Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 20.05.2018 - anthony-maurin - 4 min  - vu 1127 fois

NÎMES EN FERIA Juan Bautista, lenteur abandonnée, Ponce danseur abondé

Toros de Juan Pedro Domecq pour Enrique Ponce (OO), Juan Bautista (OO et OO) et Jesus Enrique Colombo (O).
Juan Bautista (Photo Anthony Maurin).

Parlant, Jesus Enrique Colombo. Écoutant, Enrique Ponce, regardant, Juan Bautista (Photo Anthony Maurin).

Corrida dominicale, corrida du matin, corrida des artistes pour un public festif et grand habitué de ce type de moment. À Nîmes, c'est made in Simon Casas. D'ailleurs, on commence à retrouver ces corridas matinales très légères dans quelques autres arènes, même en Espagne.

Bref, corrida de Juan Pedro Domecq, toros artistes pour Enrique Ponce, Juan Bautista et Jesus Enrique Colombo pour confirmer son alternative. Deux oreilles pour le premier, quatre pour le deuxième et une pitchounette pour le dernier qui passait aussi en premier. Un chamane vénézuélien, un exorciseur espagnol et un rebouteux camarguais, trio éclectique pour guérison instantanée. Pas de no hay billetes mais trois gourous de l'émotion, c'est déjà ça pour garder le cœur battant.

Jesus Enrique Colombo (Photo Anthony Maurin).

Le Vénézuélien Jesus Enrique Colombo était déjà venu à Nîmes mais il n'était encore qu'un novillero qui avait le temps pour lui. Devenu matador, il défilait tête nue au paseo de sa confirmation nîmoise d'alternative. Premier de la course, le jeune a immédiatement voulu donner quelque chose au public mais les étagères avaient peut-être la tête ailleurs ou les yeux encore embués par le rosé local. Même les genoux au sol ou en poseur de banderilles il n'a pas trouvé la clef de leur cœur. Une faena de belle facture, quelques instants magiques mais devant un toro, comme de nombreux autres de ce lot, insipide. Une oreille contestée mais une oreille quand même. En même temps, les contestations du dimanche matin...

Jesus Enrique Colombo (Photo Anthony Maurin).

Sur son second, l'ultime de la corrida, Colombo passe derrière deux monstres sacrés que Nîmes adore. Il a compris que ce rôle de troisième n'était pas le meilleur, surtout avec ces deux-là. Colombo ne coupera rien mais démontrera une nouvelle fois quelques valeurs précieuses et une envie qui le porteront certainement très loin dans sa carrière.

Enrique Ponce (Photo Anthony Maurin).

Le Valencian (Chiva) Enrique Ponce était à l'affiche matinale. Comme toujours quand il est là, on s'attend à de la douceur et à de la lenteur. Il sait faire, le public le sait et c'est justement pour cela qu'il vient le voir d'année en année. Ponce s'est forgé la réputation du roi qu'il est. Face à son premier, il réalisera une faena de chirurgien devant un toro pour lequel une séance de bouche-à-bouche aurait pu s'imposer tant la bête était fade et sans feu. Du Ponce dans le texte, comme on aime le voir, travailleur et réfléchi dans son toreo.

Enrique Ponce (Photo Anthony Maurin).

Sur son second, la musique lui permet de couper deux oreilles, rien de plus. À l'orchestre Chicuelo II, très bien inspiré pour cette grand'messe taurine, on sait faire, le public le sait et c'est justement aussi pour cela qu'il vient d'année en année le dimanche matin... Ponce n'a pas oublié le nombre de triomphes bonifiés qu'il doit aux musiciens nîmois. Une nouvelle fois, c'est sur Caridad del Guadalquivir que tout s'est joué. De l'émotion, bien entendu mais aussi de la transmission, et Ponce au milieu, tel une rivière qui coule sans se soucier de l'espace environnant. Il en aura pris du temps... La musique s'écoute, le maestro se regarde et le public attend les passes qui viennent lentement, très lentement. Pendant plus d'une minute, et c'est très long quand on parle d'une faena, Ponce n'a strictement rien fait d'autre que de tourner autour de ce toro de Juan Pedro, dansant, se déhanchant et montrant qu'il connaissait musique et public de Nîmes. Les étagères se régalent, le maestro aussi, une paire de poncinas (passes de génuflexion qui portent son nom) tant mieux ! Une énorme épée fulgurante plus tard et hop, deux oreilles, un hymne valencian et une sortie par la porte des cuadrillas.

Juan Bautista (Photo Anthony Maurin).

Juan Bautista était quant à lui reconduit dans le rôle de l'artiste local de service. Pas toujours à son aise sur ce terrain glissant, en ce dimanche il aura été grand, immense, notamment sur son second. Mais avant de causer de celui-là, évoquons le premier. Troisième toro de la corrida et premier à être à peu près normal de force et d'allure. Comme souvent, l'Arlésien réalise un bijou de lidia, est précis dans son placement et laisse le cornu s'exprimer quand il le peut. Deux oreilles après un traditionnel mais toujours remarquable recibir de qualité.

Juan Bautista (Photo Anthony Maurin).

Second duel, second triomphe. Deux oreilles encore. En même temps, dès le début Juan Bautista avait prévenu son petit monde. Au capote, il a dû s'étonner lui-même de tant de relâchement et de proximité avec le toro. Un abandon total, une prise de risque maximale mais en toute quiétude et simplicité. Pas de fioriture pour dénaturer le moment et un regard hagard, quelle classe parfois. Des passes douces, suaves, lentes, belles, gorgées de soleil et d'amour. Quelques secondes suspendues hors de toute temporalité... Rare, merci.

Pour réaliser cette prestation, il faut un adversaire. Si depuis le début de la corrida les Juan Pedro se sont montrés discrets et faiblards, celui-là semble mieux fait et plus brave en gardant une noblesse d'exception. Et puis la lumière s'est éteinte... Mais Juan Bautista est parvenue à la rallumer en jouant sur tous les tableaux. Des banderilles au sourire en passant par la main gauche et la jambe droite, il aura tout fait pour garder le public éveillé. Deux nouvelles oreilles après une excellente épée et un départ " à la Espla ", tournant le dos au toro une fois l'épée en place et filant rejoindre le burladero alors que le cornu tombe à terre. Encore un grand moment, encore de l'émotion. La deuxième oreille est de trop mais bon, nous étions dimanche matin !

Juan Bautista (Photo Anthony Maurin).

Anthony Maurin

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