Publié il y a 9 ans - Mise à jour le 30.10.2014 - eloise-levesque - 3 min  - vu 362 fois

FAIT DU JOUR P.A. Ayral, hydrologue : "L'état de catastrophe naturelle pourrait disparaître car les caisses sont vides"

Pierre-Alain Ayral, chercheur à l'école des Mines d'Alès. Eloïse Levesque/Objectif Gard

Alors que le Gard vit actuellement son 4e épisode d'intempéries en un mois, Pierre-Alain Ayral, Enseignant-Chercheur à l'Ecole des mines d'Alès en géomatique et hydrologie appliquées au risque inondation, nous livre son analyse du phénomène.

Objectif Gard : Comment expliquer la succession d'épisodes que subit cette année le Gard?

Pierre-Alain Ayral : D'abord, il ne s'agit pas d'un épisode cévenol, qui se focalise par définition dans les Cévennes. C'est une perturbation de sud-ouest amplifiée par une dépression venant de l'Atlantique. Les nuages sont structurés en V et bougent sans cesse, si bien qu'on ne sait pas où ils vont s'arrêter, d'où la présence de vigilances larges géographiquement. Cette année, cette structure n'est toutefois pas présente, et tout semble chamboulé. On a bien du mal à expliquer la répétition de ces épisodes, comme en 1958. Heureusement, sauf exceptions, ils ne sont pas trop tombés aux mêmes endroits.

O.G : De manière générale, note-t-on une augmentation du nombre d'épisodes au fil des ans?

P.A.A : La différence avec avant, c'est le nombre de personnes installées en zones inondables et donc touchées, c'est à dire la vulnérabilité. Les épisodes en eux-mêmes ne sont pas plus intenses. 1958 en est un bon exemple. Par contre, ils sont décalés et ont tendance à surgir sur un laps de temps plus large.

Les constructions et les voitures se développent beaucoup, en particulier sur les zones littorales, et c'est pourtant là que les gens sont les plus vulnérables. C'est ce qui a incité, après 2002, à la mise en place d'Info route et des vigilances inondations.

O.G :  Que pensez-vous des moyens de protection actuels?

P.A.A : La solution hydraulique n'est une option efficace à elle seule. Les digues et les barrages protègent jusqu'à un certain point. Les bassins de rétentions, comme ceux installés à Nîmes, ne peuvent pas accueillir de grandes quantités d'eau mais ne sont pas dangereux. Quand sont pleins, ils n'ont pas les conséquences négatives d'une digue qui cède.

Concernant l'élargissement des berges, il est efficace mais accélère le courant et intensifie les risques en aval. Enfin, sur le projet de creuser des bassins de stockage au niveau du Grabieux à Alès, c'est une bonne solution, mais il faudra pas dire aux habitants qu'ils seront protégés à 100%. On ne l'est jamais.

O.G : Quelle est donc la solution à adopter?

P.A.A : Dans tous les cas, il faut adopter une culture du risque, apprendre à être vigilant. Je m'adresse surtout aux nouveaux résidents qui ne sont pas habitués. Il y a un effort de sensibilisation à faire. Installer des portes étanches, ne pas habiter au rez-de-chaussée comme à Sommières ou Quissac, remonter les disjoncteurs, garer sa voiture loin d'un cours d'eau en cas de risque immédiat, il faut vivre en fonction du risque.

O.G : Les dégâts sont aujourd'hui couvert par l'état de catastrophe naturelle, mais les assureurs vont commencer à faire grise mine à force de nouvelles intempéries. Doit-on s'attendre à une hausse des prix?

P.A.A : On va vers une augmentation des tarifs ou un refus d'assurance, car ces derniers savent de mieux en mieux évaluer si une zone est inondable. Certains commerçants de Quissac en ont déjà fait les frais. Et ce seront les plus défavorisés qui trinqueront.

Concernant l'état de catastrophe naturelle, il s'agit d'un système de solidarité avec une cagnotte. Mais aujourd'hui les caisses sont vides pour les inondations et les sécheresses. Ce dispositif pourrait donc mourir au profit d'une taxe pollueur/payeur.

Propos recueillis par Eloïse Levesque

Eloïse Levesque

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