Publié il y a 9 ans - Mise à jour le 07.11.2014 - baptiste-manzinali - 4 min  - vu 151 fois

PALOMA Lee Fields "La soul n'est pas une question de noir ou de blanc"

Lee Fields. Crédit photo Windish Agency

Jeudi soir, Lee Fields a donné un concert exceptionnel dans le club de Paloma. Une salle comble et une ambiance feutrée, et face au public, un monstre de la soul à vous donner la chair de poule. L'homme nous a fait l'honneur d'accepter notre demande d'interview, en toute simplicité. 

Vous avez travaillé pour de nombreux labels américains (Desco, Soul Fine, Daptone...) mais jamais avec la Motown. Etait-ce un choix ?

Non ce n'était pas un choix. À l'époque, les majors comme la Motown produisaient des artistes en fonction de ce qui se diffusait en radio. Si vous n'y étiez pas diffusé, vous ne rentriez pas dans les cases. C'est simplement pour ça que l'on ne me la jamais proposé.

Vous avez eu une carrière de 50 ans, pourtant il y a beaucoup d'interrogations sur votre parcours. Comment se sont passées toutes ces années ? Avez-vous eu des moments difficiles ?

Pendant les années 80, j'ai cessé de faire de la musique, cela devenait trop difficile. Cela m'a rendu plus innovant au final, et puis il y a eu une grande vague de la dance-music par la suite donc j'ai accepté de poser ma voix sur des productions car il fallait bien manger. J'ai une chanson qui a atteint le top-chart qui s'appelait Stop watch. Mais à part ça, je me suis surtout tourné vers l'immobilier en prenant des parts dans des affaires. J'ai toujours eu le sens des affaires et cela marchait très bien, c'était une période excellente aussi car j'ai eu plus de temps pour m'occuper de ma famille et je suis devenu moins dépensier. Je me suis beaucoup tourné vers la lecture aussi. Shakespeare notamment, et des revues économiques. J'étais curieux de tout. Mais ensuite, j'ai réalisé que je n'étais ni plus ni moins qu'un chanteur soul et que c'était ce que j'avais au fond de moi.

Est-ce que vous aimez le surnom little JB (en référence à James Brown) ? 

Je ne comprend pas ce surnom, que l'on a commencé à me donner dans les années 70. En 1963, j'étais invité dans une émission de radio, j'étais très jeune et l'animateur me dit : "Si tu restes jusqu'à dimanche, tu vas rencontrer James Brown." Alors je suis resté toute la semaine (rire). Et puis J.B est arrivé, c'était un homme extraordinaire. Donc ce surnom, c'est une chance et un honneur mais c'est aussi réducteur car cela me ramène toujours à cette filiation.

Pochette du dernier album de Lee Fields. (Emma Jean, 2014.)

Ne regrettez-vous pas justement d'être resté dans l'ombre à cause du monopole tenu par James Brown ou la Motown entre autres ?

Je n'ai aucun regret. Je me suis marié avec une femme extraordinaire et j'ai une famille formidable. Si je devais recommencer, je ne changerais absolument rien, j'ai eu tellement de chance. Le plus important dans la vie, ce n'est pas la richesse ou la gloire, c'est la santé. Et je n'ai jamais eu de problèmes de ce côté là, j'ai traversé la vie sans épreuves. C'est peut-être ce qui me différencie des autres chanteurs, j'ai toujours fait passer ma santé en premier et profité du temps présent. Du moment que j'avais de quoi payer mes factures....Non vraiment, j'ai eu une super vie et je ne changerai rien, même pas une virgule.

Comment voyez-vous la musique soul aujourd'hui, a t-elle un message à faire passer notamment sur la cause des afro-américains ?

La soul n'est pas une question de noir ou de blanc, c'est juste une question d'amour. J'essaie d'écrire des chansons sur ce que l'on fait de notre vie. Je n'ai pas de message politique, j'écris sur ce qui est commun aux gens, la façon dont on vit, on mange, on respire. Si j'avais des solutions je les chanterais mais je ne suis pas allé à l'école et n'ai aucune position, je ne suis pas un porte parole. Je ne parle que d'émotions, de choses universelles.

Les années 2000 sont synonymes de retour-gagnant pour vous, grâce à des collaborations avec des artistes tels que Aloe Blacc ou Dan Auerbach des Black Keys. Leurs productions sont modernes, mais avec un certain culte pour le vintage, le son à l'ancienne....

J'ai aussi fait de la house music avec Martin Solveig notamment, donc peu importe le projet, que cela soit moderne ou pas, j'essaie d'être simplement moi dans tout ce que je fais. C'est l'esprit soul qui compte.

Dans une récente interview, vous déclariez que vous aviez commencé la musique pour l'argent et les filles, "pas pour l'amour de l'art", selon vos propres mots. Est-ce toujours le cas ? L'une de vos chansons s'intitulent d'ailleurs Money is king....

Money is king, ça parle du fait que nous mettons toute notre confiance dans l'argent. Je dis ensuite it's a sad, sad, world, but money is king. J'aurai pu chanter du gospel, mais le gospel parle du passé et la soul parle du présent. Je prône le fait que l'homme doit s'élever, Money is king est plutôt une chanson qui dénonce le fait que l'argent corrompt les gens. La religion est très importante pour moi, je suis très croyant et cela me donne de l'énergie pour avancer. L'argent transforme les amis, je veux convaincre les gens qu'il n'y a pas que le matérialisme dans la vie, mais que les émotions comptent. Les concerts sont un moyen d'en faire passer aux gens et de montrer qu'il y a autre chose. Je veux transmettre des bonnes vibrations. Je me suis demandé si je ne voulais pas être prêtre à un moment de ma vie, mais j'ai choisi la musique pour partager des moments de communion et de partage.

Baptiste Manzinali

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