Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 04.07.2017 - thierry-allard - 3 min  - vu 550 fois

HOMME DE LETTRES GARDOIS Rivarol, brillant et controversé pamphlétaire bagnolais

Portrait d'Antoine de Rivarol. (D.R.)

Tout l’été, Objectif Gard propose de vous attarder sur les destins de quelques éminents hommes de lettres Gardois. Premier de cordée, le Bagnolais Antoine de Rivarol, dont la vie a été aussi rocambolesque que ses écrits polémiques et pleins d’esprit.

Que reste-t-il d’Antoine de Rivarol, plus de deux siècles après sa mort ? Une plaque sur la maison de sa naissance, située rue… Rivarol à Bagnols ? Le nom d’un obscur journal d’extrême droite multi-condamné en justice ? Si la postérité semble avoir largement oublié le Bagnolais, quiconque se penche sur ses écrits et notamment ses maximes, pensées et saillies, se rend compte du talent et du côté précurseur de celui qui est considéré aujourd’hui comme un des ancêtres des journalistes satiriques.

Rivaroli, alias Longchamps, alias de Parcieux

Antoine Rivaroli naît à Bagnols le 26 juin 1753. Rien ne prédestine ce fils d’aubergiste italien à un destin parmi la noblesse parisienne, qu’il finira par côtoyer, mû par un solide désir de réussite sociale et bien aidé par un esprit aussi brillant que caustique. Le jeune Antoine envisage d’abord une carrière ecclésiastique, seul moyen,à l’époque, pour un jeune provincial modeste d’accéder au savoir. Puis après avoir écumé trois séminaires en Provence, Rivaroli devient précepteur à Lyon, où il se fait appeler Longchamps. Mais Lyon ne suffit pas : ce sera la capitale, Paris, où il monte à 21 ans. Nouvelle ville, nouveau nom d’emprunt : le chevalier de Parcieux. Rien que ça !

Le jeune Bagnolais séduit les femmes par sa prestance et son charme et la noblesse par son esprit, ce qui lui vaut carte de visite dans les salons parisiens. Une carte de visite qu’il complète en changeant à nouveau de nom, et de titre : il est désormais le Comte de Rivarol. C’est sous cette identité qu’il publie en 1784 son Discours sur l’Universalité de la langue Française, opus remarqué qui lui vaut une certaine notoriété. Son premier livre, Lettre du Président de *** à M. le comte de ***, publié deux ans plus tôt, où il éreintait le poème des Jardins de l’Abbé Delille, lui avait quant à lui valu quelques solides inimitiés. Il y en aura d’autres.

La plaque disposée sur la maison de naissance d'Antoine de Rivarol, rue Rivarol à Bagnols (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Contraint à l’exil à cause de ses écrits

Car Rivarol n’aime rien plus que le débat d’idées et faire de l’esprit à tout prix : peu importe si ses écrits, toujours bien tournés mais acerbes, lui causent des ennemis. À la révolution, Rivarol prend le parti du Roi et multiplie les chroniques et les pastiches où il tourne les révolutionnaires en ridicule. Précisons qu’il n’est pas d’extrême droite, comme pourrait le laisser penser le journal qui a emprunté son nom, mais contre-révolutionnaire. Satiriste de génie, il publie en 1790 Le Petit dictionnaire des grands hommes de la révolution avec Louis de Champcenetz, galerie de petits portraits acerbes. De Robespierre, il y écrit qu’il s’agit du « grand homme le plus petit et le plus fougueux du Sénat français (…) On l’aurait déjà fait président, si l’on eût craint de le rendre trop redoutable en lui laissant à la fois la parole et la sonnette à la main », de Mirabeau que « ce grand homme a senti de bonne heure que la moindre vertu pouvait l’arrêter sur le chemin de la gloire, et jusqu’à ce jour, il ne s’en est permis aucune. »

Forcément, le livre passe mal, très mal. Les révolutionnaires ont gagné, les royalistes doivent se faire petits, et avec Rivarol, c’est tout le contraire. Il doit quitter la France, et s’exile en Belgique, puis à Londres, Hambourg et pour finir à Berlin. Exilé, esseulé, endetté, il est toutefois représentant du futur roi de France Louis XVIII. Pas si mal pour un homme issu d’une lignée modeste.

Reconnu pour sa paresse, qu’il assumait (« l’éternité ? Je m’y plairais sûrement, cela commence couché »), il n’a finalement que peu écrit, laissant tout de même apercevoir un grand talent de poète, journaliste, philosophe, critique et surtout pamphlétaire. Il faut dire qu’il n’a pas eu trop le temps : il meurt en exil à Berlin le 11 ou le 13 avril 1801 à 47 ans d’une fluxion de poitrine, après avoir tenté de faire bouger les lignes pour regagner la France, en vain. Il est enterré sur place, à un endroit rapidement tombé dans l’oubli. « Oui, tout est destiné à l’oubli, écrivait-il. À ce tyran muet et cruel qui suit la gloire de près et dévore à ses yeux ses amants et ses favoris. »

Thierry Allard

(avec l’aide précieuse du fonds bibliographique de Jean-François Pernin)

Thierry Allard

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