FAIT DU JOUR Attentats de Paris : de la télé à l'école
Après l'émotion suscitée par les attentats de Paris vendredi dernier, l'heure est à la pédagogie dans les écoles de France. Aux Près-St-Jean à Alès, dans sa classe de CM2, Vincent Bury a choisi un débat explicatif et informel. Un travail souvent nécessaire.
Attentat, démentir, terroriste, perquisition, enquête, deuil national... Si les événements de vendredi dernier sont d'une complexité absolue, ils le sont d'autant plus pour des enfants d'une dizaine d'années. A un âge où les bambins sont encore peu éclairés mais en âge de comprendre, la curiosité est vivace et la pédagogie nécessaire. "Je ne me voyais pas ne pas en parler. De toute façon, ils l'auraient fait", commente Vincent Bury, enseignant en CM2 dans un quartier populaire d'Alès, qui a l'habitude de débattre avec ses élèves pour éveiller leur curiosité.
Pour les écoliers, qui ont vu défiler des images en boucle sans en comprendre les rouages, une question est récurrente : qui et pourquoi ? "C'est Daesh et la Syrie", lance un garçon. "Non, ce n'est pas la même chose", brandit le professeur. "La Syrie est un pays. Daesh veut l'islamisme radical ou extrémiste. Il agit au nom de la religion. Il interdit les cerfs-volants et même d'écouter de la musique". "Pourquoi maître ?", demande Mathéo, médusé. "Je ne peux pas vous répondre. Je ne le sais pas", déplore Vincent Bury.
Du rôle pédagogique de l'enseignant
Puis vient l'inévitable question de la religion. Comme pour Charlie Hebdo, dans sa classe, le professeur n'a pas entendu de propos "pro-attentats". Au contraire. Zaïra interroge : "J'ai demandé à ma mère ce qu'il s'est passé. Elle m'a dit que ça se fait pas de faire ça. J'ai eu peur pour ma famille à Paris. Qu'est-ce qu'elle a fait la France pour qu'il y ait tout ça ?"
"Les gens croient que tous les musulmans font ça", poursuit Lélio. "Comment ça s'appelle ?", questionne l'enseignant. Le silence se fait. La notion d'amalgame va être difficile à transmettre. Vincent Bury la note soigneusement au tableau et tente de l'expliquer. "C'est comme si un homme à lunettes tuait, et qu'ensuite, on pensait que tous les hommes à lunettes étaient des tueurs!" L'image semble parler aux enfants mais réveille des inquiétudes. "Maître, je suis gitan. Toute ma famille est née en France. On va devoir partir si Marine Le Pen est présidente?", lance Max. "Elle est pas au pouvoir. Mais même si elle l'est, elle ne pourra pas. On a tous des ancêtres étrangers", rétorque l'instituteur, plutôt à l'aise, même si parler de politique en classe ne lui est pas permis.
Tout au long de la séance, le professeur s'attache à définir les mots et les symboles qui entoure les événements. Les enfants semblent captivés mais détachés. Pourtant, en quittant la salle, Max glisse à son enseignant : "J'ai rêvé qu'ils me tuaient". Une confidence presque anodine qui met en évidence l'intérêt d'intervenir. "Ça les touche inévitablement, même si je n'ai pas ressenti de traumatisme. Il faut en parler pour rassurer, ils doivent pouvoir s'exprimer librement", souligne Vincent Bury. En parallèle, lundi, ce dernier a sollicité un papa pour qu'il intervienne sur les attentats. "Lui-même musulman, il a expliqué que s'il ne l'était pas, il aurait pu devenir raciste. Il était en colère. C'est bien que les petits l'aient entendu. Venant d'un papa, ça peut avoir un autre impact", se satisfait-il, rappelant que le rôle des parents est aujourd'hui aussi important que celui de l'école.
Si tous les enseignants ne sont pas aussi à l'aise avec les sujets "polémiques", tous les parents non plus. Lors du rassemblement d'hommage aux victimes organisé au Cratère d'Alès hier soir, seules 600 personnes ont fait le déplacement et peu de familles étaient présentes. L'unité nationale reste encore à construire.
Eloïse Levesque
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