Publié il y a 8 ans - Mise à jour le 18.01.2016 - thierry-allard - 3 min  - vu 1102 fois

FAIT DU JOUR P.A.R.I, le premier centre de déradicalisation de la région est à Bagnols

Mourad Abadli, l'imam Mahjoub Mahjoubi et Nabil Kadri (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

« C’est une occasion d’être concrets et d’agir contre toutes ces dérives » : le premier centre de déradicalisation de la région, et le deuxième de France après celui de Bordeaux, voit le jour aujourd’hui sur Bagnols.

Initié par le militant PS Nabil Kadri, l’ex-candidat Front de Gauche aux départementales Mourad Abadli et l’imam de la mosquée de Bagnols Mahjoub Mahjoubi, le centre a été baptisé P.A.R.I., pour Prévention et action contre la radicalisation des individus.

« Détricoter le travail de ces gourous »

Un nom à double sens, puisque la démarche s’inscrit après les attentats de Paris, et ressemble à un vrai pari. « Le centre va regrouper plusieurs experts, l’imam Mahjoubi pour la partie théologique, des élus, des psychologues, des avocats, de travailleurs sociaux et des éducateurs », explique Nabil Kadri. « Tous ces professionnels vont apporter des réponses selon le profil de l’individu radicalisé, poursuit-il. Les méthodes d’embrigadement sont individuelles, si les gourous ont devant eux quelqu’un qui cherche de l’action, ils vont lui promettre du combat, si c’est une femme, ils lui promettront de l’humanitaire et si c’est une recherche de spiritualité, ils lui diront que c’est là bas qu’il faut vivre leur Islam. » Alors pour Nabil Kadri, la réponse doit être individuelle, « c’est comme ça qu’on arrivera à détricoter le travail de ces gourous. »

Pour l’imam Mahjoubi, qui décrit sa fonction comme « médecin de la religion », il y a un gros travail théologique à faire : « ils prennent les textes du Coran et de la sunna et les interprètent, mais le Coran est un texte général. » Et l’imam bagnolais, de nationalité tunisienne, a déjà été confronté au problème de la radicalisation des jeunes en Tunisie après le printemps Arabe. « Quand je donnais des conférences partout dans le pays j’expliquais le fondement essentiel, le dogme, la dérive vient de la mauvaise compréhension du dogme », poursuit l’imam, alors que beaucoup de jeunes partant en Syrie n’ont que des vagues notions de l’Islam : souvent, « de la délinquance des rues ils basculent dans la délinquance de la religion. »

Alors Mahjoub Mahjoubi a appris à repérer les comportements à risque : « quand j’avais 100 jeunes, il suffisait que je les écoute 15 secondes chacun pour savoir qui était en train de basculer. Un imam, c’est un scanner, alors je scanne. Les gestes, les regards disent beaucoup de choses. » Malgré tout, « en Tunisie j’ai vu beaucoup de jeunes partir en Syrie, même si je suis arrivé à en convaincre pas mal d’autres de ne pas le faire. Beaucoup de ceux qui sont partis sont morts, et je connais leurs parents. » Il cite l’exemple d’un jeune Tunisien parti puis revenu après seulement quinze jours de djihad, « il m’a dit ‘c’est l’horreur’ », se souvient l’imam. « Il était vraiment partisan, il sortait avec le drapeau noir et aujourd’hui c’est l’ennemi de ces gens là. »

« Ces jeunes, il faut les écouter »

Cette expérience, l’imam veut la mettre au service du centre de déradicalisation bagnolais, avec une conviction : « ces jeunes, il faut les écouter. » Car à Bagnols comme ailleurs, « la fracture sociale, l’exclusion, le discours FN et ceux qui veulent marcher derrière eux pour récupérer leurs voix, ça alimente quoi ? » s’interroge Mahjoub Mahjoubi, quand Mourad Abadli regrette le recul gouvernemental sur le droit de vote pour les étrangers aux élections locales : « on a exclu ces jeunes, pour certains, s’ils avaient vu leurs parents voter, ils auraient eu un sens civique. » Quant à la déchéance de nationalité, « ce n’est pas une solution » pour Nabil Kadri.

Face à cette situation, les trois hommes ne veulent plus perdre de temps : « on dépose les statuts à la préfecture lundi (aujourd’hui, ndlr), nous avons mis en place l’adresse mail* et nous allons lancer un numéro vert », explique Nabil Kadri. Quant au local où sera installé le centre, « on va demander au Conseil départemental ou à la préfecture de nous le fournir, on veut en avoir un, et nous sommes prêts à nous déplacer. » Et dans toute la région s’il le faut.

Pour l’heure, le député Patrice Prat, membre de la commission d’enquête parlementaire sur les filières djihadistes, l’adjoint à la sécurité de Nîmes Richard Tibérino, le lieutenant des pompiers Jean-Claude Skaff, le commandant à la retraite Alain Pommier ou Abdallah Zekri du CFCM se sont montrés intéressés par l’initiative, que la préfecture voit d’un bon œil.

En attendant, « les familles peuvent nous saisir », affirme Nabil Kadri, qui espère que l’initiative bagnolaise « fera des émules. »

* associationpari30@gmail.com.

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

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