Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 08.10.2017 - anthony-maurin - 5 min  - vu 1144 fois

FAIT DU JOUR Arthur Pons, messager des dieux et roi du cuir

(Photo Anthony Maurin).

Arthur Pons, Nîmois d'adoption, est un artisan sellier-maroquinier pas tout à fait comme les autres. A 25 ans, il a déjà passé cinq ans chez Hermès et s'est implanté dans la cité des Antonin pour y travailler la noblesse du cuir. Rencontre.

Nous l'avions découvert lors de la présentation des toros de la dernière Feria des Vendanges où il avait offert un bagage au futur matador arlésien Andy Younes. D'ailleurs, le "Trophée coup de coeur", car c'est son nom, sera décliné à chaque feria et Arthur Pons devra renouveler une gamme déjà bien fournie.

Qui est ce jeune Arthur, roi du cuir et maître de la qualité version haute couture?

Je suis né en région parisienne où je suis allé jusqu'au collège. J'ai découvert la tauromachie grâce à mes parents qui sont allés au mariage d'un cousin en Catalogne quand on y pratiquait encore cet art.  Mes parents ont vu leur première corrida et comme mon grand-père s'appelait Henri Pons et que des cartes postales existaient avec Enrique Ponce, ça a fait rire la famille. Sur une de ces cartes, on voyait un bout de costume de lumières, j'avais sept ans et je m'en souviens encore, ça m'a marqué et à cette époque, je voulais devenir torero.

(Photo Anthony Maurin).

Un peu trop jeune et loin de cette passion?

Quelques années plus tard, à l'âge de 13 ans, nous sommes venus pour la feria de Pâques à Arles et j'ai découvert la tauromachie et la corrida que je ne connaissais que grâce à des photos que je regardais sans cesse. Mes parents ont bien tenté de m’écœurer en me faisant rencontrer le matador de toros Jose Manrubia qui m'a expliqué le métier. Petit problème, ça m'a conforté et m'a donné envie de continuer dans cette voie. Il m'a amené tienter il y a 11 ans avec Marc Serrano et Ivan Fandiño en Catalogne et je suis sortis devant deux ou trois vaches pour mon premier essai. Tout s'est très bien passé, j'ai vraiment adoré la sensation d'être devant la bête.

Avez-vous songé à faire carrière?

José a voulu que je poursuive, donc j'ai fait des allers-retours de Paris vers Hagetmau où j'ai été inscrit à l'école taurine pendant quelques mois. Dans le même temps, je m'entraînais à Arles chez José presque tous les week-ends mais j'ai fini par m'inscrire définitivement à l'école taurine de Nîmes. Il a fallu faire un choix, Nîmes était plus pratique car je pouvais aller à d'Alzon en internat. José Manrubia voulait vraiment que je continue dans les toros mais pas ma mère!

(Photo Anthony Maurin).

Le rêve passé, place à la vie active?

Pas de suite! J'ai commencé l'école des Compagnons du devoir à Nîmes. J'ai toujours aimé les couteaux et le cuir. J'aurais préféré les couteaux mais à Laguiole, il n'y a pas les mêmes toros! J'ai fait mon apprentissage chez Sabatier, juste à côté de mon actuel atelier, pendant deux ans. J'ai bien compris que le milieu des toros était compliqué et comme je suis quelqu'un de timide, je n'arrivais pas à m'affirmer. Je préférais l'intimité des tientas! En 2010, j'ai arrêté et mes parents ont voulu que je passe un bac pro en maroquinerie. De retour à Paris, j'ai fait l'école Grégoire Ferrandi mais comme je savais déjà un peu travailler, la marque Hermès a voulu m'embaucher avant même la fin de mon cursus, avec ou sans le bac en poche. J'ai fini mon année et je suis arrivé sans le bac chez Hermès!

Vous y avez travaillé longtemps?

Pendant cinq ans. Honnêtement, je n'ai pas trop réalisé, pour moi, Hermès, c'était impossible... Pendant sept mois j'ai été formé et façonné selon les désirs de l'entreprise. On apprenait et réapprenait les bases, on faisait et refaisait des pièces que l'on ne vendait pas, un peu comme du toreo de salon avant d'avant le bétail. Finalement, j'ai réalisé, au bout de sept mois (durée minimum), mon premier sac. Je n'avais pas envie de le laisser partir mais deux semaines de travail et 7000 euros... C'est dur de l'acheter!

