Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 07.05.2018 - veronique-palomar - 4 min  - vu 690 fois

LUNDI SANTÉ La lutte contre les douleurs chroniques : un travail d'équipe

1ere Journée des comités de lutte contre la douleur (CLUD) du Groupement hospitalier de territoire (GHT) Cévennes-Gard-Camargue
(Photo d'illustration)

Olivier Chaix, professeur en anesthésie au CHU de Nîmes, et Éric Viel, praticien  hospitalier d'Uzès, consultant au centre d'évaluation et de traitement de la douleur, ont répondu à nos questions (photo Véronique Palomar)

 La semaine dernière, au Kinépolis se tenait la 1ere Journée des comités de lutte contre la douleur (CLUD) du Groupement hospitalier de territoire (GHT) Cévennes-Gard-Camargue. Une première qui va permettre à tous les acteurs du secteur de travailler ensemble. L'occasion aussi d'interpeller des médecins impliqués sur la question de la douleur et de ses traitements. 

Les CLUD ont été créés il y a dix ans. Aujourd'hui, ce sont 7 établissements et 9 Epad qui se sont réunis pour réfléchir au problème de la douleur. Les Comités, que l’on retrouve dans tous les établissements de santé, sont la preuve de la reconnaissance institutionnelle de la nécessité de prendre en charge, de manière coordonnée et pluridisciplinaire, la douleur des patients. L’une des ambitions de la filière douleur du GHT vise la mise en place de procédures et de protocoles communs. Mais aussi l’organisation de formations communes, qui viennent s’ajouter aux formations universitaires déjà en place, et de clarifier le rôle des filières et les activités de référence et de recours pour chaque établissement. La prise en charge de la douleur chronique rebelle (y compris psychologique) s’inscrit d’ores et déjà comme l’affaire de tous les membres du GHT.

L'objectif étant d'échanger sur la problèmatique et de faire émerger des solutions communes dans un souci d'efficacité et de confort accru pour les malades. Deux grands axes de réflexion et d'échanges étaient au programme. Le premier concernait la douleur chez les personnes âgées. Les études épidémiologiques menées en France et dans l’Union européenne attestent de ce que la douleur chronique rebelle touche un cinquième de la population. Cette affection concerne tous les âges mais atteint 50 % de la population de plus de 75 ans. Dans ce contexte, on comprend aisément que la prise en charge de la douleur constitue un véritable enjeu de santé publique, au cœur des préoccupations des établissements de santé. Le second, les conséquences économiques de la douleur dans le parcours de santé.

Le nombre de personnes âgées vulnérables aura doublé dans 20 ans

Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), le pourcentage de la population française âgée de plus de 80 ans atteindra 11 % en 2060 alors qu’il était de 5 % en 2010 (et de 2 % dans les années 1960). La douleur est une problématique quasi constante au cours du vieillissement et la prévalence de la douleur augmente nettement avec l’âge. La douleur chronique touche 50 % des personnes âgées vivant à domicile et 80 % de celles vivant en institution.

Si la douleur augmente avec l’âge, il est à noter que plus on vieillit, moins on est capable d’exprimer clairement sa douleur et moins celle-ci est facilement repérée par l’entourage. Des comportements qui ne sont pas a priori évocateurs de douleur (repli sur soi, mutisme, anorexie, agitation, peur…) peuvent être des signes de douleur chez les patients incapables d’exprimer verbalement ce qu’ils ressentent. Si des améliorations importantes ont pu être constatées dans l’attention que le monde médical et soignant porte à la prise en charge de la douleur (notamment à la faveur des différents Plans douleur et au regard de l’enjeu éthique du sujet), il reste encore beaucoup de progrès à faire dans ce domaine, en particulier pour les aînés vulnérables dont le nombre ne va cesser d’augmenter. Il aura doublé dans 20 ans…

La douleur coûte cher

(photo d'illustration)

Au-delà de l’enjeu éthique, la douleur est génératrice d’importantes dépenses. Ainsi, le poids économique de la douleur chronique, incluant les soins médicaux et paramédicaux, les médicaments, les hospitalisations, les indemnités journalières en cas d’arrêt de travail, la perte de la productivité, est équivalent à la somme des coûts engendrés par les maladies cardio-vasculaires et les maladies psychiatriques. Associée à la question du coût, la douleur engendre également une problématique sociétale, notamment caractérisée par un nomadisme médical qui reste de règle, avec un recours désordonné à de multiples consultations, à la recherche de soins adaptés.

Questions aux spécialistes

Olivier Chaix, professeur en anesthésie au CHU de Nîmes et Éric Viel, praticien  hospitalier d'Uzès, consultant au centre d'évaluation et de traitement de la douleur (photo Véronique Palomar)

En France sommes-nous en retard sur la prise en charge de la douleur ?

Depuis le Plan douleur de 1998, on fait des progrès considérables. On a toujours l'impression que c'est mieux ailleurs. Dans des pays que l'on pensait en avance comme les États-Unis, on assiste à des dérives. Docteur House est drogué. La vicodine, c'est de la morphine. En France, on gère mieux ce souci. Là, où nous sommes en retard, c'est dans la prise en charge de traitements qui sont efficaces.

Les médicaments sont pourtant remboursés ?

On sait que la douleur peut avoir des causes psychologiques et que, dans certains cas, l'ostéopathie, l'acupuncture et même le Taïchi sont des solutions efficaces. Malheureusement, ces disciplines  ne sont pas remboursées… Il reste encore des progrès à faire. Et puis, surtout chez les personnes âgées, il y a l'accompagnement, les personnels médicaux et paramédicaux, comme les aides soignantes et les infirmières sont débordées. Leur colère vient aussi du fait qu'elle n'ont pas de temps pour les patients… L'empathie est pourtant un remède efficace contre la douleur. Aujourd'hui on peut dire que le traitement de la douleur est pluri-professionnel.

La médecine a-t-elle progressé dans le domaine ?

Pas beaucoup. Il n'y a pas vraiment de nouvelles molécules. Des dispositifs contrôlés par le patient et des traitements locaux sont de petites avancées qui augmentent le confort mais le vrai progrès est sans doute que la douleur soit considérée comme une filière à part entière et que certains médecins puissent se spécialiser. On y est presque.

Véronique Palomar

Véronique Palomar

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