ENQUÊTE. Zizanie dans le petit village de Dions
Situé à 15 km de Nîmes, le petit village de Dions est coupé en deux… Au coeur du litige : l'élaboration du PLU (Plan Local d'Urbanisme), rejeté en avril dernier, par le conseil municipal. Charles Picolo, maire de Dions, a décidé de jeter l'éponge et de ne pas se représenter aux prochaines municipales.
La puce a d'abord titillé l'oreille des élus communautaires. En début de semaine, les membres de Nîmes Métropole ont fait leur rentrée politique, avec au menu : la validation du PLH (Plan Local de l'Habitat). Un document chargé de dispatcher, dans chaque commune de l'agglo, leurs futurs besoins en logements sur la période de 2013-2018. Lors du vote, qui d'habitude ne soulève pas vraiment de débats, un bras recouvert d'une manche violette se lève. C'est le premier adjoint de Dions, Jean-Pierre Brethon. A la surprise générale, l'homme décide de ne pas voter le projet. Dans l'assemblée, c'est la stupéfaction. Charles Picolo, maire du village et vice-président de Nîmes Métropole est plus que "surpris".
Coup de théâtre au conseil municipal
"A Dions, nous n'avons pas de PLU, il a été rejeté en avril dernier. Je ne suis pas contre ce PLH, mais dans l'état actuel des choses, je ne peux pas faire ça", justifie le premier adjoint. Quelques jours plus tard, assis derrière son bureau, Charles Picolo ne sait plus si il faut en rire ou en pleurer… Noyé sous un flot de cartes de zonage et d'autres expertises, le Premier magistrat se dit "fatigué" par ses opposants "aux esprits fermés", "qui ne défendent que leurs intérêts". Après cinq ans de préparation et 20.000 euros de dépenses, le conseil municipal a rejeté en avril dernier le PLU. Le plan local d'urbanisme chargé de définir les zones constructibles et agricoles de la commune.
"J'ai proposé ce PLU fin 2009 en tenant compte de l'évolution démographique", assure Charles Picolo. Chiffres à l'appui, le maire estime que d'ici 2025, Dions comptera "130 habitants de plus". "Il faut bien les loger. Nous avons besoin de 60 logements. S'il n'y a pas de place, les gens ne s'installeront pas chez nous. La population ne se renouvellera pas, l'école fermera… Ce sera la mort du village", s'alarme-t-il.
Pourtant, par le passé, le projet du PLU avait séduit les conseillers municipaux qui l'avaient même adopté. Une commission d'urbanisme en collaboration avec le bureau d'étude EBCI est alors chargée d'établir les plans. "C'est très difficile de trouver des terrains constructibles à Dions. Le village compte une grande partie de terrains en zones inondables et de zone Natura 2000", avance le premier adjoint. Le choix des élus s'arrête finalement sur l'extension du coeur de ville : deux hectares sont réservés à la construction immédiate.
"Nous avons fait un débat sans vote au conseil municipal en octobre 2012. Il n'y a pas eu d'opposition. Et puis, lorsqu'il a fallu voter le PLU en avril, le plan a été rejeté", s'étonne le maire. Et de pointer les velléités politiques de quelques uns de ses conseillers municipaux qui se seraient ralliés à la cause "d'un collectif opposé au projet". "Ce collectif, constitué d'habitants, n'avait pas manifesté son opposition auparavant. Et puis, un beau jour, des habitants m'ont présenté une pétition", ajoute-t-il.
Conflit d'intérêt
"Comment manifester notre opposition si nous ne sommes pas consultés ?", s'insurgent à l'unisson Jacky Serody et André Vincent. Ce dernier, vous l'avez compris, n'est pas très favorable au projet du maire. Il est par ailleurs, la précision a son importance, propriétaire du Mas des Vignes, un gîte de chambres d'hôtes, situé pile poil en face de la nouvelle zone constructible... "Ce village est l'un des seuls à être encore préservé, c'est le poumon vert du Gard. Nous ne voulons pas voir pousser des barres d'immeubles ici ! Et quant à l'argumentaire sur l'accroissement de la population, nous n'avons pas besoins de nouvelles constructions. Il y a encore de la place dans le village", assure André Vincent. Et à Daniel Savin, conseiller municipal et opposant au projet de rajouter : "Si nous avons voté contre, c'est parce que le maire met la charrue avant les boeufs. Vous vous êtes déjà promenés dans les rues de Dions ? Il n'y a pas les accès, les routes et toutes les infrastructures nécessaires à un tel projet !".
"Je ne sais pas pourquoi le maire a autant insisté… C'est illogique", lance André Vincent. "Il est intellectuellement limité", ose un autre habitant qui, étonnement, a souhaité garder l'anonymat. Après plusieurs hésitations, le propriétaire du gîte pointe un "conflit d'intérêt". Selon lui, le président de la commission d'urbanisme possèderait des terres, situées sur la zone constructible, qui verraint leur valeur tripler en cas d'adoption du PLU. Pour le coup, le PLU deviendrait un vrai PLUS. Pour les opposants au projet, de nouveaux logements "peuvent être fait dans le quartier de la Glacière". "Trop cher", rétorque le maire Charles Picolo. Las des oppositions inhérentes, il lâche, à bout : "De toute façon, je ne me représente pas. Il n'auront qu'à se débrouiller!". Même son de cloche du côté de Daniel Savin : "Je plie mes valises et terminé". Au moins, si tout le monde quitte le village, plus de problème de logement...
Coralie Mollaret
coralie.mollaret@objectifgard.com
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