(Photo Anthony Maurin).

Comment travaille-t-on dans une entreprise aussi prestigieuse?

A l'époque j'étais à la maison-mère d'Hermès à Pantin. J'ai changé de site pour aller aux ateliers de la marque à proche de Bastille où nous étions 120 à bosser. Le but du jeu est de travailler vite et bien. Tant qu'on est dans les temps et qu'il n'y a pas de retour après inspection des articles, tout se passe bien. Nous étions assez libres quant aux horaires, pour ma part je travaillais de 7h à 17h15. Ils m'on fait confiance, je travaillais et j'aidais les collègues car j'ai trouvé une excellente méthode pour retourner vite et bien le cuir très rigide du crocodile (NDLR un comble pour un futur nîmois!). Au bout de quelques temps, on me faisait faire des sacs pour les défilés et la presse car il fallait les faire rapidement et qu'ils soient parfaits. Après mon départ, personne n'a pris ma relève...

Pourquoi ne pas y être resté alors que le succès vous tendait les bras?

J'avais de plus en plus d'idées de création. Les toros et le soleil me manquaient beaucoup alors j'ai demandé à évoluer dans l'entreprise en partant à Madrid mais ils ont voulu me garder en France alors ça m'a encouragé à quitter Hermès. Ils l'ont compris et j'ai gardé de bons contacts avec mes anciens collègues.

(Photo Anthony Maurin).

Pour venir à Nîmes...

En effet, j'ai déménagé pour m'installer ici. J'ai fait une formation de trois mois pour créer mon entreprise, c'était il y a un peu plus de deux ans, j'en avais 23! J'ai toujours été soutenu par mes parents mais tôt ou tard, j'aurais créé ma société. Ce fut chose faite en février 2016. Pour commencer, j'ai partagé les locaux de Relook Cuir, juste à côté de mon atelier actuel. Monsieur Sabatier m'a donné quelques clients pour démarrer, j'ai fait quelques rencontres dans les toros et mes parents sont d'excellents démarcheurs!

Et vous voilà dans votre nouvel atelier!

J'ai pris mon local pour prendre un nouveau départ. Je suis content d'être chez moi et de me sentir bien ici où je travaille depuis la fin du mois de juillet. J'ai des machines à coudre, une pareuse qui désépaissit le cuir, une ponceuse pour assurer les finitions des tranches... tout est fait à la main de A à Z. J'aime choisir mes peaux, j'ai le même fournisseur qu'Hermès pour les cuirs exotiques et pour la vachette, je me sers en Espagne, en France voire même à Aubord (Gard)!

(Photo Anthony Maurin).

Comment se déroule votre processus créatif?

Je réfléchis énormément avant de concrétiser mes pièces. J'ai des idées qui mûrissent pendant des mois et quand je vois la pièce finie dans ma tête, je passe au dessin. Je note les mesures idéales, j'attaque le gabarit, la coupe et je termine par le montage. Je suis tellement pressé de voir le rendu que je travaille exclusivement de la sorte! Je fais surtout des bagages et des sacs à main mais je développe aussi mes créations taurines et d'autres choses.

D'autres choses?

Aujourd'hui, je compte une vingtaine de créations. Il y a beaucoup de pièces uniques mais je fabrique ou restaure également des fauteuils "club". Pour la tauromachie, j'ai fait quelques pièces mais les toreros achètent surtout du cuir  travaillé en provenance du Pérou ou du Mexique. Certes, c'est pas cher mais je ne bosse pas comme ça! C'est assez grossier, incomparable... Cela ne me convient pas et je préfère toujours la qualité à la quantité, la création à la production de masse. Je travaille également sur commande car cela me donne l’occasion de réfléchir sur de nouveaux modèles!

Vous l'aurez compris, Arthur Pons doit énormément à ses mains d'or mais il doit aussi beaucoup à ses parents qui le suivent et qui ont compris son talent et ses passions. Dans cette affaire, un certain Gilles Raoux, ancien matador de toros et amoureux d'artisanat de qualité, n'est pas pour rien dans le succès du jeune.

Atelier d’Arthur Pons, ZA du "38 rue de Montaury" à Nîmes. Téléphone : 06.37.17.60.43. Page Facebook. Mail.

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Anthony Maurin

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