Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 16.03.2018 - florence-genestier - 4 min  - vu 2167 fois

GRAU DU ROI La famille de Frédéric Molinier se bat toujours pour identifier l'épave

Une nouvelle sortie près de l'épave repérée vers les Saintes-Maries-de-la-mer est prévue prochainement.
Lors d'une sortie en mer, à Port Camargue .

Frédéric Molinier, marin-pêcheur, a pris la mer sur son petit voilier et a disparu en mer depuis la mi-novembre 2017 (photo famille)

Frédéric Molinier est parti le 10 novembre 2017 à bord de son bateau de 8 mètres, un Jeanneau Poker dinette pour faire la traversée entre Port-Camargue et Saint-Martin, aux Antilles.

Ce marin-pêcheur très connu dans la cité balnéaire, dont la famille tient depuis plusieurs années un commerce de pizzas à Port-Royal où il adorait de temps à autre donner la main, avait l'habitude d'aller pêcher et travailler pendant l'hiver sur l'île de Saint-Martin. Il avait toujours rêvé de rallier par ses propres moyens ses deux endroits préférés et avait pris la mer après avoir longuement bichonné son embarcation.

Il avait acheté et refait de A à Z ce voilier à l'été 2016. Une rénovation faite avec son fils, sans se presser. Deux fois, déjà, il a connu des faux départs. De l'eau était entrée. Une fuite, vite réparée. Reparti, c'est la voile qui casse. Deuxième retour au port. Sa famille insistait pour qu'il retarde son voyage. Mais son envie d'embarquer, de prendre la mer, ce rêve de traversée de l'Atlantique qu'il nourrissait depuis des années et dont il parlait souvent à ses proches était la plus forte. Au troisième départ, une tempête, beaucoup plus forte qu'attendue, le guettait.

Papiers retrouvés en Tunisie

Cinq jours après son départ, sa famille, recomposée de cinq enfants (1) qu'il a élevés avec son ancienne compagne, donne l'alerte. Le marin avait la mer dans la peau. Il ne pouvait vivre sans la voir trop longtemps. Un sentiment diffus, qui, les marins vous le disent, ne s'explique pas. Le 18 décembre, en Tunisie, on repêche ses papiers à Bizerte. La famille se déplace au consulat et parle encore de l'écoute et de l'accueil des services diplomatiques avec chaleur. Des qualités humaines qu'elle estime ne pas avoir vues en France au début de l'enquête. "Ils ne nous ont pas pris au sérieux, estime Cinthia. C'est comme s'ils avaient considéré mon père comme quelqu'un d'inexpérimenté."

Certains membres de sa famille avaient déjà accompagné Frédéric lors de séjours à Saint-Martin où il avait l'habitude d'aller pêcher la langouste. Fred avait même apporté des améliorations à un projet de casiers pour piéger les crustacés. "J'étais allé avec lui y habiter quelques mois, se souvient son fils Rudy, on vivait dans le quartier de Grand-Case. J'ai passé quelques mois à étudier là-bas. Cette année, après le cyclone Irma, il était très motivé pour aider à reconstruire en tant que charpentier. Il lui tardait d'aider sur place. Il y avait beaucoup d'amis, comme au Grau. La veille de son départ, il rigolait encore sur le port avec ses copains."

Après de tristes fêtes de Noël et des questions multiples posées à la gendarmerie maritime, l'attente impuissante se poursuit. En février, au large des Saintes-Maries-de-la-mer des pêcheurs graulens repèrent une épave qui leur était inconnue. Dans leurs filets, ils remontent des objets du quotidien, identifiés par la famille comme ayant été embarqués par leur père sur le bateau. Six au total, dont des fourchettes orange, un petit sac, des paquets de tabac spécialement préparés... Des objets jugés trop anodins par les enquêteurs locaux pour accélérer un renflouage. La famille lutte depuis des mois contre un chagrin et une colère sourde. Tous restent intimement persuadés que leur papa repose par le fond.

Si les pêcheurs du cru, habitués des lieux, sont aussi convaincus qu'il s'agit bien de l'épave du Super Mario de Fred Molinier, c'est encore à la famille d'en apporter la preuve, avec ses propres moyens. Quand ils ont remonté les filets et les quelques affaires, les pêcheurs ont senti une odeur de gazole, signe que l'épave était récente. Soutenus par les anciens collègues de leur papa et par des professionnels des expéditions sous-marines, les enfants de Fred Molinier se démènent pour identifier au plus vite le bateau qui gît à 105 m de fond, à 40 miles des côtes. Le 25 février dernier, le Vida Loca, chalutier emblématique du port graulen, a pu faire une sortie mais les conditions météo n'ont pas permis des vérifications approfondies.

Le robot destiné à l'exploration sous-marine n'a pas pu être mis à l'eau. L'endroit est compliqué à atteindre et à explorer, de l'aveu de Richard Hustache, de l'entreprise Applisub, spécialisée dans le renflouage des bateaux sinistrés. En lien avec la famille par relation et ému par son histoire, ce professionnel reconnu, a comme d'autres décidé de les aider dans leur quête. "C'est un homme de mer qui disparaît et c'est toujours touchant, commente-t-il, ça peut aussi m'arriver. Tant que vous n'apportez pas la preuve formelle à la compagnie d'assurance qu'il s'agit de votre bateau, ils ne peuvent rien faire. De plus, même à 105 m de fond, la zone où a été repérée l'épave est sujette à beaucoup de courants. Les plongeurs ne peuvent pas y aller sans danger. Il faut un robot sous-marin, mais aussi un sonar latéral multi-faisceaux qui puisse nous donner une image, genre échographie, avant toute opération."

Dans les semaines qui viennent et grâce au concours d'autres bénévoles comme la Comex (Compagnie maritime d'expertise), tout va être mis en oeuvre pour obtenir l'identification rapide du bateau signalé par les pêcheurs locaux. Pour l'instant, les conditions météo sur site rendent l'opération impossible ou le matériel nécessaire est utilisé ailleurs. Une mobilisation solidaire et générale qui devrait vite aboutir à une issue. "On sait bien que notre papa est mort, on n'a plus de doute, soupire Cinthia. Mais retrouver et identifier l'épave nous permettra de commencer à faire notre deuil."

Florence Genestier

(1) Cinthia, Laetitia, Rudy, Tania et Jonatan.

Florence Genestier

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