Publié il y a 8 ans - Mise à jour le 12.04.2016 - eloise-levesque - 3 min  - vu 210 fois

JUSTICE Coupures d'eau illégales : le tribunal d'Alès ne donnera pas l'exemple

Tribunal d'Alès.

Palais de justice d'Alès. Photo © objectifgard.com

Pour un impayé de 78 €, la Régie publique des eaux d'Alès aurait coupé l'eau de Martine, 59 ans, habitante du centre ville. Un processus illégal depuis 2013. La victime a porté plainte mais la justice l'a déboutée.

Martine Pienkowski avait prévenu. Elle l'a fait. Le 16 février, cette habitante du centre ville comparaissait au tribunal d'Alès pour tenter de faire reconnaître son préjudice : une coupure d'eau illégale de la part de la Régie des eaux d'Alès, en vertu de la loi Brottes, votée en avril 2013.

"Je me lavais chez ma mère"

Les faits remontent à l'an dernier. A 58 ans, Martine est au RSA et vit de petits boulots depuis 15 ans. "Après mon divorce, j'ai dû arrêter de travailler pour élever mes enfants et je n'ai jamais plus retrouvé d'emploi stable. Je suis trop vieille", ironise-t-elle. Résidant dans un grand deux pièces HLM de la rue de la Meunière, l'Alésienne touche 450€ par mois et paie un loyer de 250€ hors charges. A partir d'octobre 2014, elle cesse de régler l'eau. "J'ai reçu une facture de 78€. Je n'ai pas pu payer tout de suite mais j'avais bien l'intention de le faire. J'ai été coupée le 3 mars 2015", raconte la quinquagénaire.

Selon elle, la coupure a duré plus de 2 mois, jusqu'à ce que la REAL installe une pastille pour apporter un faible débit. Une procédure appelée "lentillage" que l'avocate Me Gay estime illégale. "Dans un jugement rendu en janvier à Limoges, cette technique a été qualifiée comme une coupure d'eau : elle ne respecte pas les conditions d'un logement décent. On peut considérer cette délibération comme une jurisprudence. Je vous demande du courage et de l'audace M. le Président!", demande-t-elle au juge.

Si la plaignante est désormais à jour de ses paiements et a retrouvé un débit normal, elle réclame 3000 € de dommages et intérêts au titre de "préjudice de jouissance". "Je me lavais et remplissais mes bouteilles d'eau chez ma mère", rappelle la locataire.

La REAL nie

De son côté, la REAL, qui a choisit de se défendre sans avocat, ne l'entend pas de cette oreille et invoque la mauvaise foi. Même si la presse a constaté elle-même le lentillage en mai 2015, Frédéric Monnet, responsable de la Régie des Eaux, soutient qu'il n'a été effectué que sur deux jours : les 12 et 13 mars. Dans le public, on rit. Mais le directeur assume. "Nous soupçonnons qu'elle ait elle-même partiellement coupé son compteur pour la venue des journalistes, elle n'attendait que ça!".

Il renchérit dans le brouhaha du public. "Martine a reçu plusieurs courriers. On l'a invité à se rapprocher du CCAS pour recevoir une aide. Elle a refusé. Elle a répondu qu'elle ne paierait pas car elle était dans son droit et qu'elle ferait tout sauter si on ne remettait pas l'eau", prétend Frédéric Monnet. Dernier argument de taille, la consommation d'eau. "Elle n'a rien dépensé de janvier à mai 2015. Sa facture était à zéro. Habitait-elle donc réellement dans son logement ? Y-avait-il préjudice ? Je réponds que non".

Le trouble s'installe définitivement dans l'assemblée, presque vide. Le juge s'interroge et questionne la plaignante. "Il est vrai qu'en journée, j'étais chez ma mère. Mais le soir, j'étais chez moi", justifie-t-elle. Las, le président du tribunal recadre le débat. "L'enjeu est simple : y-t-il eu coupure d'eau ? Quant au préjudice, j'ai des doutes".

La plaignante part en cassation

Après l'audience, l'avocate de Martine Pienkowski se disait confiante. Elle espérait que la décision du tribunal de Limoges de condamner une régie des eaux pour lentillage, début janvier 2016, fasse jurisprudence. Ce lundi, le juge en a décidé autrement. Il a estimé que le lentillage était intervenu après sa déclaration au CCAS, et qu'il avait été effectué "dans le respect des règles légales". La plaignante est "condamnée aux dépens de l'instance", elle devra s'acquitter de tout ou partie du coût du procès supporté par son adversaire. "Pour enfin obtenir justice", Martine Pienkowski a décidé de se pourvoir en cassation à Paris.

Eloïse Levesque

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