Alors que le mouvement de grève national bat son plein, les médecins rejettent désormais l'utilisation de la carte Vitale afin de saturer les services de la Sécurité Sociale, au détriment des patients.

Les médecins ont trouvé un nouveau moyen de pression face au gouvernement : l'arrêt de l'utilisation de la carte Vitale. En remplacement, le retour à la feuille de soins qui devrait saturer les services de la Sécurité Sociale avec un effet collatéral, le rallongement des délais de remboursement pour les patients, passant ainsi de 5 à 20 jours. Pour le docteur Jean-Pierre Fallot, il n'y a pas de fumée sans feu. "La généralisation du tiers-payant, ce sont des délais de remboursement en plus pour nous. En fait, on fait le travail de la Sécurité Sociale et comme les clients ne sont souvent pas à jour, certains remboursements ne nous reviennent jamais. Mais comme d'habitude, c'est à nous de nous démerder." Très remonté contre le gouvernement, cet allergologue nîmois n'exclut pas un arrêt définitif de la carte Vitale. "Déjà avec le CMU, le 1/3 payant pose des problèmes. Si rien ne change, oui, j'arrêterai probablement l'utilisation de la carte Vitale et j’arrêterai de travailler gratuitement pour la Sécurité Sociale."

"C'est la grève à Genève"

Contacté par téléphone, un médecin officiant dans un quartier défavorisé de Nîmes et non gréviste n'a pas souhaité que nous communiquions son nom. Cependant, son témoignage tranche avec le discours entendu par les grévistes. "Dans les quartiers comme le mien où les gens n'ont pas les moyens, on est à 95 % avec des CMU, donc passer à 100 % du tiers payant ça ne changera rien. Allez plutôt voir les médecins du Jardin de la Fontaine...C'est la grève à Megève." Les patients les plus aisés seraient moins utilisateur du tiers payant ? C'est également ce que confirme le docteur Michéa Pascal, médecin généraliste nîmois. "Bien sûr, et le problème c'est que beaucoup de clients ne sont pas à jour dans leurs papiers, et il y a des centaines de mutuelles avec des formats de règlement différents, c'est une surcharge de travail pour nous". S'il n'est pas gréviste, le docteur Michéa est cependant solidaire avec ces confrères mais ne partage pas leur boycott de la carte Vitale. "C'est inutile, il vaut mieux manifester devant les institutions ou arrêter totalement le travail. Là, cela ne va pénaliser que les patients." L'un des problèmes majeurs avancé par ce médecin concernant la généralisation du tiers payant est celui de la fréquentation des cabinets médicaux qui augmenterait. "Les gens vont venir pour n'importe quoi, et il y aura des listes d'attente très longues. Cela va saturer nos services, c'est évident." Si beaucoup de médecin partagent les problèmes du tiers payant à 100 %, peu seraient concernés par ce boycott de la carte Vitale.

Baptiste Manzinali