Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 28.04.2018 - veronique-palomar - 4 min  - vu 1330 fois

FAIT DU JOUR Musée de la Romanité : un travail de... Romain !

Gros plan sur Hortiz Peinture, l'entreprise nîmoise en charge de la décoration du site.
Richard Hortiz est un Nîmois qui aime sa ville et met son savoir-faire au service du beau (photo Véronique Palomar/Objectif Gard).

Dans un mois, le musée de la Romanité ouvrira ses portes au public. Jusqu'au dernier moment, les entreprises vont s'affairer pour mettre la dernière main aux finitions. L'occasion de rencontrer l'une d'entre elles, Hortiz Peinture, entreprise en nom propre fondée en 1964 à Nîmes et chargée de la décoration. Comprenons mobilier et peintures murales. Un travail de Romain !

Quand l'entreprise de Richard Hortiz remporte l'appel d'offres pour la décoration du musée, soit la réalisation des peintures murales et des divers mobiliers (socles, vitrines, bancs...), il s'associe avec Alain Jeamnet pour le mobilier et réfléchit avec l'architecte sur les matériaux et couleurs qui vont orner les murs. "Sur l'appel d'offres, il était juste inscrit enduits", se souvient Richard Hortiz. Nous avons proposé un enduit à la chaux. Un choix qui privilégie l'esthétique mais nécessite un savoir-faire très particulier."

2 000 m² d'enduit à la chaux sur les murs du musée !

"La chaux est une matière vivante, ne la dit-on pas vive ?, s'amuse Richard Hortiz. Pour arriver à un résultat stable, il faut tout prendre en considération le support, la température, le taux d'humidité, la lumière." Toutes ces variables ont une incidence sur la couleur. C'est une approche délicate. Formé à la chaux ancestrale aux Beaux-Arts d'Avignon, l'homme est un passionné. Alors avec une petite équipe, il s'attelle à un travail de titan : recouvrir de chaux colorée par ses soins 2000 m² de surface dont celle des murs de l'Atrium, une pièce de plus de 20 m de hauteur sur 30 de large. Des volumes que l'on a pas coutume de traiter avec un tel matériau. Le défi est de taille car pour que le rendu soit parfait, il faut reproduire la même gestuelle avec une petite truelle… À cette échelle, cela impose de travailler par séquences, c'est long, minutieux. "C'est un travail d'artiste en fait", constate Richard Hortiz.

Un échafaudage géant et des mois de travail de fourmi (photo DR/OG).

La patine de la chaux est unique mais elle ne cesse d'évoluer, il faut anticiper sur tous les facteurs influents et enduire avec le plus grand soin. Une première pour l'entreprise et une prouesse. Le choix de la teinte, en accord avec l'architecte, est une autre gageure. "Les visiteurs ne viennent pas pour regarder les murs. Il faut créer un écrin qui mette les pièces présentées en valeur sans les écraser. Nous avons donc opté pour un gris très doux. Une teinte préparée avec beaucoup de précision pour un rendu identique sur toute la surface." À l'arrivée, une finition étonnamment moderne, à la fois lisse et pleine de mouvements. Vivante en quelque sorte ! Les travaux achevés, tous les artisans figureront sur un plaque apposée dans le jardin. Comme au temps des grands bâtisseurs romains. Richard Hortiz quant à lui aura signé son travail dans un petit coin. "Quand je termine un mur à la chaux, je griffe l'enduit et j'y grave mes initiales", confie-t-il. Le visiteur joueur trouvera-t-il la signature de l'artisan ?

Du musée à l'hôtel de ville

Une remise à neuf de la grande porte de la mairie et de la grille s'imposait (photo DR/OG).

Parallèlement, à la fin des travaux du musée, l'entreprise est appelée pour rénover la porte et la grille de la mairie de Nîmes. Là aussi, le travail est délicat. Concernant la porte, il s'agit de décaper le vieux chêne avec précaution et de le teinter avec précision pour obtenir le rendu désiré. Pour la grille, c'est une autre paire de manches. Décapage, rénovation mais fini patiné. Nouvelle gageure ! "Il fallait rénover tout en gardant un fini ancien. Ces grilles ont un siècle, elles devaient être restaurées et préservées mais ne pas avoir l'air de venir d'être fabriquées", précise l'entrepreneur. Il a donc fallu chercher des solutions, décaper puis vieillir, jouer avec les patines.

2 000² d'enduit à la chaux. A cette échelle, cela impose de travailler par séquences. C'est long et minutieux (photo DR/OG).

Itinéraire d'artiste

Richard Hortiz naît à Nîmes où son père crée l'entreprise familiale en 1964. Après un parcours scolaire plutôt sage, il quitte Nîmes pour Aix-en-Provence et sa faculté de sciences éco. "J'y ai passé une licence mais j'ai plutôt fait la fête", se souvient-il. Et puis il tombe amoureux de la fille du fondateur de la première École de commerce Bernard Tapie à Montpellier. Une excellente raison de s'y inscrire et de la quitter quand l'histoire se termine en chagrin d'amour. Comme dans les romans, le jeune homme fuit loin, en Martinique d'abord puis en Guyanne, au Vénézuela… "Je prenais des photos et j'écrivais des articles pour différentes revues", raconte Richard Hortiz un tantinet nostalgique. Mais sa mère sonne la fin de la récréation et lui demande de rentrer reprendre le flambeau de l'entreprise familiale. Bon garçon, il s'exécute et travaille avec un père impatient de lui laisser les rênes. "Au départ, j'ai rencontré de jeunes architectes et promoteurs, on s'entendait bien, on était tous des bleus, alors on a travaillé ensemble et les affaires sont rentrées assez vite." Aujourd'hui, la petite entreprise tourne rond et sa masse salariale a plus que doublé. Mais Richard Hortz déplore : "La plupart du temps aujourd'hui, on nous demande de remplacer le savoir-faire par le faire. La rentabilité prime sur la qualité..." Un bonheur donc de travailler sur de beaux chantiers comme celui du musée même si la gestion est très difficile. Pour cet artiste, la valeur d'un travail bien fait vaut bien quelques complications.

Véronique Palomar

Véronique Palomar

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