Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 22.02.2018 - florence-genestier - 5 min  - vu 500 fois

FAIT DU JOUR Kito de Pavant : une route du Rhum et ça repart !

En quête de sponsors, le navigateur du Grau-du-Roi se prépare pour la 40e Route du Rhum avec un nouveau bateau.

Le 20 novembre 2017, le bateau de  Kito de Pavant et Yannick Bestaven arrive à Salvador  de Bahia et décroche la 5e place de la Transat Jacques Vabre  (Photo Jean-Marie Liot / ALeA / TJV2017) • ALeA

Les bureaux de son entreprise, Sixteam sont au rez-de-chaussée du Yacht club à Port Camargue. Aux premières loges pour garder l'œil sur le port, aux premières loges aussi pour subir les travaux de la future école de la mer, qui s'achèvent. L'équipe de Kito de Pavant s'échine à réfléchir à la préparation du futur bateau, un Class 40 acheté en Norvège à l'automne, numéro 142, qui se repose en zone technique pour l'instant. Dans l'attente du bon vouloir de ses anciens sponsors, qui l'ont soutenu trois ans, Bastide Médical et Otio, le nouveau bateau est inscrit sous la bannière Made In Midi. Après trois ans de partenariat qui se sont soldés par une belle course et la cinquième place dans la transat Jacques Vabre. Et pendant ce temps-là Kito et son équipe multiplient les contacts pour arriver à boucler un budget de 500 000€ pour être d'attaque pour la course, dont le départ est fixé à Saint-Malo, le 4 novembre prochain.

Kito de Pavant, en tenue de ville, un pied sur son bateau, en zone technique de Port Camargue (photo F.G)

Quand vous avez gagné la Solitaire du Figaro, en 2002, votre première course importante, les champions bretons vous prenaient pour un plagiste. On n’est pas sérieux quand on est Méditerranéen ?

Il faut dire que 25 ans de cabane de plage, avec l’Espiguinguette, c’est la moitié de ma vie. La course au large, en compétition, j’ai attendu l'an 2000 pour m’y mettre. D'entrée les Bretons ne prennent  pas les Méditerranéens au sérieux. On n’est pas nombreux à avoir prouvé que ce n’était pas vrai. C’est une petite rivalité géographique, une guerre de clochers, les Bretons adorent naviguer en Méditerranée.

Comment définissez-vous  votre attachement au Grau du Roi ? Vous êtes arrivé ici au début de l’adolescence avec votre papa qui était médecin.

C’est un endroit où j’ai des attaches, des amis, une famille. Et puis un attachement davantage lié au climat, à la lumière de cet endroit un peu sauvage. Cette lumière particulière avec les étangs. Pendant toutes mes pérégrinations, j’aurais eu la possibilité de m’installer ailleurs. Cette simplicité me convient. J’ai vécu quelques aventures avec des pêcheurs du Grau-du-Roi. Quand ils montent sur un bateau pour faire le défi des Ports de pêche ils sont tout sauf sérieux. Ils sont quand même champions du monde. Dans cette bande, il y a de vrais méridionaux. Hauts en couleurs, attachants, cultivés, qui aiment bien rigoler et savent être efficaces quand il faut. Je bosse au Grau-du-Roi depuis 45 ans et je vis dans l’Hérault. C’est toujours un peu la guerre quand on franchit le Vidourle ! Quand on m’appelle dans un article « le Montpelliérain » ou « l’Héraultais », c’est le scandale au Grau-du-Roi.

Ne pas se prendre au sérieux semble important pour vous. Pourtant vous prenez énormément de risques en naviguant ?

Non, je n’ai pas ce sentiment de prendre des risques. C'est la vie. On essaye de maîtriser des trucs. Après, c’est vrai qu’on provoque un peu les emmerdes, mais jusqu’à présent, ça s’est toujours bien terminé.

Vous en êtes où avec vos partenaires Otio et Bastide ?

