Publié il y a 7 ans - Mise à jour le 13.04.2017 - anthony-maurin - 4 min  - vu 1398 fois

FAIT DU JOUR Chicuelo II, la musique au service des émotions taurines

L'orchestre Chicuelo II au grand complet pour les ultimes répétitions avant le début de la saison (Photo Anthony Maurin).

L'orchestre Chicuelo II est la formation qui illumine par sa musique les corridas du sud-est de la France. Rudy Nazy, chef d'orchestre, et sa belle équipe se préparent et peaufinent les derniers arrangements d'une saison qui s'annonce en fanfare.

Chicuelo II est l'orchestre officiel des arènes de Nîmes depuis plus de 50 ans et pour Arles, c'est un peu la même chose. En-dehors de ces monstres d'arènes, vous pouvez entendre Chicuelo II dans des ruedos plus petits et aussi variés qu'Istres ou que Saint-Martin de Crau qui proposent deux visions complémentaires de la tauromachie. "J'essaie toujours d'adapter la musique au temple de la muleta du maestro. Nous jouons sur les nuances qui ont un rôle essentiel dans notre accompagnement de la faena. Nous ne devons pas prendre le dessus ni jouer trop fort pour ne pas parasiter ce que fait le torero en piste, c'est quand même lui qui se joue la vie, chacun son rôle! Nous devons être une plus-value. Le public doit percevoir la force de la musique qui est au service du maestro. Satisfaire le public, l'empresa et le maestro, tel sont nos désirs" affirme Rudy.

En pleine répétition, les yeux des musiciens doivent valser entre leurs partitions et les gestes du chef (Photo Anthony Maurin).

Pour cela, 144 morceaux sont au répertoire de l'ensemble musical. Autant dire que l'orchestre est un véritable juke-box! "Il y a l'embarras du choix!" lance Rudy Nazy, big boss de Chicuelo depuis une dizaine d'années. "Mais ça, c'est sur le papier...!" poursuit le patron. Des grands pasodobles graves pour les toreros artistes (près de 90 références) et des morceaux plus enlevés pour les toreros qui exercent leur profession au coeur du danger (environ 50 morceaux) "Une feria peut durer 10 jours, je ne jouerai jamais deux fois le même morceau même si maestros ou empresas me le demandent... Nous refusons de tomber dans cette simplicité!" affirme Rudy Nazy.

La saison taurine démarre, c'est le branle-bas de combat et la formation potasse les rudiments de son art. Pour une répétition, rendez-vous était pris à 21h15 dans une salle municipale de Meynes, village dont le maire n'est autre que le chef d'orchestre, Rudy Nazy. Beaucoup de professeurs de musique sont partie intégrante de l'orchestre donc une arrivée au compte-gouttes fait patienter une grande partie de la troupe.

Chicuelo II a une place prépondérante au sein d'une corrida traditionnelle. Si la musique met du relief dans le combat proposé, le maestro peut en tirer un sacré bénéfice (Photo Anthony Maurin). • Anthony MAURIN

Les morceaux sont numérotés mais entre ceux qui cherchent leurs partitions écrites et ceux qui naviguent sur leur tablette pour les retrouver... L'affaire n'est pas prête d'être bouclée! "Allégez-moi tout ça! Si vous ne jouez pas avec moi, on ne sera jamais ensemble! C'est comme dans une équipe de foot et puis, sortez les oreilles aussi! C'est pire qu'une crèche..." s'emballe le chef d'orchestre qui remonte ses troupes pour en tirer la substantifique moelle. Histoire de mesures changeantes, de tonalités plus ou moins hautes, les partitions peuvent être d'une telle différence que l'essentiel est tout simplement de s'y repérer rapidement, comme seuls de vrais pros savent faire. "Prenez un crayon et rayez tout ça! On coupe là et on reprend là! Personne n'a les mêmes, il faut qu'on ajuste nos versions. Et s'il vous plaît, un peu de douceur... C'est pour faena!" affirme Rudy qui prend soin de l'effet de justesse musicale mais aussi des répercutions de cette même musique au sein d'une corrida.

Grâce à "Un échange de bons procédés pour Caridad del Guadalquivir" avec, entre autres, le chef d'orchestre des arènes de Manizales (Colombie), Rudy parvient à surprendre son petit monde et surtout celui des arènes, très conservateur mais qui apprécie malgré tout un certain renouvellement du genre musical. Ainsi, le concerto de Aranjuez, les musiques d'Ennio Morricone, l'Hymne à l'amour... sont au répertoire pour le bonheur des spectateurs, des toreros et qui sait, peut-être même des toros! "C'est un choix personnel! La corrida évolue, le public aussi et par conséquent nous devons faire évoluer la musique. Piocher dans ces répertoires ne plaît pas à tout le monde mais on se rend compte que depuis que nous le faisons, d'autres arènes s'y mettent, reprennent les morceaux et en jouent. Je n'étais pas inquiet de l'accueil du public mais l'essentiel est de faire plaisir au plus grand nombre... J'admets volontiers que sur 12000 personnes qui assistent à une corrida à Nîmes, on ne peut pas plaire à tout le monde!" poursuit Rudy Nazy.

Quelques changements de dernière minute, une adaptation aux désirs majoritaires et aux requêtes de Rudy Nazy (Photo Anthony Maurin).

À quelques jours de la Feria de Pâques (Arles), le premier grand rendez-vous taurin de la saison, on doit peaufiner les accords, s'harmoniser, après un long hiver qui a dû engourdir la routine musicale. Les morceaux ne changent guère d'une saison à l'autre, mais il faut se remettre dans le bain et retrouver ses marques individuelles et collectives. Il faut dire que dans cette remise en forme, Rudy, plus en chair qu'en os, y met les formes et active les instants de fugacité au service de l'émotion que doit dégager un tel orchestre.  "La corrida, au travers des tumultes qu'elle traverse, doit perdurer pour nos enfants et petits-enfants, c'est notre patrimoine. L'économie est difficile mais une feria amène du beurre dans les épinards de nombreuses villes. De plus, les anti sont nombreux mais en réalité, il y a peu de Français... Vive la musique, vive la corrida et vive la fête!" poursuit le chef.

Le chef, énergique, bat la mesure, agite ses bras, tape du pied et balaye du regard tantôt ses partitions, tantôt ses musiciens. Pour les musiciens, l'affaire est encore pire! Plusieurs des cinq sens sont mis à contribution... Quelques regards hagards, quelques oreilles mal débouchées, un flair pas toujours inspiré et un toucher de professionnel qu'il faut avouer exceptionnel, voilà de quoi goûter aux délices d'une musique qui emplit de joie et d'émotion les arènes de la région. Mais pas que! Chicuelo fait aussi des concerts et sort des CDs.

Les musiques de la Feria d'Arles et quelques surprises! (Photo Anthony Maurin).

"Nous faisons de plus en plus de concerts à thème avec par exemple des chœurs ou des solistes. C'est un peu notre marque de fabrique. La corrida, beaucoup d'orchestres savent faire mais les concerts nécessitent autre chose, c'est un peu plus difficile. Mais il faut dire que la moitié de notre formation est composée de professionnels. Nous ne sommes pas 80 comme certains autres orchestres mais nos 30 musiciens sont extra!" conclut Rudy Nazy. On peut trouver les disques de Chicuelo II dans toutes les bonnes boutiques de musique ou dans les supermarchés au rayon CDs!

Anthony Maurin

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