Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 17.03.2018 - corentin-corger - 4 min  - vu 1762 fois

FAIT DU JOUR L'unique section de phobiques scolaires en passe de disparaître ?

Avec la baisse des heures allouées par le rectorat, la section de phobiques scolaires de Saint-Stanislas est menacée.
Le micro lycée comprend une classe de phobique scolaire

Philippe Berta joue le professeur de SVT avec Mathilde (photo Corentin Corger)

Des établissements rattachés à l'académie de Montpellier, seul l'institution Saint-Stanislas à Nîmes propose des classes adaptées aux enfants qui souffrent de phobie scolaire. Depuis février dernier, le rectorat a décidé de diminuer de moitié les heures allouées à cette section. Philippe Berta, député de la 6ème circonscription du Gard, a rencontré parents et élèves pour évoquer ce problème.

C'est un phénomène qui touche de plus en plus d'élèves au collège et au lycée : la phobie scolaire. Une peur maladive de l'école qui a poussé l'établissement Saint-Stanislas et sa directrice du second degré, Sophie Auphan, à créer une section réservée aux phobiques scolaires. "Ces étudiants ont totalement décroché dans la structure scolaire classique, jusqu'à atteindre une déscolarisation complète pour peu à peu s'isoler socialement et ne plus sortir de chez eux." Au total une quinzaine d'élèves, dont une dizaine au lycée, depuis avril 2017, et le reste au collège, depuis décembre 2017, bénéficient d'une classe aménagée et d'un enseignement adapté.

Un décor qui contraste complètement avec celui du lycée (photo Corentin Corger)

La classe de collège est à l'intérieur de l'établissement mais celle du lycée est à l'extérieur, dans des locaux mis à disposition par le presbytère. Lorsque Sophie Auphan a sondé les élèves sur les conditions à réunir pour leur permettre de revenir à l'école. L'une d'entre elles, concernait "le besoin de ne pas franchir le seuil du lycée." Une promesse plus que tenue avec un cadre qui ressemble plus à une maison de vacances qu'à un lycée.

Ce système est une solution alternative provisoire qui a vocation à ce que l'élève réintègre rapidement une classe classique. "Cette classe est un tremplin pour leur redonner confiance avec les enseignants et renouer des liens avec les autres avant de retourner à l'école classique. Sans cela l'élève resterait chez lui." Une méthode qui a fonctionné pour Chiara, élève de sixième, explique sa maman, Tiphaine. "Après deux échecs à scolariser ma fille dans une classe de sixième, j'ai entendu parler de ce micro collège et ça lui a permis de retrouver des copines. Je n'aurais pas eu cela, je ne sais pas comment j'aurais fait", constate t-elle. Car désormais, son enfant "vient tout juste de réintégrer sa classe initiale." 

"Un espoir de réussir dans la vie"

Justine, à droite, a retrouvé le sourire, pour le plus grand bonheur de sa professeure de SVT (photo Corentin Corger)

Comme Chiara, Justine, 17 ans, ne parvenait plus à aller en cours. "Je n'y arrivais plus. À la récréation, j'avais un blocage." Mais grâce à ce micro lycée elle retrouve plaisir à aller à l'école : "j'adore venir ici. On a aucune pression, on vient profiter des cours. Comme on a vécu la même chose on se comprend très bien et les profs se mettent à notre place. Je me suis intégrée facilement alors que je ne connaissais personne. J'ai retrouvé une possibilité, un espoir de réussir dans la vie." 

Un discours touchant, forcément partagé par la maman de Justine, Claire. "Elle était tétanisée par l'idée d'aller en cours. Elle n'avait plus d'amis. J'étais très démunie. Je me demandais : "Comment elle va faire ?" Ce procédé, c'était la dernière chance et maintenant elle a de nouveau des projets de vie." Actuellement en seconde, Justine compte intégrer l'année prochaine une première ST2S. Mais elle avoue qu'elle n'est "pas capable pour l'instant de retourner avec les autres élèves." 

Pour que ce tremplin soit un succès il a fallu sensibiliser les professeurs à s'adapter à ces phobiques scolaires et à les accompagner. "Le mot, c'est la bienveillance pour essayer de les resociabiliser", explique Stéphanie Chalvidant, professeure de SVT. "Je suis arrivée avec mes microscopes et à travers des expériences, les jeunes ont parlé, échangé. On prend plus de temps mais à terme, ça marche. Pour les évaluations, c'est comme ils le sentent, à leur rythme."

Une baisse de moitié des heures de cours

Le député Philippe Berta a rencontré les parents des élèves qui s'inquiètent pour le maintien de cette section (photo Corentin Corger)

Une belle initiative mais qui est menacée car, depuis février, de douze heures de cours par semaine, les élèves n'en reçoivent désormais plus que six. La cause ? une baisse des heures allouées par le Sapad aux professeurs qui enseignent dans ce micro collège et lycée. Le Sapad est le service d'aide pédagogique à domicile pour les enfants et adolescents malades ou accidentés proposé par l'éducation nationale. Mais ces allocations versées sont avant tout ponctuelles et la phobie scolaire n'est pas encore reconnue comme une maladie. Elle n'est donc pas prise en compte dans les conditions des bénéficiaires du Sapad.

Et pourquoi ne pas demander la reconnaissance de la phobie scolaire comme un handicap ? "La phobie est une fragilité momentanée, alors que le handicap est définitif", répond Sophie Auphan. "Le Sapad ne peut plus continuer à nous donner des heures. Il estime que ce n'est plus de son ressort", réagit-elle. Cela crée un phénomène d'impasse. Qui peut se charger de payer les professeurs pour donner des cours aux élèves qui souffrent de phobie scolaire ? Surtout que la situation presse car cinq élèves de première passent les épreuves anticipées du baccalauréat en fin d'année. Avec seulement six heures de cours par semaine, malgré un travail personnel à la maison, cela semble trop peu pour préparer cette échéance cruciale dans des conditions optimales.

Pour la suite, les parents en appellent à une prise de conscience de la part de l'Éducation nationale. Car, à terme, ce projet précurseur dans le Gard et sur l'Académie de Montpellier pourrait fermer ses portes. "Cette structure nous aide énormément, ce serait terrible de la voir disparaître", concède Claire. Elle, ainsi que d'autres parents d'élève, ont décidé prochainement de monter une association pour défendre les droits à l'éducation de leurs enfants. De quoi les obliger eux aussi à reprendre le chemin de l'école !

Corentin Corger

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