Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 29.08.2017 - philippe-gavillet-de-peney - 4 min  - vu 368 fois

GARD Augmentation du tabac : les buralistes gardois réclament une harmonisation des tarifs en Europe

Pour Cédric Bajeux, la proposition d'augmentation du tabac proposée par la ministre de la Santé met en danger les buralistes et ne réglera rien du problème du tabagisme (Photo : Philippe Gavillet de Peney/Objectif Gard)

Dans un courrier adressé au premier ministre, Édouard Philippe, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, explique qu'elle souhaite voir augmenter fortement et rapidement le prix du tabac. Une décision qui ne semble pas faire que des heureux, tant du côté des industriels de la filière que chez les buralistes français, qui craignent l'explosion du marché parallèle. En moyenne actuellement à 7 euros, le paquet de blondes passerait, en plusieurs étapes, à 10 euros le paquet d'ici trois ans ans. Réactions...

Dans son rôle, la nouvelle ministre de la santé déclare vouloir mettre en place une politique drastique de lutte contre le tabagisme. "Mon objectif est que la génération qui naît aujourd'hui soit la première génération sans tabac", expliquait-t-elle dans cette feuille de route, publiée début juillet dans le magazine spécialisé Hospimedia.

Un prétexte...fumeux plutôt qu'une véritable excuse, et des allégations plutôt qu'une assertion avérée, selon bon nombre de buralistes dont fait parti le Nîmois Cédric Bajeux : "C'est une grosse bêtise qui va faire fermer de nombreux bureaux de tabac installés en zones rurales", analyse le gérant du Tabac des Arènes. "Les politiques ont tendance à oublier que la vente du tabac rapporte quelque 23 milliards par an à l'État. La loi sur le paquet neutre n'a pas fait baisser la consommation. Au contraire, elle est en augmentation ! "

Des propos corroborés par Eric Sensi-Minautier, directeur des affaires publiques, juridiques et de la communication de British American Tobacco (BAT) France : "l'augmentation du prix des cigarettes d'1 euro chaque année pendant 3 ans représente un manque à gagner fiscal pour l'État de 725 millions d'euros dès la première année et de 2,7 milliards à l'horizon 2020", assure-t-il, alors que les Français sont encore 16 millions (source Organisation mondiale de la santé) à s'en griller une petite, voire bien plus, tous les jours...

La concurrence étrangère, le trafic, la contrefaçon et les épiceries de nuit pointées du doigt

Entré tardivement dans la profession, il y a trois ans, après avoir longtemps travaillé dans le bâtiment, si le jeune nîmois n'en est pas encore rendu à regretter sa reconversion, il porte toutefois un regard critique sur des décisions prises dans les ministères sans concertation avec les professionnels : "Pour ce qui me concerne, j'arrive encore à vivre de mon travail mais c'est parce que j'ai aussi un point jeux et de la presse. Mais pour les autres... Mes journées sont longues : debout à 4h30 et retour à la maison le soir vers 20h."

Les cigarettes étrangères concurrencent les cigarettes françaises, beaucoup plus chères... (Photo : Philippe Gavillet de Peney/Objectif Gard)

Pour le détenteur de civette (c'est le nom du double cône rouge accroché au-dessus des débits de tabac, NDR), ce n'est pas la cigarette électronique qui est venue concurrencer le tabac mais le marché noir, les contrefaçons et les achats dans les pays limitrophes. À cet égard, Nîmes, à 2h30 de route de l'Espagne et des supermarchés de La Jonquera, est directement concerné par ces trois fléaux. "Il y a trois ans à peine, à Nîmes il y avait au moins cinq ou six boutiques de cigarettes électroniques. Elles ont quasiment toutes mis la clé sous la porte, à part une ou deux. Le véritable problème réside plutôt dans le trafic et les cigarettes étrangères. L'épicerie en face de ma boutique vend des cigarettes. Et malheureusement, pas que... Les lendemains de week-end, on trouve des paquets vides écrit en cyrillique (l'alphabet de nombreux pays de l'Est, NDR) ou en Arabe. C'est sûr que ce sont des produits contrefaits. C'est vendu 5 euros au lieu de 7. Ceux qui les revendent les achètent 2 ou 3 euros. Quand on appelle la police pour se plaindre de ce trafic, on nous répond qu'il n'y a pas de trouble à l'ordre public alors que ce sont les mêmes qui vendent de l’alcool aux mineurs les soirs de Feria !"

Et le professionnel de confesser : "Avant d'être buraliste, j'étais surtout un consommateur lambda content de trouver un bon plan pour acheter des cigarettes moins chères. J'en trouvais aux Puces, au stade des Costières. C'était des cigarettes de contrebande. Du foin ! Infectes ! Au bout de deux paquets, vous toussez ! Je connais aussi des gens qui achètent deux ou trois cartouches quand ils vont en Espagne. Sans parler d'Internet où l'on peut aussi se fournir à moindre prix..."

Pour Cédric, la solution à ces dérives passe par une harmonisation des tarifs en Europe : "Il faut qu'on arrête d'augmenter sans cesse en France. Il faut qu'en Europe les prix soient alignés. Sans compter qu'en France la législation sur les débits de tabac est draconienne durant que dans le même temps, en Espagne, on trouve des distributeurs à tous les coins de rues..."

Ghislaine Mazoyer, présidente des buralistes du Gard (Photo Tony Duret /Objectif Gard)

Présidente du syndicat départemental des buralistes qui regroupe 90% des 290 débitants de tabac du Gard, Ghislaine Mazoyer ne dit pas autre chose. Elle dresse un constat jumeau et manifeste les mêmes craintes pour la profession : "Avant une quelconque nouvelle augmentation, nous réclamons que les tarifs soient harmonisés partout en Europe. Hormis en Angleterre, c'est en France que le tabac est le plus cher. Cela incite les frontaliers à se fournir en Allemagne, en Belgique, en Espagne, au Luxembourg... Si nous n'obtenons pas cette mise à plat tarifaire, le marché parallèle va encore s'amplifier et les tabacs en zone rurale vont fermer. À ce jour, 27% des paquets de cigarettes ne sont pas vendues chez les buralistes. À Nîmes, certaines épiceries de nuit font de la vente illicite."

Selon la responsable syndicale les buralistes ne comptent pas rester les bras ballants et les actions de bâchage de radars routiers mis en place en juillet dernier pour faire pression sur le gouvernement pourraient bien reprendre et "à la rentrée, d'autres actions sont prévues..."  

Quoi qu'il en soit, les fumeurs ne devraient pas tarder à être fixés puisque les arbitrages seront rendus dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2018, discuté cet automne à l’Assemblée...

Philippe GAVILLET de PENEY

philippe@objectifgard.com

 

Philippe Gavillet de Peney

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