Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 02.04.2017 - veronique-palomar - 5 min  - vu 961 fois

FAIT DU JOUR Le chanvre ça flotte : plaisance, performance et … éco-responsabilité.

Gilles, porteur et initiateur du projet met la dernière main à la coque avant la présentation du prototype aux partenaires. Poses et réglages se font au millimètre. Photo V.P.

Fabriquer des coques de voiliers de course croisière en lin, en bambou, en basalte, en jute et en chanvre, leur faire traverser l'atlantique pour tester leur performances, ça peut paraître fou. Mais en y regardant de plus près …

À l'heure où la chimie livre des composants synthétiques de plus en plus légers et résistants pour augmenter sécurité et vitesse, on pourrait penser qu'il n'existe pas d'alternative à cette "marche en avant" du progrès. Oui mais voilà, est-ce vraiment cohérent que les bateaux qui sillonnent les mers du monde soient conçus en matériaux polluants et difficiles, voire impossibles à recycler une fois en fin de vie ? Une poignée d'hommes motivés fait le pari de l'innovation au service du respect de l'environnement, sans pour autant sacrifier à la résistance et à la performance… Le projet avance et doit encore séduire quelques partenaires supplémentaires pour être finalisé. L'idée vaut qu'on s'accroche, juste pour ne pas entendre nos enfants demander "Maman les p'tits bateaux qui vont sur l'eau, pourquoi ils polluent la planète ?"…

Un coup de pouce pour commencer 

C'est à l'occasion du prix Coup de pouce décerné par la région Occitanie /Languedoc-Roussillon, que l'on a entendu parler pour la première fois de Écotransat. Le projet à été primé dans la catégorie Graine d'entrepreneurs, grâce à l'idée novatrice (il était temps) de concevoir des coques de bateaux de plaisance, qui proposent des solutions alternatives à la construction en fibre de verre et résine polyester, très polluante et non recyclable à base de matériaux tels que le lin, le jute, le chanvre, le bambou, et même le basalte… Le tout sans sacrifier aux qualités requises pour être dans la course. Pour en savoir plus une visite de chantier s'imposait.

Profilée, la coque du prototype est conçue pour affronter le grand large, si tout se passe bien, ses cinq frères seront bientôt prêts pour affronter l'atlantique et comparer les performances de leurs matériaux respectifs. Photo V.P

Sur place, ça bosse dans le calme et la bonne humeur mais la tension est palpable. Nous sommes jeudi et samedi la coque du prototype doit être présentée aux partenaires. Mais rendez-vous est pris. Alors, Gilles Melon, initiateur et porteur du projet prend du temps pour nous répondre. L'idée est "venue tout naturellement en naviguant autour du monde avec des copains pendant deux ans". Atlantique, Cap vert, Cap Horn… Une belle boucle. Une longue navigation, qui laisse du temps pour méditer, s'interroger sur des problématiques générales. S'il est vrai que la propulsion à voiles est propre, concernant les composants des coques les plus utilisées, ça laisse à désirer… Une coque en fibre de verre et polyester ce n'est pas recyclable du tout.  "L’objet de notre association est de rassembler les amateurs de voile et de voyage, d’organiser des évènements associés à la voile et aux voyages en voilier, d’échanger et de partager des données techniques pour la construction, la réparation, et l’entretien de voiliers dans un esprit de respect de l’environnement." Voilà qui est posé. Concrètement, l'association projette le déroulement des opération en deux phases.

Test grandeur nature

Le projet, EcoTransat est organisé par l’association Déferlante Océane. C’est un test grandeur nature pour des bateaux éco-conçus avec une Transatlantique France – Brésil en 2019, puis un Tour de l’Europe en 2020. Deux raids réitérés tous les deux ans pour suivre l’évolution des matériaux. Voilà pour la phase finale.

