Publié il y a 8 ans - Mise à jour le 15.05.2015 - coralie-mollaret - 3 min  - vu 1213 fois

FAIT DU JOUR Santa Cruz : Nîmes au coeur des retrouvailles des Pieds-Noirs

A 14h30, la procession de Santa Cruz démarre… Photo : Coralie Mollaret / Objectif Gard.

Plus de 10 000 rapatriés d'Algérie se sont retrouvés dans le populaire quartier du Mas de Mingue pour assister au 50ème pèlerinage de la Vierge Marie. 

Le rituel dure depuis 50 ans. Chaque jeudi de l'Ascension, des milliers de Français, rapatriés d'Algérie, convergent dans les quartiers ouest de Nîmes pour assister au traditionnel pèlerinage de Santa Cruz. Ils viennent de Normandie, d'Alsace, du Var ou encore de Rhône Alpes. Aussi différents qu'ils puissent paraître, ces Pieds-Noirs partagent une histoire et culture communes. Attablée devant un succulent couscous, cuisiné par le centre Jean Paulhan, Geneviève, originaire d'Oran, raconte : "en 1849, le choléra ravageait Oran. Les autorités militaires, incapables d'enrayer l'épidémie, ont fait appel à l'Eglise". Les prêtres organisèrent une procession dans la ville en l'honneur de la Vierge Marie, quand éclata un orage qui lessiva le sol oranais jusqu'à faire disparaître le choléra.

J-C.Lagarde : "Les Pieds-Noirs ne sont coupables de rien"

Derrière sa pancarte où est inscrit le nom de son ancien quartier d'Oran "Bel Air", André se remémore les saveurs orientales de son enfance : la Mouna. "A chaque fois qu'on sortait de l'église, on y avait droit". Né en Algérie, sa filiation avec l'autre rive de la Méditerranée remonte à son grand-père : "Vous savez, à l'époque en Espagne, on crevait de faim". Le sexagénaire narre volontiers son histoire. Une petite histoire qui s'inscrit dans la "grande", celle de la France qui colonisa en 1830 l'Algérie, avant que ce peuple ne s'engage, un siècle plus tard, dans le long combat de son indépendance.

"Pendant la guerre, nous avons cru en De Gaulle. Finalement, il nous a trahi", se souvient-il, la gorge nouée. Le "Je vous ai compris" du Général en 1958 s'est traduit par la signature des accords d'Evian en 1962. Au total, plus d'un million de Français et d'autres Européens sont rapatriés. Danielle originaire de Delmonte à Oran, est toujours aussi amère : "c'est inqualifiable. Nous sommes partis sans rien ! Nous n'étions pas des colons ! Nous n'étions pas de riches propriétaires terriens !".

En visite aujourd'hui à Nîmes, le président de l'UDI Jean-Christophe Lagarde, issu d'une famille de Pieds-Noirs,  a assuré que  "les Pieds-Noirs ne sont coupables de rien. La France a accepté une forme de culpabilisation envers l'état algérien, qui ne serre qu'à conforter sa propre population. (…) Pieds-Noirs, Harkis… Leur situation a été minimisée". Originaire d'Alger, l'adjoint à la sécurité de la ville de Nîmes Richard Tibérino a été rapatrié à l'âge de 8 ans. Avec sa mère d'origine espagnole et son père, Italien, il atterrit d'abord dans un camp militaire en Allemagne, avant de rejoindre Alès, puis Nîmes.

S'unir dans la différence 

Cinquante-trois ans après "la déchirure" de l'indépendance, le rapport à la société des Pieds-Noirs à évolué. L'Oranais André l'admet : "nous nous entendons bien avec les immigrés qui ont la culture du pays. Mais pas avec les plus jeunes. Ils sont perdus entre deux rives". Certaines rapatriées sont aussi choquées par ce bout de tissu qui orne aujourd'hui le visage des jeunes filles musulmanes : "à l'époque ce n'était pas du tout comme çà". A l'heure où les clivages entre religions sont exacerbés, Geneviève, veut fédérer : "lorsque la Vierge a fait disparaître le choléra à Oran pour les chrétiens, elle l'a fait aussi pour les musulmans et les juifs. Cela doit nous unir plutôt que nous diviser". Avec 15 000 personnes présentes selon la police, l'affluence diminue chaque année. Aux nouvelles générations de reprendre le flambeau, autour de valeurs qui, dans nos différences, peuvent aussi nous unir.

La suite en images… 

Venus des quatre coins de la France, les Pieds-Noirs se sont retrouvés hier au Mas de Mingue, à Nîmes. Photo : C.M/O.G

Les Pieds-Noirs se retrouvent par quartier d'Oran pour partager leurs souvenirs d'Algérie. Photo : C.M/O.G.

Certains recherchent leurs anciens camarades de classe en inscrivant le nom de leur rue ou quartier sur un panneau. Photo : C.M/O.G.

Jean-Christophe Lagarde aux cotés du président du groupe UDI au Département du Gard est venu célébrer Santa Cruz. Photo : C.M/O.G

Danielle et André racontent volontiers leurs souvenirs d'Algérie. La plaie du départ en 1962 est encore ouverte. Photo : C.M/O.G.

Les Pieds-Noirs se retrouvent par quartier d'Oran pour partager leurs souvenirs d'Algérie. Photo : C.M/O.G.

La guerre ne s’est pas arrêtée le 19 mars, date du cessez-le-feu entre la France et l'Algérie. C'est pourquoi, certains élus UMP et les Pieds-Noirs refusent de commémorer la journée nationale du souvenir et du recueillement, à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie ce jour là. La date a été instaurée en 2013 par François Hollande. Photo : C.M/O.G. Photo : C.M/O.G.

Tout le quartier profite de l'occasion pour vendre des sandwichs et autres boissons. Photo : C.M/O.G

Entre midi et deux, c'est couscous et paella, au menu. Photo : C.M/O.G.

Les deux élus UMP, Richard Tibérino (qui est arrivé d'Algérie en France à l'âge de 8 ans) et Marc Taulelle étaient de la fête. Photo : C.M/O.G.

Mouna, saveur de leur jeunesse. Photo : C.M/O.G.

Filles de Pieds-Noirs, Carole et Margaux vendent des bougies à l'effigie de Marie. Les fonds seront destinés à l'entretien de la chapelle. Photo : C.M / Objectif Gard.

Installé sur le marche pied d'un camion, le chanteur Pied-Noir Raymond Chayat salue ses fans. Photo : Coralie Mollaret / Objectif Gard.

Marée humaine autour de la Vierge Marie. Photo : C.M/O.G.

Coralie Mollaret

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