Publié il y a 9 ans - Mise à jour le 27.07.2014 - elodie-boschet - 4 min  - vu 224 fois

CRIME EN ÉTÉ L'effroyable destin de Marie, une Beaucairoise sans histoire

Commissariat de Beaucaire-Tarascon.

En ouvrant sa porte à ce mystérieux inconnu ce matin de novembre 1874, Marie ne se doutait pas une seconde du calvaire qui l'attendait. Et pourtant, quelques heures plus tard, elle allait être la victime d'une vengeance atroce. Une vengeance où elle allait subir sans broncher la perte du petit être qui arrondissait son ventre depuis plusieurs mois.

Marie et Jaime Sancho, un couple de trentenaires, ont tout pour être heureux. Depuis plusieurs années, ils vivent à Beaucaire, dans une petite maison de la Grand'rue. Lui, originaire d'Espagne, exerce le métier de chiffonnier depuis déjà un petit moment dans le coin. Avec son épouse, ils jouissent d'une excellente réputation. Il faut dire que tous deux n'ont jamais fait de tort à personne dans la cité beaucairoise. Même si les époux Sancho sont appréciés dans leur village, ils rêvent de retourner vivre sur les terres de leur enfance, près de Tarragone. Mais l'achat d'une belle propriété en Catalogne coûte cher. Le jeune couple décide alors d'économiser pour s'offrir cette nouvelle vie et parvient à mettre 8 000 francs de côté. En octobre 1874, alors que la jeune Marie est enceinte de quelques mois, ils partent en Espagne, bien décidés à dénicher leur nouvelle demeure. Mais ils reviennent bredouilles à Beaucaire.

C'est un mois plus tard, à 9 heures du matin, qu'ils reçoivent une visite inattendue à leur domicile. L'homme, vêtu d'un costume national, est l'un de leur compatriote. Il s'appelle José Vaqué et apporte un missive de la part du frère de Marie. Ce dernier aurait quitté l'Espagne avec son fils pour fuir la guerre civile et serait en passe d'arriver à Marseille, mais réclame l'aide de son beau-frère, Jaime Sancho. Ni une, ni deux, le vaillant Jaime court à Tarascon prendre le premier train pour la cité phocéenne, laissant le soit-disant messager de son beau-frère avec sa femme.

"Ne me frappez pas moi, mais frappez celui qui me tient la tête et le cou !"

L'invité de dernière minute s'installe chez les Sancho. Marie, pas très rassurée par cette nouvelle cohabitation, profite de l'absence de José Vaqué dans l'après-midi pour dissimuler l'argent qu'elle-même et son mari économisent depuis des années. Elle pense qu'il sera plus en sécurité dans son armoire à linge plutôt que derrière le lit où l'étranger se couchera le soir venu. Une heure plus tard, l'homme est de retour. À peine est-il rentré que la sonnette de la maison retentit de nouveau. Alors que Marie se presse pour ouvrir la porte, elle se sent couvrir la tête d'une épaisse couverture, serrée autour du cou. Son hôte avait saisi son manteau pour étouffer les cris de la malheureuse. Le deuxième homme, sans égard de l'état de grossesse avancée de Marie, entre et la frappe à plusieurs reprises avec un bâton. Celle-ci, ignorant que ce nouvel invité était le complice de José Vaqué, s'exclame : "Ne me frappez pas moi, mais frappez celui qui me tient la tête et le cou !" Ces paroles resteront vaines. Pendant que Vaqué lui comprime le ventre avec son genou et lui serre la gorge d'une main, le second malfaiteur lui garrotte les poignets avec un mouchoir et une corde avant de prendre les clés de son armoire. "Tiens là bien, je vais voir où est l'argent" dit-il en espagnol. Quelle ne fut pas la stupeur de la victime lorsqu'elle reconnut dans ces paroles la voix du frère de son mari, Francisco Sancho, qu'elle avait croisé en Espagne un mois auparavant.

L'affreuse vérité lui apparut alors toute entière. Son beau-frère connaissait l'existence de cette somme relativement importante que le couple possédait. En effet, il les avait sollicité pour en obtenir une partie dans le but d'acquérir des immeubles. Face au refus de Jaime, les deux frères s'étaient quittés brouillés.

"Elle est morte"

À terre, Marie sait qu'il ne lui reste qu'une seule chance de salut : demeurer impassible et inerte sous l'étreinte de Vaqué. "Nous avons ce qu'il nous faut" entendit-elle. L'argent en poche, avant de s'enfuir, Francisco sort de sa gaine un énorme couteau catalan et l'enfonce à six reprises dans le corps de le jeune femme. Elle sent alors couler entre ses jambes un liquide chaud et visqueux, signe qu'elle vient de perdre son bébé. Par un héroïque effort de volonté, domptant la terreur qui la posséde et les atroces souffrances qu'elle subit, Marie ne bronche pas. "Elle est morte" lance Francisco avant de s'échapper avec Vaqué. Criblée de coups, elle trouve encore la force se se traîner jusqu'à son lit. Le lendemain, ses voisins, connaissant ses habitudes matinales, s’inquiètent de ne pas la voir sortir et préviennent les autorités. Les policiers découvrent avec horreur la femme ensanglantée, mais toujours vivante. Après les multiples meurtrissures dont elle a été la cible, seul un miracle peut expliquer sa survie.

José Vaqué et Francisco Sancho sont arrêtés par les autorités alors qu'ils sont sur le chemin de l'Espagne. Lors de ce voyage, par le plus grands des hasards, les deux assassins se retrouveront dans le même wagon que Jaime, qui rentrait chez lui sans avoir trouvé son beau-frère. Il ignorait alors le drame qui venait de toucher sa femme. En mai 1875, à la Cour d'assises du Gard, Vaqué sera condamné à des travaux forcés à perpétuité et Sancho à la peine de mort. L'exécution se déroulera en juillet de la même année, à Beaucaire, devant une foule immense.

Elodie Boschet

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