Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 17.02.2018 - florence-genestier - 4 min  - vu 1592 fois

FAIT DU JOUR Cédric Bonato, élu d'Aigues-Mortes : "Le Mas d'Avon, c'est ma madeleine de Proust"

Maire de 2008 à 2014, l'ancien socialiste ne veut rien voir se construire au Mas d'Avon.
Cédric Bonato a été maire, tendance Parti socialiste, d'Aigues-Mortes de 2008 à 2014. Battu par Pierre Mauméjean en 2014, il siège désormais dans l'opposition (photo DR)

Cédric Bonato, 44 ans en août, est issu d'une famille aigues-mortaise qui compte des Italiens, des Cévenols et des Espagnols.

De père maçon, il est  le premier de sa famille à décrocher un diplôme d'études supérieures, une maîtrise d'archéologie. Il devient adjoint au patrimoine au musée archéologique Henri Prades, à Lattes, après quelques années passées au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Lors d'une campagne de fouilles, il touche au rêve suprême et trouve un trésor : 850 oboles du IIIe siècle avant Jésus-Christ. À Aigues-Mortes, petit, il grandit dans le secteur du Mas d'Avon et le Bourgidou, et les prés des alentours deviennent son terrain d'aventures d'enfance. Une des raisons qui le poussent à refuser toute urbanisation potentielle du secteur lorsqu'il devient maire. Un refus qu'il poursuit dans l'opposition et lors des conseils municipaux actuels, face à son son successeur, Pierre Mauméjean.

Tout le monde dit que c’est tendu entre vous et Pierre Mauméjean. Vous auriez eu beaucoup de mal à accepter votre défaite de 2014, c'est vrai ?

Une  déception n'est jamais agréable. J’ai la chance d'être assez comblé familialement et professionnellement, donc, non.  J'ai toujours été fair-play avec le maire. Je l’ai reçu dès qu’il a gagné l’élection. La passation s’est faite en douceur. Sauf que derrière on a les emplois familiaux, la chasse aux sorcières avec les cadres, la vente de la perception à la mère d'un adjoint au maire... C’est la volonté d'urbanisation du Mas d’Avon avec des élus qui votent alors que leurs conjoints possèdent des terrains. Ça commence à faire beaucoup. Je le répète en boucle, depuis les premiers constats : clientélisme et népotisme. L’adjointe au personnel a placé sa fille à la direction financière. Avec un grade de fonctionnaire de catégorie B, elle remplace un bac +5. Elle a embauché son petit-fils aux service techniques et elle a nommé son neveu responsable des bâtiments…

Ça fait trop ?

Oui à un moment, les emplois familiaux, ça fait trop. On le dénonce. Ce sont des faits. Je suis pour la méritocratie. Je veux bien être fair-play jusqu’à un certain point. C’étaient des pratiques qui existaient avec mon prédécesseur et qui perdurent aujourd’hui avec mon successeur. C’est tout de même des points de fiscalité, de l’impôt. Une embauche familiale, c’est trente mille euros. Et quand le maire est en défaut, quand on pose une question, soit il arrête le débat, soit il vocifère et nous chahute. Il noie le poisson systématiquement. Au sein d’une collectivité aussi petite qu’Aigues-Mortes, on n’est pas dans un clivage Droite-Gauche, on est pour les Aigues-Mortais et l'intérêt général. Pourquoi urbaniser le Mas d’Avon ? C’est une zone qui a été classée par le PPRI « aléa fort, inondation marine ». En 2003, la zone a pris l’eau. Cette zone est tampon. En l’imperméabilisant, tous les quartiers déjà urbanisés autour vont prendre l’eau. C’est un sujet que je connais bien puisque je travaille à la Métropole de Montpellier à la direction des eaux et assainissement.

Vous reprochez  à M. Mauméjean une gestion de la ville à la papa ?

Il n’y a pas de gestion ! Pas de grands projets. Il veut donner la gestion des parkings de la ville à une société privée. Que fait-on des agents ? Ce qui est fait par des sociétés extérieures a explosé. Les véhicules, le nettoyage, etc. Toutes ces anomalies font qu’à un moment donné, on dit stop. Beaucoup de réparations de bâtiments me semblent aussi surestimées.

Au Mas d'Avon, pour l'instant, les chevaux Camargue paissent tranquilles ( photo F G )

Pierre Mauméjean s’inquiète beaucoup du vieillissement de la population et pour lui le lotissement du Mas d’Avon s’inscrit dans une logique de fixer une population jeune en ville. Quelles solutions prôneriez-vous ?

À sa place je développerais l’accession à la propriété des jeunes familles aigues-mortaises. Sur les 7 hectares déjà disponibles. Chaque année, on prend 5 000 m2 et les jeunes familles prioritaires, sur des lotissements communaux, sans aménageur. C’est un parcours à bâtir, un accompagnement.

Avec le recul, comment analysez-vous votre défaite de 2014 ?

Plein de facteurs se sont additionnés. Je disais souvent non parce que budgétairement ça ne passait pas. J’ai perdu pas mal de voix comme ça. En vrai républicain, on applique le règlement. C’est inondable, on ne construit pas, par exemple. Avec le recul, je ne dirais pas que j’ai été trop rigide, mais que j’ai manqué de souplesse. Une erreur de jeunesse sans doute. J’aurais dû être plus coulant, peut-être, mais j’ai beaucoup appris. En six ans, on en vit trente d’un coup, très riches humainement et je ne regrette rien.

Vous avez perdu l’ambition d’être maire à nouveau ?

Jusqu’ici j’étais plutôt dans la retenue. Je n’en fais pas une affaire personnelle, loin de là. Avec ce qui se passe en mairie... Et le Mas d’Avon me pique au vif. Je réfléchis. Ce secteur, c’est ma madeleine de Proust. Voir cette zone bétonnée, c’est vraiment dur et ça m’est insupportable comme pour beaucoup d’Aigues-Mortais. Même certains colistiers du maire sont contre ! Les gens sont attachés aux prés, aux traditions camarguaises. Pour l'instant, il est encore trop tôt. Je veux d'abord ferrailler contre cette urbanisation du Mas d'Avon. Et les violences inadmissibles qui ont entaché le débat -les insultes j'ai l'habitude, mais les menaces, c'est nouveau- me confortent dans l'idée de continuer.

Propos recueillis par Florence Genestier

À relire, notre récente interview de Pierre Mauméjean

Florence Genestier

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