Publié il y a 9 ans - Mise à jour le 10.09.2014 - baptiste-manzinali - 4 min  - vu 764 fois

FAIT DU JOUR Sophie Cuvelier, l'absolu besoin de créer

Sophie Cuvelier dans son atelier. (photo Baptiste Manzinali / Objectif Gard)

Discrète, noctambule, habitée, l'artiste nîmoise Sophie Cuvelier dévoile un travail obsessionnel, "pas par choix, mais par nécessité". La gardoise d'adoption est à l'origine d'une oeuvre d'une simplicité mystique, The Fabulous Garlands.

Créatrice d'un monde coloré invisible au néophyte, Sophie Cuvelier conçoit des guirlandes aux formes universelles. Des triangles, des ronds, des rectangles, autant de formes qui traduisent une volonté d'aller à l'essentiel, de se débarrasser du superflu. "Avant de me lancer là dedans, j'ai enlevé ce qui ne m'intéressait pas dans mon parcours. Dans la mode, on travaillait beaucoup le motif, la forme. J'ai voulu prendre des formes simples pour ne m'intéresser qu'à la couleur. C'est tout ce qui m'intéresse" nous dévoile t-elle. Lorsque Jean Bousquet souhaite réintroduire un bureau de style de sa marque Cacharel à Nîmes, c'est à Sophie qu'il fait appel. "j'étais assistante styliste à Paris, j'ai accepté sa proposition de prendre en charge le bureau de style à Nîmes et je suis donc venue m'installer ici. Quand il a perdu la mairie de Nîmes (en 1995), il est reparti à Paris. Je suis restée ici car je suis tombée amoureuse de la ville, de sa lumière et de sa qualité de vie." Un carnet d'adresses bien remplit en poche, Sophie Cuvelier se lance dans la création de guirlandes, qu'elle teint elle-même. C'est le début d'internet, elle y voit l'opportunité de communiquer avec le monde entier et de se faire connaitre.

"L'Ecole alsacienne, je ne l'ai pas choisit. Mais ça donne un esprit."

Atelier de Sophie Cuvelier, The Fabulous Garlands. (Photo Baptiste Manzinali / Objectif Gard)

Mais si Sophie en est venue à la teinture, ce n'est pas par hasard. Issue d'une famille d'artistes, ses parents étaient eux-mêmes créateurs de tissus d'ameublement, les tissus Cuvelier, très connus dans les années 50 de par l'étendue de leur gamme de couleur, et un savoir-faire unique. Une inspiration que l'artiste ne peut renier aujourd'hui, "On vivait dans un atelier semblable au mien. Il y avait toujours beaucoup de monde, c'était très riche visuellement. Et puis, le seul sujet à la maison, c'était l'esthétisme. je n'ai pas vraiment eu le choix." A 15 ans, elle vend ses premières conceptions dans des journaux spécialisés, on est au début des années 70. "l'époque baba-cool" ironise t-elle. De cette décennie bénie, elle en garde une insouciance folle, et un tempérament qu'elle canalise aujourd'hui par ses créations. Son éducation stricte reçue à l'Ecole Alsacienne n'aura pas eu raison d'elle. "Je ne l'ai pas choisit. Mais ça donne un esprit." Elle se souvient de ses vacances dans le midi étant enfant, et de ses journées passées à déambuler dans l'atelier familiale, à ramasser des punaises. Son atelier est moins agité que celui de ses parents, Sophie reçoit peu de monde. Pas par insociabilité, mais par pudeur. "Je peux travailler dans la cuisine, dans la salle de bain. Je ne sais pas faire autrement que vivre comme ça. Ici, ce qui peut paraitre comme étant un élément décoratif, n'est qu'une réflexion en cours, qui peut disparaitre." Arrivé sur le palier, c'est un univers intégral qui s'offre au visiteur, un univers qui ne triche pas et qui démontre une dévotion sans faille à son oeuvre. Il y a là cette volonté de faire corps tout entier avec ses créations, que rien n'interfère entre la pensée, et la couleur obtenue. Dans son processus de création, Sophie Cuvelier a récemment introduit la musique, "Les couleurs m'ont ouvert l'esprit sur la musique. Selon le type de musique que l'on écoute, il y a une harmonie qui en découle, la même harmonie que sur une palette de couleur par exemple." Un phénomène neurologique appelé la synesthésie, qu'elle a inconsciemment nourrit en elle, tant sa sensibilité visuelle s'est développée au fil de son travail. "Les premiers jours nécessaires à l'élaboration d'une teinte sont laborieux. Il faut lâcher prise " précise t-elle. La recette, Sophie reconnait l'oublier à chaque fois, et la remettre au point selon la chaleur, l'humidité intérieure ou extérieure. Ses gammes de couleurs, cela fait dix ans qu'elle y travaille, cherchant la tonalité et l'assemblage juste pour donner un résultat maitrisé en tout point. "J'assimile la guirlande à la fête, j'ai beaucoup travaillé dans les férias, les bodegas. Les gens ne voient pas forcement ces guirlandes accrochées au plafond, mais l'atmosphère de la pièce en est changée. Cela délimite un espace que je cherche à rendre plus rassurant." Dernièrement, on avait pu voir son travail dans le patio de la SMAC Paloma lors du festival This Is Not A Love Song.

@The Fabulous Garlands - Sophie Cuvelier

"Je ne connais que le hors norme, c'est un refuge"

D'une sensibilité à fleur de peau, Sophie Cuvelier décrit son travail comme répétitif et obsessionnel. En créant cet univers onirique, elle canalise ses angoisses, à peine consciente de la nature thérapeutique de son oeuvre. "Je ne connais que le hors-norme, c'est un refuge. De cet handicap, j'en ai fait un métier" précise t-elle. Récemment, c'est la revue anglaise The World Of Interior, très réputée dans l'architecture et la décoration, qui s'est interessée à The Fabulous Garlands, nom qu'elle a attribué à l'ensemble de ses créations. Loin d'être carriériste, l'artiste se défend de faire un quelconque calcul. Tout est dans l'instinct, la sincérité. Son succès, si immédiat fût-il, n'en reste pas moins intimiste de par sa composante artisanale. Tout est fait ici, dans son atelier des quais de la Fontaine, ce qui limite considérablement sa productivité. Mais là n'est pas le but. Sophie Cuvelier s'est ouverte au monde, à ses couleurs, qu'elle cherche sans relâche à harmoniser. Comme un musicien composant sa mélodie, Sophie Cuvelier fait danser les nuances et les tonalités, sur des bouts de papiers.

Baptiste Manzinali

Baptiste Manzinali

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