PORTRAIT DU DIMANCHE. Vincent, patron de bar depuis 20 ans à Alès : "La féria devient pesante"
A Alès, à quelques pas du Palais de justice, Vincent tient le bar-restaurant de l'Ambiance depuis quelques 19 années, date à laquelle il s'est installé. Ce qui signifie pour lui 19 férias, avec son lot de bonnes rencontres et de mauvaises surprises. Aujourd'hui, il pense à lâcher du lest et à arrêter la bodéga. Rencontre.
La féria bat son plein depuis 3 jours et Vincent, patron de l'Ambiance, semble satisfait de cette nouvelle édition, "les gens sont contents, il y a du monde, mais on ne veut se prononcer avant la fin, mais on a bien bossé", assure-t-il avec le sourire.
Une expérience unique
L'aventure a commencé il y a près de 20 ans et la féria était alors un jeu pour le jeune commerçant qui venait de se mettre à son compte dans un bar-restaurant traditionnel. "Au début, c'était pas facile. On n'avait aucun matériel à nous. Au fil des saisons, on a tout fabriqué, du comptoir au bar mobile. Quand on est devenu autonomes, on a commencé à vraiment profiter", se souvient-il. Et de préciser: "Aujourd'hui, ce matériel est stocké pendant l'année dans un garage".
En deux décennies de joyeusetés, Vincent a vu le pire et le meilleur, et il a pris l'habitude de se remémorer des séquences souvenirs l'été avec ses copains, en sirotant quelques verres de sangria autour de la piscine. "Un jour, un groupe est venu de Perpignan pour tester la féria d'Alès. Depuis, ils louent un gîte tous les ans et je les vois chaque soir. On a sympathisé. On en a d'autres de Béziers, c'est pareil. Souvent, les gens se déplacent pour se rendre aux férias qui ne sont pas dans leur ville. Moi je fais celle de Nîmes. Et ceux d'Arles viennent à Alès", souligne le tenancier. D'autres moments ont été plus éprouvants pour Vincent qui garde en mémoire 2010, 2011 et 2012, trois ans de mauvais temps, de déluges, et de férias médiocres. "On s'était donné à fond, et les résultats n'ont pas été à la hauteur", précise-t-il.
Une réglementation de plus en plus stricte, des conséquences de l'alcool lourdes à gérer
Pourtant, hors de question de lâcher. "Il y a quinze ans, cet événement constituait un bon bonus financier pour nous. Aujourd'hui, il nous permet de palier aux aléas de la conjoncture. Il représente entre 10 et 20% de notre chiffre d'affaire", annonce Vincent, qui commence toutefois à se lasser. "Je ne veux pas cracher dans la soupe, c'est un apport financier important. Mais l'organisation est lourde pendant les 2 jours et demi qui précèdent le début de la féria. Le mercredi est en particulier extrêmement stressant, entre les impondérables de dernière minute et les horaires. On est content le lundi suivant, quand tout est fini".
Et n'y a pas que ça. "La réglementation est de plus en plus stricte. Cette année, on a dû laisser un espace obligatoire de 2 m entre la vitrine et la bodéga pour laisser passer les pompiers en cas de problème. Seul notre comptoir dépasse la limite autorisée mais il est amovible pour répondre aux normes. Chaque année, on nous sort une nouvelle mesure. Avant, on pouvait fabriquer nos sangrias dans des poubelles en plastique. Aujourd'hui, c'est interdit. pour l'hygiène. Idem pour les bouteilles en verre qui sont proscrites. C'est une bonne chose question sécurité mais cela engendre des coûts supplémentaires en temps et en argent. Il faut tout transvaser à l'avance", explique-t-il tout en rappelant que la question de l'alcool n'est pas non plus toujours évidente à gérer au quotidien : "On travaille dans la rue, on n'est pas une bodéga privée. On accueille tout le monde. Il faut ménager la chèvre et la chou et utiliser de la psychologie de comptoir pour éviter les débordements. De notre côté, avant, on pouvait se payer quelques verres et enchaîner le lendemain, ce n'est plus le cas. Je préfère donc éviter de boire pendant le service et faire les choses correctement. Ce qui ne m'empêche pas de m'amuser le reste du temps!", plaisante-t-il.
L'heure du bilan
Le bilan est positif pour le bar qui est devenu une véritable petite institution à Alès et aux alentours. Notamment grâce à un site internet dédié à la féria. Peu de bistrots d'Alès peuvent se targuer d'avoir couvert la féria pendant autant d'années. Mais l’événement devient pesant pour le quarantenaire qui a eu bien des difficultés à nous accorder du temps entre deux clients.
Vincent et son associé envisagent donc de tester une carte spéciale féria et de laisser tomber la bodéga, "On y réfléchit depuis quelques années mais on n'a jamais osé sauter le cap. Il faudrait qu'on essaie. C'est vrai que notre bar marche bien, mais je pense qu'il est préférable de mourir sur scène, en plein succès, plutôt que d'attendre que les choses se gâtent. Et puis les frais seraient moindre, tant au niveau de la location de l'espace que du personnel".
Eloïse Levesque
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