REPORTAGE. TER à 1 € : "En ce moment c'est plus calme à cause du Ramadan"
Embarquement immédiat pour… Le Grau-du-Roi ! Objectifgard s'est invité dans le TER à un euro pour recueillir les témoignages des passagers concernant les incivilités de la période estivale.
Ce midi, comme tous les autres de la semaine, les vacanciers nîmois se précipitent à la gare Feuchères. Leur objectif : acheter l'un de ces précieux tickets à un euro, direction le sable chaud du Grau-du-Roi. Une aubaine ! Lunettes de soleil, casquette et tongs, la panoplie du parfait sudiste est judicieusement choisie pour ne pas succomber à l'étouffante chaleur estivale.
Sur le quai, les voyageurs attendent avant de monter dans le TER de 12H55, le plus fréquenté de la plage horaire. Tout à coup une mère, ses deux filles et son fils accourent pour attraper in extremis le train. Mais pas question pour la SNCF de laisser passer des voyageurs sans ticket. La muraille de contrôleurs et d'agents de sûreté ferroviaire veillent au grain. "Vous avez vu ça !", s'exclame Gérard, employé dans une alimentation au Grau-du-Roi, "ils ne laissent plus passer les gens sans billet. Ils sont sévères avec tous les incidents qui se produisent dans le train".
Pourtant cet après-midi, le calme s'est lui aussi invité à bord de la rame… Tout comme cette contrôleuse au "tie and die" défraichi et ses trois agents de la sûreté ferrovière qui enchainent les aller-retours dans le train. La majorité des voyageurs sont des familles : parasols, crème solaire et gros sac chargé de victuailles. Un équipement ad hoc. Du côté des jeunes, on voyage léger. Petit sac en tissu pour ces demoiselles et un duo serviette/casquette pour les messieurs. "Oh, vous avez vu, c'est la Zup ! C'est le quartier", lance un adolescent, pointant du doigt Pissevin.
Ramadan. Arrivée en gare de Beauvoisin. Foued et Rina s'ajoutent au voyage. " En ce moment c'est plus calme à cause du Ramadan. Les jeunes restent dans leur quartier", pense le trentenaire issu de la ZUP nîmoise. Critique, il dénonce "ces quelques fauteurs de trouble qui font le boucan. Ils crient, ils agressent les gens… Certains volent. (…) Il y a quelques meneurs. Ce sont toujours les mêmes. Lorsqu'ils sont en bande, il font les beaux. Mais seul, ce n'est pas la même chose", ajoute le passager.
Le TER poursuit son chemin… Arrivé en gare de Vauvert, Gérard s'affole : "je viens de rater mon arrêt". Résigné, il s'assoit. "J'ai été agressé un fois. Vous savez, il y a des périodes de chaleur où les jeunes recherchent la querelle dans le but de se victimiser. Mais attention à ne pas tomber dans la psychose. On n'est pas le train d'enfer de Roger Hanin ! ", explique le quinquagénaire, avant de replonger son nez dans son livre de Ryad Assani-Razaki, La main d'Iman.
"C'est surtout un problème d'éducation. Certains parents s'en foutent et pire, ils transmettent des préjugés à leurs enfants. Des idées reçues sur les "blancs" du centre-ville qui n'aiment pas les gens des quartiers ou leur religion (…) En agressant les passagers qui réagissent à leur tour, ils se confortent dans leurs préjugés, c'est stupide", réagit Foued. Et d'émettre une proposition :" Moi je dis qu'il faudrait interdire aux jeunes qui mettent le bordel le train pendant un mois. Et vous verrez, une fois qu'ils seront obligés de rester au quartier, privés de plage, ils changeront vite d'attitude".
Psychose. Arrivés au Grau-du-Roi, les voyageurs traversent vite le centre-ville pour lézarder au soleil. "Vous voyez l'Express U, il a été fermé entre midi et deux en juin pour éviter que les jeunes volent", lancent à l'unisson Foued et Rina*, avant de suivre la direction de la plage. "Nous ne sommes plus fermés. Là c'est ramadan, c'est plus tranquille. Et puis, notre patron a embauché deux vigiles dont moi", explique l'employé.
Plus loin, les commerçants du centre-ville sont virulents. Tracy*, gérante d'une boutique de souvenirs est indignée de voir ces jeunes "crier, courir de partout (…) On nous a volé", assure-telle, certaine "que la fréquentation touristique et en baisse". L'été le Grau-du-roi, qui compte habituellement 8.000 administrés, héberge environ 100.000 personnes, si l'on en croit l'office du tourisme.
"Ah mais attendez, vous avez vu ce qu'il s'est passé récemment ? Une personne s'est pris un coup de couteau à la fête foraine. Et j'ai aussi entendu qu'une femme s'est faite violer ! ". Lorsqu'on demande à Tracy davantage de détails sur ces violences ou qu'on intègre son raisonnement en expliquant que c'est ramadan et que les troublions ne semblent pas s'aventurer sur ses terres, le commerçante se rétracte : "Je ne sais pas si ce sont les jeunes… Mais ça là, avant ce train à un euro ça n'existait pas". Si les incivilités sont sans doute plus fréquentes, gare à ne pas tomber dans l'amalgame, même si "sudiste" rime - souvent ? - avec exagération.
*Les noms ont été changés.
Coralie Mollaret
coralie.mollaret@objectifgard.com
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