Publié il y a 9 ans - Mise à jour le 18.07.2014 - thierry-allard - 4 min  - vu 1231 fois

EN IMMERSION Au cœur de l’usine nucléaire de MELOX, à Marcoule

L'auteur de ces lignes, en tenue (Photo : R.F. / Objectif Gard)

(Photo d'archives Objectif Gard / DR)

Après une journée chez les naturistes et la voiture électrique, notre rédaction continue de faire dans l’éclectisme et vous propose cette semaine une visite au cœur de l’usine Areva MELOX, à Marcoule.

Vu de l’extérieur, c’est déjà assez impressionnant. De hautes clôtures, un poste de garde à l’entrée, puis un autre poste de contrôle : il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre que je pénétrais là dans un endroit bien spécial.

Pastilles et crayons

Je suis accueilli chaleureusement par le responsable de la communication externe d’Areva MELOX. Il m’explique brièvement ce qui se passe derrière les (épais) murs situés à quelques mètres. Et je ne vais pas être déçu : « ici on fabrique des assemblages de combustibles MOX. On recycle le plutonium, qui n’existe pas à l’état naturel et qui s’est formé à l’intérieur des pastilles. » Attendez, je ne vous ai pas parlé des « pastilles » ?

Les « pastilles » sont le cœur du « MOX » : assemblage d’uranium appauvri et de plutonium, chaque pastille fait 10 grammes et a la taille d’un gros fusible. Elles sont ensuite mises dans des tubes, appelés « crayons », qui seront assemblés avant d’aller produire de l’électricité, mais nous y reviendrons plus bas.

Ces pastilles sont produites à partir des combustibles nucléaires usés récupérés lors d’opérations de traitement sur le site de recyclage d’Areva La Hague. 96 % des combustibles usés sont recyclables, et sont composés à 95 % d’uranium, à 1 % de plutonium et de 3 à 5 % de produits de fission.

De la casquette aux chaussures de sécurité

Trêve d’explications scientifiques, il est temps d’aller se changer. Se changer pour de vrai, et pas seulement enfiler une blouse : de mes habits personnels, je ne garderai que mon caleçon. Chaussures de sécurité, chaussettes, tee-shirt, combinaison complète et casquette de sécurité, me voilà paré pour visiter l’usine.

Enfin pas tout à fait : on me met une ceinture munie d’une sacoche dans laquelle se trouve un masque à oxygène, puis deux dosimètres, un instantané et un différé. L’instantané sonnera si je suis exposé à une dose de radiation trop forte (mais ne représentant tout de même pas de danger pour ma santé, m’a t-on affirmé), et le différé enregistre les radiations en permanence. Il n’est pas très utile dans mon cas, mais pour les salariés, il représente un outil de suivi précieux : chacun a un seuil annuel de radiations à ne pas dépasser, et le dosimètre différé permet d’y veiller.

Une pastille = une tonne de pétrole

Nous pénétrons enfin dans l’usine, après être passés par un sas d’accès. D’emblée, quelque chose me frappe, même si ça peut paraître évident : il n’y a pas de fenêtre. De plus, l’usine est placée en dépression permanente, pour éviter une dispersion de radioactivité en cas de pépin. J’ai le souffle court dans les escaliers de l’usine, mais étant le seul dans ce cas, je mets cela sur le compte de ma consommation de cigarettes…

Direction la salle des fours. « Ici, on monte les pastilles de MOX à 1700 degrés », m’explique le directeur de l’usine Jean-Marc Ligney tandis que nous pénétrons dans ladite salle. Ici, on appelle cette manipulation le frittage. Il s’agit de la 4e étape de fabrication du MOX, après le mélange primaire, le mélange secondaire et le pastillage, et avant la rectification, la fabrication des crayons et celle des assemblages.

Dans cette salle, les pastilles sont manipulées dans ce qu’on appelle des boîtes à gants, en plexiglas épais. Je pose alors une question stupide, ou candide, à Jean-Marc Ligney : « C’est radioactif à l’intérieur ? ». Il me confirme que « l’atmosphère est radioactive » dans les boîtes à gants.

Les pastilles de MOX à l'intérieur d'une boîte à gants de la salle des fours (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Il faut dire qu’il y a de quoi : « une pastille de MOX produit autant d’électricité qu’une tonne de pétrole » vante le directeur. Cette question était vraiment stupide…

Top secret

Nous sortons de la salle après quelques minutes, mais avant d’aller plus loin, il nous faut tous passer par un « contrôleur mains-pieds ». Cet appareil, sur lequel nous allons chacun notre tour poser nos mains et nos pieds, vérifie que nous ne sommes pas irradiés. C’est sans doute idiot, mais j’ai quand même un petit moment de stress durant les quelques secondes d’attente du résultat… Négatif évidemment, nous pouvons poursuivre.

Un employé sur le contrôleur mains-pieds (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Nous passons directement à la salle d’assemblage, où s’effectue la dernière étape de fabrication du MOX. Ici on remplit les crayons en zirconium des pastilles de MOX, puis on assemble les crayons ensemble. En résulte une sorte de sculpture longiligne de bien trois mètres de haut qui partira produire de l’électricité dans une des 43 centrales utilisant le MOX de par le monde.

Un assemblage, ici au centre (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

L’usine ne travaille que pour le nucléaire civil, et est surveillée en permanence par l’agence européenne Euratom pour s’assurer qu’il n’y a pas de détournement vers le nucléaire. Il me sera formellement interdit de prendre en photo le dispositif de surveillance, top secret.

Je n’aurais également pas pu visiter les autres salles, ni prendre tout et n’importe quoi en photo, pour des raisons de sécurité nationale. Mon appareil sera d’ailleurs inspecté à la sortie, pour vérifier que je n’ai pas pris de « cliché interdit ». Après tout, qui vous dit que je ne suis pas un espion ?

Un labyrinthe

Vous me permettrez de passer sur ce douteux trait d’esprit pour vous raconter une petite anecdote : dans les couloirs de l’usine, il n’y a aucun panneau, ni indication claire. Pourquoi ? Tout simplement pour qu’un éventuel intrus se perde dans l’usine. Mieux vaut ne pas perdre de vue mes accompagnants.

La visite s’achève, nous passons encore sur un « Contrôleur mains-pieds » avant de nous engouffrer dans un appareil qui contrôlera tout le corps à la sortie. Mon appareil photo, mon cahier et mon stylo y passeront aussi.

Le dernier contrôle avant de sortir, le plus complet (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Il est temps de récupérer mes habits, et de mettre au bac de linge sale la combinaison, le tee-shirt et les chaussettes, qui seront lavés par un prestataire ad hoc.

Je ressors de cette visite impressionné, avant de me rappeler que 800 salariés MELOX et 400 sous traitants travaillent ici tous les jours, tout le temps : l’usine tourne en 3x8, et certaines salles ne se sont jamais arrêtées depuis 1995.

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

Thierry Allard

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