Publié il y a 9 ans - Mise à jour le 26.01.2015 - thierry-allard - 4 min  - vu 749 fois

FAIT DU JOUR Eridan, le gazoduc géant qui va traverser 15 communes gardoises

Un chantier de gazoduc entre Cuvilly (Oise) et Voisines (Haute Marne) (Photo : B@rberousse / Flickr / cc)

Le 16 janvier dernier, le ministère de l’Ecologie autorisait officiellement GRTgaz à construire et à exploiter une canalisation de transport de gaz naturel longue de 220 kilomètres entre Saint-Martin-de-Crau, dans les Bouches-du-Rhône et Saint-Avit, dans la Drôme.

Un gazoduc d’1m20 de diamètre qui va traverser 4 départements, les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse, la Drôme et donc 15 communes gardoises, d’Aramon à Laudun-l’Ardoise, en passant par Fournès, Domazan ou encore Estézargues.

« On est sur des dangers sous-estimés. »

Un gazoduc déclaré d’utilité publique à la fin 2014 par le préfet de la Drôme, et qui vise à « sécuriser l’approvisionnement au niveau européen, explique le directeur du projet pour GRTgaz. Le gaz, il vient principalement d’Afrique et de Russie. Eridan est donc utile si on ne veut pas dépendre du gaz russe, avec la porte d’entrée qu’est le site de Fos-sur-Mer. » D’ailleurs, GRTgaz indique avoir reçu une subvention européenne de 74 millions d’euros sur un coût total du projet d’environ 500 millions d’euros.

Mais ce gazoduc en effraie certains. Ainsi, une réunion publique de l’association ADIC (pour Association de défense des intérêts de Caderousse) se tenait mardi dans la commune vauclusienne, porte d’entrée dans le département du gazoduc, qui passera le Rhône à Laudun-l’Ardoise.

Cette commune de 2800 habitants fait partie des plus concernées par le projet, puisqu’elle sera traversée sur 6,5 kilomètres par le gazoduc. Sachant que la « zone létale » est de 660 mètres autour de la canalisation, d’après l’étude de dangers officielle, ce sont pas moins de 302 habitations et 900 personnes qui sont concernées à Caderousse.

Pire, vu que « ce sont les plus gros gazoducs du réseau national, avec un diamètre deux fois plus grand que les gazoducs classiques et 80 bars de pression, s’il y a une explosion en jet oblique, ça peut tuer à 1600 mètres, affirme Jean-Pierre Gautry, urbaniste chargé de mission pour le collectif Alternatives gazoduc Fos-Dunkerque. On est sur des dangers sous-estimés. »

Des caderoussiens examinent le tracé du gazoduc sur leur commune à l'issue de la réunion publique (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

« On n’est pas en danger à côté d’une canalisation de gaz, sinon il n’y en aurait pas 32 000 kilomètres en France »

Pour Georges Seimandi, ces 1600 mètres sont « une inexactitude. L’ensemble des risques inhérents a été décrit dans une étude de dangers réglementaire, avec une zone létale à 660 mètres de part et d’autre. Mais ça ne veut pas dire qu’à 500 mètres vous êtes en danger de mort permanent. » Et le directeur du projet de poursuivre en expliquant que « sur ces distances, l’administration nous demande de mettre des mesures en place pour prévenir ces risques, et jusqu’à ce qu’elles soient jugées satisfaisantes, on en rajoute. » Ça peut prendre la forme « d’épaisseurs de tube plus importantes ou de traitements anticorrosion particuliers », précise Georges Seimandi.

Certes, mais cela signifie-t-il que le gazoduc est sans danger ? « Si vous passez votre vie sur une canalisation de gaz, vous êtes moins en danger que dans la vie de tous les jours, des accidents mortels sur les canalisations de gaz il n’y en a pas eu depuis 30 ans. On n’est pas en danger à côté d’une canalisation de gaz, sinon il n’y en aurait pas 32 000 kilomètres en France », développe Georges Seimandi.

Pour Pierre Carrot, secrétaire de l’association ADIC, « on peut comparer un gazoduc à une bombe à retardement, les premières années on ne risque rien, mais sur une durée d’une quarantaine d’années, il y a des risques. Tous les accidents arrivent sur des installations âgées de plus de 30 ans. » Jean-Pierre Gautry affirme pour sa part que « tous les trois mois, un gazoduc pète dans le monde. »

« Les énergies fossiles, quoi qu’on en dise, restent indispensables »

Autre point de discorde, l’utilité d’un tel gazoduc. Pour Jean-Pierre Gautry, « un tel projet n’est plus d’actualité, il a été étudié il y a plus de 20 ans. A l’époque, on était sur une logique du carbone, c’est complètement déconnecté de la réalité d’aujourd’hui, sans compter que la consommation de gaz ne fait que baisser. » Bref, le collectif qu’il représente dénonce « un grand projet inutile qu’il faut arrêter tout de suite. »

On s’en doute, côté GRTgaz on ne partage pas cet avis. Ainsi Georges Seimandi admet que « la consommation de gaz a baissé » mais que « tous les scénarios montrent une consommation stable à l’horizon 2030 - 2050. » De quoi justifier Eridan, donc. Et Georges Seimandi ne s’arrête pas la : « on s’inscrit en faux à ceux qui disent qu’on n’a plus besoin du gaz dans la transition énergétique. Les énergies renouvelables restent marginales et intermittentes. Les énergies fossiles, quoi qu’on en dise, restent indispensables », avant de rappeler que « le gaz pollue moins que le charbon », tout en estimant que « la meilleure énergie, c’est encore celle qu’on ne consomme pas, il faut d’abord faire des économies d’énergie. »

Un résumé du projet (GRTgaz)

« Le tracé ne leur convient pas. Mais on a la déclaration d’utilité publique »

Si l’opposition au Gazoduc est principalement active dans la Drôme et le Vaucluse, Georges Seimandi reconnaît « un point de fixation de 1000 mètres dans le Gard sur 30 ou 40 kilomètres de tracé. » Ce « point de fixation » est à Estézargues : « C’est une question viticole, précise Georges Seimandi. Les viticulteurs nous disent qu’ils se décarcassent depuis plus de 20 ans à sortir un terroir de haut niveau et que nous venons tout foutre en l’air. On a travaillé avec eux, on n’a pas trouvé de terrain d’entente, le tracé ne leur convient pas. Mais on a la déclaration d’utilité publique. »

Cependant, tout n’est pas perdu pour les opposants au gazoduc, conditionné à la réalisation préalable de grands projets : « on ne construira pas la canalisation si un projet à Fos et un autre entre Fos et l’Espagne ne se concrétisent pas », explique Georges Seimandi. Avec la crise économique les deux projets ont pris du retard, et aujourd’hui, en ce qui concerne la construction « on est plutôt sur 2019 » et plus 2016 comme prévu initialement.

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

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