On attend la décision de HBF. Bastide Médical a décidé d’attendre que le groupe HBF (Otio) se prononce pour se décider sur la suite du programme. Trois ans de beau partenariat se sont clos en décembre. On attend, on bosse, on trouve d’autres soutiens. Made in Midi, c’est un multipartenariat. C’est toujours plus compliqué. Je rêve de réunir cinquante partenaires à 10 000 euros chacun pour boucler le budget ! Le Vendée Globe et la Route du Rhum exercent un attrait particulier sur le public. Ça intrigue les gens. Ça les fait rêver même si ça peut être cauchemardesque ! Même ceux qui ne s’intéressent pas du tout à la voile peuvent se passionner.

Les marins, ce sont les derniers aventuriers ?

Il y a beaucoup d’aventuriers. Nous on est… Je pense qu’on est d’une catégorie à part. Beaucoup ne se sentiraient pas de passer ne serait-ce qu’une nuit en mer. Partir trois mois en solitaire pour faire le tour de la planète comme se mettre en isolement et en danger pendant aussi longtemps, ça dépasse un peu les gens.

Rester trop longtemps en mer, ça rend fou ?

On est fou avant ! Non, on est surtout passionné. Il faut avoir l’envie de se retrouver au large. C’est un hiver qui est assez particulier, parfois un peu cruel. Il faut aimer cet environnement. Il y a un besoin de dépasser les limites, la technologie nous permet de faire des choses incroyables. Je me souviens de François Gabart qui a navigué ici et à la Grande Motte. Il était étudiant à Lyon, à l’INSA. Il a dû commencer en 2006 avec nous. On a fait deux transats Jacques Vabre ensemble. Avec lui, tout devient facile, ce qui est une caractéristique des grands champions. Il a la chance de pouvoir le faire très jeune avec réussite et talent.

À son âge, j’étais incapable d’aller frapper aux portes. Je manquais un peu de confiance en moi. Je n’avais pas de méthode, ni de carnet d’adresses. J’ai fait ma première Solitaire du Figaro à quarante ans tout simplement parce qu’il a fallu que je me convainque que j’étais au niveau et qu’il fallait que je me confronte aux autres. Ce premier Figaro m’a boosté. J’ai été accueilli très vite dans ce monde fermé des navigateurs. Je me souviens de ma première conversation avec Jean Le Cam, que j’ai toujours admiré.

La mer n'est pas assez grande. C'est pourquoi Kito de Pavant repart bientôt.

Vous travaillez longtemps en équipe pour finir seul au milieu de l’océan. C’est un paradoxe ?

On travaille beaucoup avec les autres pour se retrouver seul au large, c’est vrai. Ma devise c’est : « Seul mais bien accompagné ». Il y a un état de grâce quand on est en solo. Qu’il fasse beau ou mauvais, il y a des moments de plénitude. C’est une nécessité de se retrouver là. C’est extrême. Tout ce qu’on fait, on le fait avec des partenaires techniques et financiers. Sans eux, on n’est rien. Beaucoup de gens en Méditerranée ont du talent et ont abandonné parce que la recherche de sponsors est épuisante. Les boites sont très sollicitées et pas seulement par les marins. Ce sont des budgets aléatoires qui sont les premiers sucrés en cas de crise. Avec la voile, on défend quelques vertus : l’engagement, l’environnement... On ne peut pas tricher avec la mer. Avec le risque que quelques cachalots croisent malencontreusement votre route…

De quoi avez-vous besoin ces temps-ci ?

J’ai quelques inquiétudes, on a des projets qui sont chers et nous sommes ambitieux. Pour la Route du Rhum on a anticipé. On a acheté un bateau en Norvège à l’automne. C’est un monocoque, un class 40. On sera 50 bateaux du même type sur 120 à prendre le départ. Avec Made in Midi, on s’est créé un petit réseau sur la Région. On essaie de donner goût à ce sport à des entreprises et institutions locales pour que des jeunes soient encouragés à persévérer. Via un ticket d’entrée très faible de 10 000 euros, ces soutiens ont  la possibilité d’accompagner des projets. À Port-Camargue, l’UCPA fait de l’initiation, pas encore de la compétition. C’est dommage. On a des atouts incroyables ici.  On a perdu finalement beaucoup de gens de talent, partis en Bretagne pour exercer leur métier. Je pense à Sébastien Col. On n’a pas su les retenir. Trouver des sponsors, encore une fois, c’est très difficile et nos politiques s’intéressent peu à la voile.

Propos recueillis par Florence Genestier

 Made in Midi

Florence Genestier

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