Depuis 22 ans, le premier dimanche du mois d’aout est marqué, à Vézénobres, par le championnat du Gard de boule carrée. Une discipline encore confidentielle mais qui a de beaux atouts à faire valoir.

 « Terrain numéro 23, Marie et Pascal contre Rémi et Vincent ! » Les haut-parleurs installés sur l’estrade égrainent un à un les rencontres désignées par le tirage au sort. Comme dans un concours de boules traditionnelles. D’ailleurs, les règles du jeu et les attitudes sont les mêmes. Ce n’est pas étonnant car la majorité des participants pratiquent aussi la pétanque. Mais il y a une différence de taille ou plutôt... de forme. Les boules ne sont pas rondes et métalliques, mais carrées et en bois (tout comme le cochonnet).

Et ce n’est pas tout, car les parties se déroulent sur un terrain en pente. Ce dimanche à Vézénobres, 124 équipes, de tous âges, et dispersées sur 50 terrains, s’étaient données rendez-vous. Alors que le thermomètre flirtait avec les 40°, malheur à ceux qui n’avaient pas de chapeau ou de casquette. Tony (22 ans) le pointeur et Loïc (16 ans) le tireur sont les tenants du titre. Ils arborent fièrement le tee-shirt du championnat du monde qui a lieu tous les ans à Cagnes-sur-Mer.

En effet, les vainqueurs du championnat du Gard ont la possibilité de participer à l’épreuve mondiale qui se déroule dans les Alpes-Maritimes. Tony vient à Vézénobres pour tenter de gagner une nouvelle fois mais il sait qu’il faut beaucoup de chance dans cette discipline. « Quand on pointe, c’est vraiment aléatoire, la boule prend des trajectoires incalculables. C’est un peu comme lancer un petit ballon de rugby. On ne sait jamais où il va aller ».

« L’état d’esprit est moins porté sur la gagne..." 

Pointer est si incertain que beaucoup de boules terminent hors des limites du terrain et se retrouvent donc éliminées. Loïc, son coéquipier a la tâche plus facile car tirer une boule ronde ou une boule carrée, c’est exactement pareil. Peu importe, le tireur est surtout venu pour l’ambiance. « L’état d’esprit est moins porté sur la gagne et la compétition qu’à la pétanque. C’est beaucoup plus détendu ». Pendant ce temps-là, sous un soleil de plomb les participants jouent sur un bitume brûlant.

Rue du 19 mai 1962, le terrain numéro sept est particulièrement prisé. La raison principale est qu’il est situé à l’ombre des arbres. C’est celui que tout le monde souhaite se voir attribuer. Pour ce premier tour, c’est la jeunesse locale qui s’illustre. Maillot de football sur les épaules, casquette, foulard autour du cou, lunettes de soleil, short et tongues sont de rigueur. « Quelle bande de Tchitchoules ! », lance un participant qui est sur le terrain numéro neuf.

« La boule carrée, c’est rigolo..." 

Sur le huit, une partie se termine. Vainqueurs et vaincus se serrent amicalement la main. « Pour l’égo, c’est moins difficile de perdre à la carrée qu’à la ronde », admet un des perdants. La bonne humeur est générale. « Je n’ai rien à apprendre d’une femme de Saint-Privat », dit un participant à son adversaire. Sur le ton de la rigolade, bien sûr. La boule carrée réserve aussi quelques surprises. Au fil des rebonds hasardeux, deux boules peuvent se retrouver empilées. Situation géométriquement impossible avec les boules rondes.

Pour les demi finales et la finale, des terrains (8 x 3 mètres) ont été peints en bleu, blanc et rouge, en souvenir de la victoire de l’équipe de France de football en coupe du monde. Bruno Deleuze, du comité des fêtes de Vézénobres, triple vainqueur et organisateur du championnat, souhaite faire mieux connaitre sa discipline. « C’est pratiqué par des Italiens, des Russes, Polonais, Espagnols. Ce n’est pas trop connu. Quand on consulte internet sur ce sujet, on apprend plein de choses. ». Et il rajoute « la boule carrée, c’est rigolo. C’est plus de la détente que du sport. Et puis à partir de la troisième victoire, l’inscription est remboursée. »

Mais à en croire l’ambiance et la bonne humeur qui régnaient à Vézénobres, même ceux qui n’ont pas été remboursés sont au moins rentrés chez eux satisfaits.

Norman Jardin