bouche, ce qui énervait mon grand-père (Raymond, Ndlr) mais qui nous faisait beaucoup rire. Nous, ses petits-enfants, nous nous confions plus à elle qu'à nos parents. C'était une grand-mère-amie qui savait toutefois être stricte avec nous lorsqu'on faisait des bêtises." Finalement, si Violette a laissé s'échapper le passé, elle aura en tout cas marqué celui de ses proches.

Stéphanie Marin

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