Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 02.06.2018 - corentin-corger - 5 min  - vu 2635 fois

FAIT DU JOUR Le combat d'une vie contre l'alcool au volant

Anne et Stéphane Landais ont perdu leur fille Charlotte dans un accident de la route causé par un chauffard ivre. Depuis, ils mènent un combat juridique et désormais législatif pour que ce drame permette de faire évoluer la loi.
Charlotte Landais (DR Stéphane Landais)

Originaire de Gallician, Charlotte Landais a été fauchée par un chauffard le 22 décembre 2012, à Montpellier. Sous l'emprise de l'alcool et de la drogue, il a été condamné à six ans d'emprisonnement. Le co-auteur a également été condamné et la boîte de nuit (personne morale) a été mise en examen. Le combat se poursuit avec l'association Charlotte Mathieu Adam qui cherche à modifier le Code Pénal et mène des actions de prévention. 

L'affaire Charlotte Landais, c'est le drame qui s'est produit le 22 décembre 2012 lorsque cette étudiante de 18 ans en pharmacie a été tuée par un chauffard sans permis, ivre, sous l'emprise de stupéfiants et qui a pris la fuite. Interpellé rapidement après les faits, le propriétaire du véhicule a d'abord nié avant d'avouer les faits fin janvier 2013. Incarcéré, l'auteur âgé de 34 ans, Lhoussain Oulkouch, a été condamné à six ans d'emprisonnement pour "homicide involontaire par imprudence et maladresse" comme le stipule l'article 221-6-1 du Code Pénal. D'après cet article de loi, le prévenu encourait 10 ans d'emprisonnement car plus de deux circonstances aggravantes étaient retenues : entre 2,5 et 4,2 grammes d'alcool dans le sang au moment des faits, consommation de stupéfiants, conduite sans permis, délit de fuite, violation des règles de sécurité et excès de vitesse.

Le parquet avait requis 8 ans. Une telle condamnation restait significative pour un délit routier. Pas pour les parents de Charlotte qui se révoltaient que "les peines ne soient pas appliquées" et dénotaient "une certaine injustice". Ils ont fait appel de la décision. La peine de six ans ayant été confirmée, ils se sont donc pourvus en cassation. "Il est hors de question d'accepter le jugement pour "homicide involontaire" alors que Charlotte serait décédée après avoir été percutée par un chauffard en excès de vitesse, ivre sous l'emprise de stupéfiants, sans permis", clament-ils. "Nous demandons la requalification en "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner" avec une arme : la voiture". Une demande deux fois déboutée et rejetée par la Cour de Cassation en juin 2016.

Mais leur combat va permettre une condamnation inédite pour ce type de délit. Celle du co-auteur, car le coupable était accompagné d'un ami lors de son parcours de débauche qui avait commencé dès 16 heures. Mustapha Bouchane va d'abord conduire lui-même la voiture pour "se ramener en vie" avouera t-il, avant de laisser repartir son compère au volant. Le 4 mars 2014, il est aussi jugé pour "homicide involontaire" et condamné à un an d'emprisonnement dont six mois avec sursis. Une peine ramenée à dix huit mois avec sursis en appel. "C'est une première en France pour une personne qui laisse un homme ivre prendre le volant", relève Stéphane Landais.

N'ayant pas pu obtenir la requalification du délit en crime, les parents de Charlotte vont déployer leur énergie à boucler la chaîne de responsabilité. Ils intentent une action en justice pour mettre en cause la boîte de nuit de Montpellier. Pendant cette fameuse soirée, les videurs ont sorti une première fois le chauffard avant de le laisser rentrer à nouveau pour s'alcooliser encore. De plus, la caméra de surveillance montre clairement les videurs aider le chauffard à monter dans son véhicule, malgré son état d'ébriété très avancé. Le processus judiciaire a fait son chemin. Et en février 2017, la personne morale de la discothèque a été mise en examen, ce qui pourrait peut-être débouché sur un procès.

Réformer la loi sans le terme involontaire

Stéphane Landais, père de Charlotte  et Alexandre Zwertvaegher, avocat stagiaire, déterminés à faire modifier le code pénal (photo Corentin Corger)

En parallèle de la lutte menée pour une qualification adéquate du drame survenu, Anne et Stéphane Landais accompagnés notamment de d'autres parents de victimes et de l'avocat Jean Robert Phung ont créé l'association Charlotte Mathieu Adam, le 17 avril 2013. Des victimes de violences routières qui travaillent main dans la main pour faire appliquer, quand cela est possible, diverses responsabilités lors de ces drames. Mais surtout avec une volonté féroce de proposer une nouvelle loi. "Aujourd'hui, il y a l'homicide volontaire et involontaire. L'idée c'est de créer une proposition de loi avec un comportement volontairement dangereux qui a entraîné la mort, sans intention de la donner", détaille clairement Stéphane Landais.

