Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 08.06.2017 - veronique-palomar - 5 min  - vu 1205 fois

FAIT DU JOUR Mineurs délinquants, on fait quoi ?

Maxime Lamoulie, à droite, et Sébastien Guillé, tous deux éducateurs à la PJJ. Photo Véronique Palomar

Sébastien Guillé et Maxime Lamoulie sont tous deux éducateurs de la Protection Judiciaire de la Jeunesse au Service Territorial en Milieu Ouvert de Nîmes. Hier, à la demande de l'Observatoire international des prisons, ils sont intervenus en réunion publique sur le thème "la justice des mineurs". L'occasion de mieux comprendre et aussi, au passage, de tordre le coup à certaines idées en forme de rumeurs…

Sécurité et délinquance sont aujourd'hui des sujets de préoccupation majeurs. Dans notre système judiciaire le mineurs occupent une place à part. Non seulement ça n'a pas toujours été le cas mais il faut savoir que le statut d'un mineur délinquant peut fluctuer au fil des choix politiques, du contexte, des moyens et de la volonté des personnels en place. "La situation des mineurs face à la justice dépend de deux grandes options :  soit l'on considère qu'il est responsable de ses actes et doit être puni, voir enfermé, soit on le voit comme une victime qu'il faut éduquer et protéger."

Il a fallu attendre le début du vingtième siècle pour voir le regard changer. Auparavant, c'est la première option qui avait cours. C'est en 1945 que la volonté de prendre en charge les jeunes a conduit à une justice spécialisée qui privilégiait l'éducatif sur le répressif. Depuis la justice fait usage des dispositifs en place entre responsabilisation par la punition et réinsertion par l'éducation. Un dosage qui semble difficile à trouver et se juge au coup par coup sans garantie de résultat. De plus, il est très difficile de mener des études chiffrées privilégiant un système plutôt qu'un autre. Quelle que soit les solutions choisies, les résultats sont inégaux. Mais on peut être en droit de penser que chaque réussite est une victoire et que la statistique n'a rien à faire dans l'histoire.

Qu'est-ce que la Protection Judiciaire de la jeunesse ? Ce sont aux éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, que l'on confie tous les jeunes qui relèvent du pénal. Il les prennent systématiquement en charge avant et après le jugement.  Un éducateur de la PJJ est un accompagnateur, mais aussi un prescripteur . Il donne un avis consultatif pour chaque jeune présenté devant la justice et est présent au tribunal. Il mène une investigation sur la personnalité du jeune, son contexte de vie, sa famille et remet un rapport au juge ainsi qu'une prescription de prise en charge. Au quotidien, il suit le jeune, veille au respect de l'application des prescriptions et s'occupe des relations avec les famille. À noter, 60% des jeunes qui sont pris en charge pas la PJJ ne récidivent pas.

Centre Éducatif Fermé, le contrôle judiciaire appliqué aux mineurs : Il y a 59 CPF sur le territoire français.  Dans le Gard il en existe deux, un à Montfavet et l'autre à Courbessac. Ils ont une capacité d'accueil de 10 à 12 jeunes.  Ces centres ne sont pas fermés au sens littéral du terme. Les jeunes y sont sous contrôle judiciaires avec des contraintes de pointage, de présence, de respect des horaires. ils sont dûment encadrés par une équipe nombreuse : éducateur dédié, psy, professeurs, infirmier, intendance… Si le mineur ne respecte pas le placement et ses conditions, il est révoqué et redirigé sur une détention provisoire. D'où un coût journalier très élevé de l'ordre de 600 à 700€ par jour et par mineur.

Les Établissements de Placement Éducatifs :  privilégier l'insertion. Ces centres de jour accueillent 25 jeunes en moyenne et appliquent des mesures des mesures réparatrices alternatives aux poursuites. Comme par exemple, mener des actions positives au sein d'association, de mairies ou d'entreprise comme la SNCF. (travaux d'intérêt général) Une mesure qui permet de d'offrir une possibilité d'insertion plus rapide, réservée à des délits mineurs ou à des primo-délinquants. Ces centres n'offrent pas en principe, d'hébergement, les jeunes peuvent continuer à habiter chez leurs parents, le cas échéant, il existe des familles d'accueil PJJ, c'est-à dire habilitées à recevoir de jeunes délinquants. Malheureusement, dans le Gard, ce dispositif n'existe plus.

