À Beaucaire, Momo Bougrini est une personnalité incontournable. Gérant du café Gambetta sur les quais, il est au centre des animations et oeuvre pour sa ville de cœur. 

Il suffit de s'asseoir sur sa terrasse, un après-midi de cette fin d'été où le soleil se fait moins rude, pour observer le personnage dans sa splendeur. Il vous donne l'impression de vous connaitre depuis toujours, vous laisse croire qu'il pourrait tout dévoiler sur lui, mais son esprit est trop vif et s'éparpille vite. Pas par maladresse. Momo a une imagination débordante qui peut le trahir, et devient difficile à cerner. Mais son amour pour "l'autre", celui qu'il ne connait pas, n'a pas de limite. "Je fais la fête avec des catholiques, des juifs, des musulmans, j'aime l'humain pour ce qu'il est". C'est une question d'éducation. Son père, employé agricole, musulman non pratiquant, l'a inscrit dans une école catholique jusqu'au collège. "J'allais à l'église, au catéchisme. On faisait le ramadan par respect pour ma mère, mais je me cachais dans le jardin pour manger des fruits" plaisante t-il. Rien ne lui a été imposé, si bien qu'aujourd'hui, c'est en un Dieu unique qu'il croit, le même pour tous.

Un restaurant contre deux billets d'avion

La figure paternelle est omniprésente dans son récit. Gravement malade, ce père qu'il admire préfére ne pas se soigner pour passer plus de temps en famille avant de mourir. "Ne te fais pas aimer pour ce que tu n'es pas" lui disait-il. "Je me ressors ça quand j'ai envie de faire le dos rond à la société" rajoute Momo. À l'école, il brille autant par ses capacités que par sa personnalité, mais lui préfère la vie active. Il commence à travailler dans les marchés de la région, et bifurque dans le milieu de la nuit où il devient physionomiste pendant cinq ans.

Une rencontre va changer sa vie à tout jamais. Audrey, "une fille de la campagne issue d'un milieu aisé", dirige un institut de beauté et ne sort pas beaucoup. "C'était un choc pour les Beaucairois. J'étais le voyou avec qui elle n'avait pas d'avenir." C'est pourtant avec lui qu'elle se marie et aura deux filles. La vie lui sourit : Alors qu'il fait quelques extras dans un restaurant, son patron lui propose de lui céder le bail...en échange de deux billets d'avion pour l'Ile de la Réunion. Il transforme le lieu en restaurant oriental, avec mère et tante en cuisine. L'affaire est un succès, il ouvre dans la foulée une saladerie et une crêperie sur la place Vieille. Pour faire vivre le lieu, il crée des animations de toutes pièces pour tous publics, des bals dansants pour le troisième âge aux soirées branchées, "je me suis prouvé à moi même que j'étais un travailleur". En 2007, il achète le Gambetta sur les quais et continue d'asseoir sa notoriété localement.

"Julien Sanchez a une ligne de conduite. C'est un homme de parole"

En 2014, le FN gagne la mairie. Julien Sanchez comprend rapidement qu'il a besoin de lui, tant lors de sa campagne qu'une fois élu. "Je ne juge pas le parti dont je ne partage pas les idées, mais je juge l'homme. Sanchez a une ligne de conduite. Il est entier, c'est un homme de parole." Momo n'hésite pas à tenir tête à son nouveau maire, et lui faire quelques surprises. Lorsqu'il est averti qu'un marché artisanal est organisé à proximité de son commerce, Momo surprend tout le monde en montant un enclos avec chèvres, truies et porcelets, pour coller à l’événement et provoquer aussi, un peu.

Parce qu'il se met en scène presque constamment, qu'il cultive son image jusque sur les réseaux sociaux - sa page facebook Momo Bougrini a 10 000 likes, deux fois que Julien Sanchez - il aurait pu être acteur comme le sont devenus ses amis d'enfance Youssef Hajdi et Mickael Pinelli. "À l'école, notre professeur nous avait conseillé de faire du théâtre. Moi je suis acteur à ma façon." Un acteur qui se verrait bien gravir quelque marches à Beaucaire...

Baptiste Manzinali