Le but est de mener ce projet pour les futures victimes comme Charlotte, tuées avec de telles circonstances aggravantes. C'est le terme "involontaire" que veut écarter l'association et intégrer le champ de "l'intentionnalité et de la volonté". "Il s’agit d’un comportement violent délibéré entraînant la mort sans intention de la donner." C'est un extrait du nouvel intitulé juridique que Stéphane et les avocats qui l'entourent voudraient donner à l'article 221-6-1 du Code Pénal. D'après eux, un chauffard qui consomme volontairement des substances (alcool, drogue) sait clairement que conduire est un comportement dangereux qui augmente fortement les probabilités d'accident. Même si il n'y a pas volonté de tuer une personne, un ensemble de comportements rendent plus que probable cette éventualité. En droit, cela se traduit par : "la violence volontaire est constituée, quel qu'en soit le résultat, par tout acte positif commis avec la conscience du caractère prévisible du dommage." 

Tout cela pour aboutir à une prise en compte plus rationnelle des circonstances aggravantes actuellement prévues et obtenir à une qualification criminelle spécifique aux comportements les plus graves. Criminelle, le mot a tout son sens. Cela signifie que ces actes ne seraient plus jugés au tribunal correctionnel mais en Cour d'Assises. Et donc les peines prononcées seraient plus élevés, jusqu'à 15 ans d'emprisonnement pourrait être requis. L'association souhaiterait ajouter "l'usage du téléphone" et "la conduite sous l'emprise médicamenteuse faisant obstacle à la conduite" comme circonstances aggravantes supplémentaires.

Elle aimerait aboutir à ce qu'il se fait en Italie où existe un homicide routier. "Involontaire, mais qui suppose des peines d'autant plus lourdes que se conjuguent les circonstances aggravantes", explique Alexandre  Zwertvaegher, avocat stagiaire à l'association et qui a travaillé sur le droit comparé. L'objectif est maintenant de peaufiner l'article pour qu'il ne soit pas retoqué et de solliciter des parlementaires pour qu'il soit proposé à l'assemblée nationale.

Action de prévention dans une discothèque

Comme un symbole, l'association Charlotte Mathieu Adam organise une action de prévention à la discothèque Le First, à Nîmes, ce samedi 2 juin, à partir de 23h30. Ronald Gabellini, conjoint d'une membre de l'association, est en train de passer son diplôme d'enseignant de la conduite et de la sécurité routière. Pour le valider, il doit réaliser une action de prévention. Le partenariat est donc tout trouvé. La mission est de prévenir mais pas d'empêcher les jeunes de s'amuser. "Nous gardons à l'esprit que nous ne devons pas être trop insistants quant à notre démarche, ni trop intrusifs dans la vie privée des clients. Car avant tout, ils sont ici pour faire la fête et passer un moment où ils décompressent de leur semaine", précise Ronald. "L'action se veut avant tout une action de prévention, d'aide à la compréhension du mécanisme de l'alcool sur nos sens et d'un rappel à la réglementation. Et aussi d'exposition aux risques d'une conduite en état d'ivresse."

Concrètement, les bénévoles vont remettre aux fêtards un questionnaire en lien avec leurs habitudes et leur rapport avec l'alcool. Des tests d'alcoolémie seront effectués aux volontaires à leur départ, dans un esprit de prévention pédagogique. Une distribution de flyers sur les risques d'une trop forte consommation d'alcool et sur la sécurité routière est prévue. Il est important de saluer le First club qui a accepté une telle initiative. Certaines discothèques peuvent être frileuses par peur de voir fuir les clients. Une volonté de faire prendre conscience aux jeunes de prévoir avant de sortir comment rentrer sain et sauf chez eux. Et quoi de mieux qu'un témoignage concret de parents pour alerter les esprits. N'oubliez jamais, boire ou conduire, il faut choisir !

Corentin Corger

Site internet de l'association : www.charlotte-mathieu-adam.org

Page Facebook : charlottemathieuadam

Sur le même sujet : GALLICIAN Six ans de prison pour le chauffard qui a tué Charlotte

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