Bracelets électroniques, une solution inadaptée aux mineurs. Cette forme de contrôle est rarement utilisée lorsqu'il s'agit de délinquants mineurs. Ils ont des difficultés avec le respect strict des horaires et du périmètre ce qui rend le dispositif compliqué à mettre en œuvre.

Moins de 16 ans, pas d'incarcération sauf en cas de crime. Les plus importants types de délinquance chez les mineurs sont les vols avec violence à l'arraché (arracheurs de colliers…). Souvent chez les mineurs aujourd'hui, la tentation est forte de voler des objets de valeur comme les portables à d'autres mineurs mieux pourvus. En seconde position, vient l'agression à caractère sexuel due, entre autres,  selon nos deux éducateurs de la PJJ à un accès très tôt à la pornographie sur les réseaux sociaux.

Délinquance des mineurs en augmentation ? On dit et on se répète que la délinquance chez les mineurs est en augmentation. In fine, ce qui l'est surtout,  c'est d'une part que tout est "judiciarisé", des bagarres au sortir des établissements scolaires par exemple, qui, il n'y a pas si longtemps, ne faisaient pas l 'objet de plaintes. Ainsi de la "politique du chiffre dans la police". On voit déférer chez le juge, des enfants très jeunes. "Par exemple, dernièrement un enfant de 9 ans qui n'aimait pas son institutrice a mis une potion au savon dans sa bouteille d'eau. Après une plainte de l'Éducation Nationale,  il a fait six heures de garde à vue avant d'être présenté devant le juge. Cet enfant n'avait pas sa place dans ce contexte, ses parents ont du déménager, le traumatisme causé est disproportionné". Encore une fois, les statistiques font gonfler une rumeur discutable…

Prison pour mineurs, des règles différentes.  Cellule individuelle avec douche, (pas de douches collectives) et télé sauf dans le cas d'un mineur détecté comme suicidaire ou en cas de surpopulation. Ateliers divers et cours. Insertion dans un groupe restreint au départ. Malgré tout, un séjour en prison est souvent, comme chez les adultes, globalement  plus néfaste que bénéfique. À noter que la prison fait peur aux jeunes qui n'ont pas encore été incarcéré. Après un premier séjour, l'argument n'est plus dissuasif. Les filles mineures délinquantes sont très largement minoritaire, leur incarcération est moins organisée, elles se retrouvent  souvent aux Baumettes dans des quartiers pour adultes.

Radicalisation, le Gard en zone rouge. L'Hexagone est divisé en zones à risque de radicalisation. Le Gard est en zone rouge. Les moyens humains ont donc été renforcés et des formations mises en place. Force est de constater que depuis 2011, seul cinq cas de radicalisation de mineurs ont été signalées dans le département et sont restées sans suite. À savoir que des mineurs rentrant de Syrie sont automatiquement confiés à la PJJ. Alors que les majeurs sont automatiquement incarcérés. Les mineurs concernés sont souvent de jeunes enfants qui rentrent avec leurs parents et sont alors confiés au service de la protection de l'enfance en raison de leur tout jeune âge.

Quid du comportement des mineurs réfugiés ? Si à Montpellier, on a pu relever des infractions du type vols à l'arraché, dans le Gard et à Nîmes en particulier, les réfugiés se comportent plutôt bien. Ils affichent une conduite quasi exemplaire dans les foyers où ils sont hébergés se montrant plutôt reconnaissants d'avoir échappé à l'horreur de la guerre.

Aujourd'hui, les deux conférenciers s'accordent à penser que la justice à tendance à opter pour le placement des mineurs délinquants en CEF (Centres Éducatifs Fermés), plus contraignants que les EPE qui sont avant tout des unités éducatives de jour dont la mission est l'insertion scolaire ou professionnelle. En revanche, les CEF sont clairement une alternative à l'incarcération. C'est aussi l'ultime possibilité avant la case prison. La règle ayant autant d'exception que le cas, il est difficile de prendre position pour un dispositif plutôt que pour un autre. Dans le doute, rangeons nous à l'avis de Victor Hugo qui a dit : " qui ouvre une école ferme une prison". À méditer…

Véronique Palomar

veronqiue.palomar@objectifgard.com

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