Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 23.03.2018 - corentin-corger - 3 min  - vu 1577 fois

FAIT DU JOUR La monnaie Krôcô débarque à Nîmes

Cette monnaie locale complémentaire sera mise en circulation ce samedi 24 mars.

Catou Serre et Franck Medina de l'association "Les Vrais Monnayeurs" se sont largement investis dans ce projet (photo Corentin Corger)

On dénombre près d'une soixantaine de monnaie locale complémentaire (MLC) sur le territoire français, Nîmes va désormais avoir la sienne : le Krôcô ! 

Ce projet porté par l'association nîmoise, "Les Vrais monnayeurs", est en préparation depuis deux ans. Autorisée par la loi depuis 2014, il s'agit "d'une initiative citoyenne qui n'a en aucun cas la prétention de venir concurrencer l'euro", précise Franck Medina, membre de l'association. "L'idée c'est de connecter la monnaie avec les acteurs locaux, le territoire. Œuvrer dans la localisation de l'économie", complète Catou Serre, chargé des prestataires. D'abord implantée en centre-ville de Nîmes, cette MLC a pour seule ambition de se limiter à l'agglomération nîmoise et n'a pas vocation à couvrir tout le Gard.

Une monnaie nîmoise qui se matérialise exclusivement sous forme de billets de 1, 3, 5, 10 et 20 euros. Un krôcô est équivalent à un euro. Pour illustrer les billets, l'association a choisi des arbres typiquement représentatifs de la végétation du Gard : l'amandier, l'arbousier, le néflier et l'olivier. Pour convertir la monnaie, cela se fait dans un premier temps au bureau de l'association. Parmi les 32 commerçants qui ont accepté de commencer l'aventure, la plupart feront office de bureau d'échange.

Les quatre premiers billets de la monnaie nîmoise, à laquelle il faut ajouter le billet de 20 euros (photo Corentin Corger)

Pour pouvoir vous procurer des Krôcôs, il faut faire partie de l'association, c'est une contrainte légale. La réversibilité est acceptée, en tout dernier recours, mais cela entraîne des coûts supplémentaires. Une fois l'échange en Krôcô effectué, l'intérêt est de les dépenser dans les commerces partenaires. L'association s'engage à ne pas faire circuler plus de krôcôs que la somme équivalente en euros, présent dans les caisses. C'est à dire, éviter de spéculer sur la monnaie comme c'est le cas avec l'euro.

La conception et la mise en circulation d'une monnaie sont assujetties à des normes à respecter, notamment sur l'impression des billets. Pour les coupures existantes en euros, elles seront de la même taille en Krôcô. Au niveau de la sécurité, un papier kraft est utilisé pour empêcher la reproduction et un sceau en relief est apposé pour éviter la falsification.

Optimisme mitigé chez les commerçants

Catou présente le Krôcô aux consommateurs devant les Halles de Nîmes (photo Corentin Corger)

Pour installer une monnaie et créer une économie locale, il faut en premier lieu toucher les commerçants. L'entièreté des 32 signataires sont installés au centre-ville et notamment dans les Halles, poumon économique du coeur de ville. Quand on sonde les commerçants, les réponses sont diverses. Certains n'ont pas été sollicités et n'ont jamais entendu parler du Krôcô. D'autres rencontrés par l'association, sont sceptiques sur le réinvestissement de ces Krôcôs. "Qu'est-ce que je fais de mes Krôcôs une fois que l'on m'a payé avec ? ", interpelle Julien, caviste. "Je ne vais pas payer mes fournisseurs avec des Krôcôs, lui ça ne l'intéresse pas. Et il s'agit des fonds de mon entreprise, donc je ne vais pas aller faire mes courses avec cet argent", poursuit le gérant.

Un commerçant qui pointe la problématique même d'une monnaie locale. Pour qu'elle fonctionne et qu'elle se pérennise, tous les acteurs de l'économie doivent s'en servir. Les commerçants mettent le pied à l'étrier, mais fournisseurs et surtout consommateurs doivent suivre le mouvement pour compléter le cercle et donner une chance au Krôcô.

Nadine, crémière aux Halles, a elle aussi refusé d'utiliser des Krôkôs, "la démarche est sympa, mais c'est le problème de change qui me dérange. Je ne vais pas pouvoir déposer cette monnaie à la banque." Comme évoqué précédemment, les entreprises peuvent, en dernier recours, changer leur Krôcôs en euros, moyennant une participation aux frais de gestion de 3 à 5%. Forcément, il faut laisser le plus de Krôcôs en circulation. Mais la commerçante est prête à s'y mettre en cas d'engouement général. "Si je vois que j'ai une demande quotidienne de Krôcôs de la part de ma clientèle, j'en commanderai."  Par rapport à la gestion des comptes de la société, pas besoin de créer une double comptabilité. Chaque transaction de cette MLC sera enregistrée en euros.

D'autres ont accepté de se jeter à l'eau, comme l'enseigne Panissain et son propriétaire Michel. "J'ai un magasin à Avignon où il existe une monnaie locale donc je connais déjà ce concept. C'est un projet sympathique et je trouve intéressant de faire le lien avec les biscuits Crocos que nous vendons." Un côté ludique et une bonne cause qui ont également convaincu le stand voisin, occupé par la boucherie Dubois. "J'aime bien le principe que l'argent reste chez les acteurs locaux. Cela permet de sauvegarder le commerce de proximité. Dans ce cas au moins, on est sûr que ça ne va pas profiter à des actionnaires."

Cette monnaie est un moyen de "responsabiliser sur l'importance de consommer local", souligne Sylvie Fayard, gérante de la librairie "L'Eau Vive" à Nîmes. "J'habite Nîmes et je consomme pas mal en centre-ville, donc c'est important pour moi."  Si les artisans mettent l'accent sur le Krôcô, cette monnaie a peut-être une chance de prospérer.

Corentin Corger

Corentin Corger

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