BAGNOLS Eric-Emmanuel Schmitt : « cet humanisme qui se dégage de la pièce, on en a encore plus besoin maintenant »
L’auteur sera vendredi au centre Léo-Lagrange de Bagnols pour y interpréter sur scène son roman Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran.
Un livre vendu à plus de 3 millions d’exemplaires à travers le monde et adapté au cinéma et au théâtre, où la religion a une place centrale.
Objectif Gard : Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran, c’est l’histoire de la rencontre entre un enfant juif, Momo, et un épicier musulman, Ibrahim. Cette histoire, que vous avez écrite il y a plus de 15 ans, a-t-elle une résonnance particulière depuis les attentats de Paris ?
Eric-Emmanuel Schmitt : Je suis très impatient de l’entendre résonner à Bagnols-sur-Cèze vendredi. Je dirais qu’elle a encore plus de nécessité cette histoire entre cet enfant juif et cet épicier musulman. La fraternité entre les religions, ça a toujours existé à travers les siècles, mais c’est fragile, c’est toujours menacé. Cet humanisme qui se dégage de la pièce, on en a encore plus besoin maintenant.
OG : C’est aussi une histoire sur la transmission des valeurs. Quel rôle joue la religion dans cette transmission ?
EES : Nous vivons dans un monde mystérieux dont le sens nous échappe : quel est le sens de la vie, de la mort, de la maladie, de l’amour ? Les religions donnent du sens aux événements que nous vivons. C’est invisible, et c’est souvent les religions qui fournissent ce sens invisible. J’ai entrepris toute une série de romans qui visitent ces invisibles, ces religions (le Cycle de l’Invisible, ndlr). Monsieur Ibrahim c’est sur l’islam soufiste, mais ce qui est important ce n’est pas de parler d’une religion, mais des religions. Aucune religion n’est ni vraie ni fausse, mais elle propose. Je suis chrétien, et j’ai une infinie curiosité et un immense respect pour les autres religions.
OG : D’après vous, les religions sont-elles, malgré tout ce qui est commis en leurs noms, toujours porteuses de valeurs de tolérance ?
EES : Toutes les religions sont humanistes et visent à créer du lien entre les individus. Seulement parfois elles sont mal lues, et ça donne des fanatismes et des intégrismes, ou elles sont récupérées à des fins politiques. La haine et le mépris de la vie n’appartiennent à aucune religion. Le salut passe par la connaissance, on a peur de l’inconnu, or il faut connaître ce qui anime le cœur de l’autre.
OG : Monsieur Ibrahim est un vrai succès mondial. Qu’est-ce qui plaît dans votre histoire ? L’universalité de son message ?
EES : Je le crois. Quand le texte est paru en arabe, je suis allé le promouvoir au Caire, en Egypte. Là bas, les auteurs musulmans m’ont dit que j’avais créé un sage qui est musulman mais reconnaissable comme un sage dans toutes les cultures, que je montrais une sagesse universelle.
OG : Diriez-vous, aujourd’hui plus que jamais, que c’est un roman utile, nécessaire ?
EES : Aujourd’hui les mains tendues, les passerelles de paix, les démarches humanistes sont absolument nécessaires. Il faut apprendre à vivre ensemble et à n’exclure personne. Il faut se tourner vers l’autre et la fiction est une manière très intime et très chaleureuse de le faire. Vouloir la paix c’est faire la guerre au simplisme, à l’intolérance, aux certitudes. Auteurs, écrivains, journalistes, on est des soldats de cette guerre. Et la fiction peut être d’un grand secours aux idées, elle est une arme douce, chaleureuse qui va pénétrer l’âme, un parfum bienfaisant.
Propos recueillis par Thierry ALLARD
thierry.allard@objectifgard.com
Vendredi à 21 heures au centre culturel Léo-Lagrange. Tarifs : 11 € et 8 € tarif réduit. Les billets sont en vente à l'Office de tourisme et à la FNAC. Infos : 04 66 50 50 54.
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