Publié il y a 7 ans - Mise à jour le 26.11.2016 - baptiste-manzinali - 3 min  - vu 1130 fois

NÎMES Dr Gérard Dupeyron : "La vision bionique n'est pas de la science fiction"

Le Dr Gérard Dupeyron, chef du service ophtalmologie du CHU de Nîmes. (Photo Baptiste Manzinali / Objectif Gard)

Le vendredi 14 octobre dernier, une pose d'implant rétinien a été réalisée au CHU de Nîmes. Une première pour l'hôpital gardois, et une avancée sur le plan national. Le docteur Gérard Dupeyron, chef du service ophtalmologie du CHU de Nîmes, explique.

Objectif Gard. En quoi cet implant est un évènement ?

Dr Dupeyron. Ce type d'implant n'a eu lieu qu'une centaine de fois dans le monde. Là, cet implant effectué au CHU de Nîmes est de dernière génération et de fabrication française et valide l'idée selon laquelle on peut stimuler électriquement la rétine. Cet implant est interchangeable et la caméra alimentée est intelligente, elle est bio-inspirée car elle fonctionne un peu comme l’œil lui-même. Cela ouvre de nouvelles voies, mais ce n'est pas un miracle non plus, il faut bien comprendre que cela ne ressemble pas du tout à la vision naturelle.

Comment décrire la vision obtenue par le patient ?

Là où nous, nous avons des millions de pixel, le patient n'aura que 150 points illuminés par des petits flashs lumineux qui lui permettront de se repérer dans un espace. Et tout ça, après des mois et des mois de rééducation. On s'adresse à des patients aveugles pour qu'ils deviennent malvoyants. Cet évènement nous ouvre des horizons, mais il faut faire attention à ne pas susciter de faux espoirs comme on l'entend parfois à la télévision. Non, le patient n'obtient pas une vue normale.

La réalité n'a pas encore dépassé la fiction...

C'est une vision artificielle, on parle de vision bionique mais moi je préfère le terme vision prothétique. Si vous m'aviez parlé de ça il y a 20 ans, j'aurai dit que c'est de la science fiction. Là, on ouvre la voie. Ce type d'implant est beaucoup plus simple à réaliser dans l'oreille, avec des capteurs électriques stimulants. Avec de la rééducation, on arrive à rétablir l'ouïe. Mais la lumière est beaucoup plus complexe que le son.

La science et la médecine ont encore beaucoup de chemin à parcourir dans la compréhension globale du corps humain ?

Quand on écoute les techniciens et les physiciens, ils disent que demain, on fera fonctionner des machines miniatures avec la nanotechnologie. On se rapproche donc de l'aspect microscopique du corps humain. Notre métier, en tant que médecin, est de gérer l'interface entre la machine et le corps, de connecter ces implants avec la cellule de la rétine et d'apprendre à s'en servir. La plasticité cérébrale est une capacité de réorganisation très poussée du cerveau, à tel point qu'il pourra transformer un mauvais signal en une bonne représentation.

Comment s'est déroulée l'opération ?

Elle a été dirigée par le Dr Audemard, un spécialiste de la chirugie et de la rétine formé à la formation Rothschild qui va bientôt me remplacer en tant que chef de service. Il y a eu tout un protocole avant l'opération puisqu'il a d'abord dû assister à des opérations similaires et participé à un laboratoire d'entrainement sur des yeux de porc où il fallait placer cinq implants. L'opération a duré trois heures. En amont, le professeur Hamel a sélectionné le patient d'après des critères médicaux et psychologiques. Maintenant nous entrons doucement dans la troisième phase, celle de la rééducation où le patient va apprendre à utiliser la vision prothétique. Mais là, on va vers l'inconnu. Le patient devient autant un chercheur que nous.

Comment va le patient ?

L'opération est lourde, mais il était bien préparé psychologiquement donc il va bien. Nous allons recommencer ce type d'opération le 20 décembre prochain sur un nouveau patient.

Propos recueillis par Baptiste Manzinali

Baptiste Manzinali

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