Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 29.08.2018 - thierry-allard - 4 min  - vu 675 fois

FAIT DU JOUR Le déplacement du monument aux morts de Bagnols, un chantier hors normes

Il a quitté la place Jean-Jaurès de Bagnols en plein coeur de l’été pour Tresques et l’atelier de l’entreprise Arte Pierre, basée à la zone de Bernon.
Thomas Blanc au pied de la sculpture du monument aux morts de Bagnols, au siège de son entreprise à Tresques (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Le monument aux morts de Bagnols a donc bougé pour la première fois depuis son érection en 1911 par le sculpteur bollénois Félix Charpentier, notamment connu pour avoir réalisé quelques-unes des sculptures qui ornent encore aujourd’hui le Jardin du Luxembourg, à Paris, ou encore le monument aux morts d’Avignon, d’abord sis place de l’Horloge puis déplacé (déjà !) sur les allées de l’Oulle.

Pour les Bagnolais il s’agit de la fin d’une époque. Pour la mairie, le but est de mieux mettre en valeur le monument qui, avec l’augmentation du trafic routier, se retrouvait quasiment dans le flot des véhicules. Sans compter qu’il était dos à la place. Une situation qui compliquait les cérémonies commémoratives, pour lesquelles la mairie était systématiquement obligée de couper et dévier la dense circulation de la traversée de la ville. Alors la municipalité a sauté le pas et décidé de déplacer le monument au niveau de l’ancienne grande fontaine de la place Urbain-Richard, à un jet de pierre (de taille) du collège et du lycée, pour un budget d’environ 90 000 euros.

Cinquante tonnes à déplacer

Plus facile à dire qu’à faire : on parle tout de même d’un monument qui pèse la bagatelle de cinquante tonnes. Un monument qu’il a fallu démonter alors qu’il n’est pas vraiment fait pour ça. « Il n’est pas fait pour être démonté, mais le monument n’a pas été créé in situ. Il a fallu l’amener de l’atelier du sculpteur », rappelle Thomas Blanc, un Bagnolais de 32 ans à la tête de l’entreprise Arte Pierre, chargée du chantier. « Il a été monté donc il peut être démonté », poursuit le jeune chef d’entreprise.

Dit comme ça, ç'a a l’air simple. C’est surtout le fruit d’un long travail de préparation. « On est toujours en train de déchiffrer les ouvrages sur lesquels on travaille. Rien n’a été fait au hasard », explique Thomas Blanc qui élabore systématiquement un calepin d’appareil, véritable cartographie de chaque édifice. Résultat : « on n’a pas le mode d’emploi mais une idée forte et proche de la réalité de comment sont faites les choses, poursuit-il. En 2018, on apprend toujours le métier sur des bases de ce qui se faisait il y a plusieurs centaines d’années. » Ainsi, Thomas Blanc se sent « complètement en discussion avec le sculpteur, on parle la même langue », même à plusieurs centaines d’années d’écart.

(Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Le déplacement : une prouesse technique

Il y a simplement un peu de friture sur la ligne en cas de restauration moyennement réussie voire carrément ratée, ce qui arrive fréquemment à l’en croire. Ainsi, le monument aux morts de Bagnols a été blanchi il y a une vingtaine d’années par un enduit appliqué parfois grossièrement et quasi-impossible à enlever, d’autant que la manoeuvre ne fait pas partie du cahier des charges. Qu’à cela ne tienne, Thomas Blanc et son équipe de neuf salariés comptent tout de même redonner un coup de frais au monument réalisé en pierre d’Estaillade et en pierre froide.

Comme une peau, la surface a été gommée, mais à l’aide de la cryogénie, « en envoyant des tout petits glaçons d’azote pour un gommage très respectueux », précise Thomas Blanc, puis à l’aide d’un aéro-gommage réalisé « avec trois abrasifs différents, du sable, des fragments de coquilles de noix et du bicarbonate. » Le tout est patiné pour redonner un aspect plus harmonieux au monument, et seuls des matériaux naturels et respectueux de la pierre, comme la chaux, sont utilisés. Les plaques de marbre vont elles aussi subir un coup de neuf, comme l’épée et le bout du fusil en laiton.

Mais le gros du travail reste le déplacement du monument. « Ce n’était pas évident techniquement, la statue est en deux parties mais j’ai décidé de la prendre en une seule partie en étayant les morceaux du haut et du bas, explique Thomas Blanc. On a trouvé le centre de gravité et soulevé la sculpture sans dégât ». Mais pas sans pression ni émotion, au moment de retirer la statue de six tonnes du lieu où elle avait toujours été. Idem pour le piédestal, qui pèse pas moins de 12 tonnes et est composé de douze pierres soulevées d’un bloc : « ça a été très fort techniquement. Il a fallu évaluer la bonne tenue des premières assises et faire un ceinturage de l’ensemble des pierres ». Seul le socle, le morceau le plus lourd avec ses trente tonnes, constitué de plusieurs pierres et de béton cyclopéen, a dû être démonté et directement déposé sur le lieu de la future implantation du monument.

Objectif : 11 novembre

Un semi-remorque a transporté la statue et le piédestal à Tresques où les deux éléments sont actuellement restaurés. Avec un objectif : une inauguration pour le 11 novembre, centenaire de l’armistice de la Première guerre mondiale. Pour y parvenir, il reste un gros morceau : la construction des fondations. « On a réalisé une étude des sols et il faut aller chercher à huit mètres de profondeur », note Thomas Blanc, qui estime à « plus d’un mois » le temps nécessaire au remontage sur place de l’édifice. Il n’y a donc pas de temps à perdre pour être dans les temps, d’ailleurs les travaux sur place doivent démarrer en septembre.

Un défi de plus dans ce chantier atypique et très technique. Ça tombe bien, c’est comme ça que les aime Thomas Blanc, qui a démarré en tant qu’auto-entrepreneur en 2011 et se retrouve aujourd’hui à la tête d’une SARL de neuf salariés qui a fait son trou et se développe à vue d’oeil, notamment grâce à des chantiers comme celui-ci. « J’espère que cette référence nous permettra d’en faire d’autres », lance Thomas Blanc, dont l’entreprise ne manque pas de chantiers - notamment de création artistique, la deuxième jambe de son activité. De quoi nourrir sa « passion dévorante » pour son activité.

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

Et aussi :

Une des pierres du socle de la Vierge à l'enfant de Laudun (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

La Vierge à l’enfant de Laudun-l’Ardoise, ça avance : c’est l’autre chantier d’ampleur des équipes de Thomas Blanc. La restauration de la Vierge à l’enfant de Laudun, qui mobilise la majeure partie de ses salariés en ce moment. Érigée en 1862 sur les hauteurs du village, la vierge a subi les affres du temps, de la foudre et d’une restauration malheureuse, et menaçait de s’écrouler. La statue a été déposée fin juillet et sa restauration « avance bien », dixit Thomas Blanc. Il a notamment fallu changer une des pierres sur lesquelles reposait la sculpture, complètement fendue. Comme pour le monument aux morts de Bagnols, les travaux devraient être finis à l’automne.

Thierry Allard

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