Mais avant d'en arriver là, il a fallu mener une réflexion poussée, inspirée d'expériences existantes sur la fabrication des coques à partir de matériaux naturels. En Bretagne, Roland Jourdain, travaille sur la fibre de lin. Corentin de Chatel Perron, s'intéresse quant à lui à la fibre de jute au Bengladesh … "On s'inspire de tout ça", développe Nicolas Melon et de poursuivre, "on a fabriqué des plaques de fibres tissées liées par une résine, composée (autant que faire ce peut de produits bio-sourcés), à partir des cinq matériaux que nous avons sélectionnées (lin, jute, chanvre, basalte, bambou).  L'École des Miners d'Alès teste leur impact environnemental.  Dans le même temps, nous avons construit le Sterne 27, dessiné par Guillaume Calestroupat, architecte naval, sur demande de plan par l’association . Les critères de réalisation étaient : le faible impact sur l’environnement, la vitesse, et le budget. Le moule mâle du pont et de la coque est construit en bois sur lequel nous viendrons fabriquer le moule femelle. Dans ce moule femelle, seront fabriqués les Sterne 25 en matériaux recyclables et biomatériaux. Le premier moule en bois sera ensuite transformé en bateau navigable et participera aux raids EcoTransat. C'est donc le Sterne 25 en bois que nous voyons en cours de finition et qui a été présenté aux partenaires de l'opération".

La première phase est donc quasiment achevée. Reste à fabriquer les cinq autres bateaux et à lancer les "six frères" à travers l'Atlantique.  Une seconde phase qui reste à financer. Manque 600000 € pour toucher au but. Ce qui, vu les enjeux du projet, ne représente pas une somme folle pour un investisseur avisé. Sachant qu'à terme, les performances, la résistance et le prix d'achat de ces bateaux plus propres seront équivalent à leurs alter égos écologiquement incorrects.

Les parrains de l'opération, *Kito de Pavant, et *Jérôme Poncet ne s'y sont pas trompés.

À terme les ambitions vont encore plus loin que la mission environnementale puisque, " outre les 2 raids qui serviront à éprouver sur le terrain ces bateaux éco-conçus, c’est le projet de création d’un chantier naval dédié à l’éco-conception, faire de la région Occitanie Pyrénées – Méditerranée un Pôle du composite bio-sourcé, en lien avec la recherche et avec le secteur économique du nautisme et c’est aussi le développement d’une entreprise sociale (coopérative) participant au développement de l’emploi et l’insertion par l’activité", conclue Nicolas avec passion. À suivre donc …

Toutes les données techniques concernant le Sterne 25 sont disponibles auprès de l’association Déferlante Océane. Retrouvez-les également sur Facebook pour suivre toute leur actualité.

*Les parrains

kito-de-pavant-2Kito de Pavant | skipper de course au large

Grand skipper français et "régional de l'étape", Kito s’aligne sur de nombreuses courses. Il participe 8 fois à la solitaire du Figaro, 8 fois à la Transat Jacques Vabre, ou encore plusieurs fois au Tour de France à la voile. Spécialiste du Figaro, il s’impose à trois reprises dans cette catégorie (Solitaire du Figaro, Transat AG2R, et Generali Solo). Il était pour la troisième fois au départ du Vendée Globe qui s'est achevé pour lui par la mésaventure qu'on connait (choc avec un cachalot). À propos du projet, il affirme : « Enfin un projet original, dans l’air du temps et qui ose ouvrir la réflexion sur les voiliers de demain. Le Monde change. Changeons de Monde. Ce n’est pas reculer mais bien au contraire de continuer à croire en l’intelligence humaine pour inventer d’autres solutions, pour voyager et traverser les océans sans les détruire.

                                                                                                                               

                                

jero%cc%82me-poncet-2Jérôme Poncet | navigateur des mers du Sud

Rencontré aux îles Falkland par les fondateurs, Jérôme surnommé le «pape des glaces», écume les mers du Sud et la péninsule Antarctique depuis plus de 50 ans. Il parraine l’Eco Transat. « Construire un bateau n’a jamais été une légère entreprise ni une œuvre écologique lorsque l’on sait que la quasi-totalité d’entre eux  finissent au fond des océans ou en débris sur les rivages emmenant avec eux les forêts les plus nobles, les mines de charbon et de fer et récemment les produit direct de l’industrie chimique. Repartir sur une base écologique avec des produits renouvelables, en y mettant le savoir-faire, c’ est certainement suivre un bon chemin ; mais combiné avec le choix d’un bateau de taille modeste, capable de courir les mers, de faire vivre l’Aventure, de prodiguer le plaisir, alors on ne peut que s’enthousiasmer pour le projet EcoTransat, et penser avec gène et tristesse aux obscènes super-yachts. »

Véronique Palomar

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