Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 23.10.2018 - elodie-boschet - 3 min  - vu 5237 fois

FAIT DU JOUR Porte Sud et ses zones d’ombre

Le futur centre commercial Porte Sud. Image Foncière de France.

Tandis que le département de l’Aude panse ses plaies, à Alès, un espace commercial - baptisé Porte Sud - est en pleine construction sur une zone inondable. Le promoteur, un certain Claude Dhombre, brandit la légalité du projet quand ses détracteurs s’inquiètent des conséquences qu’il pourrait entraîner. Le droit contre la morale.  

Le projet était dans les tuyaux depuis plus de dix ans. Émaillé par d’innombrables épisodes judiciaires, Porte Sud est sur le point de voir le jour à l’entrée d’Alès, en bordure du Gardon. Depuis mars dernier, la construction de ce vaste ensemble commercial est en route permettant l’arrivée, dans quelques mois, de plusieurs enseignes. Pourtant, la partie n’était pas gagnée d’avance.

Tout commence dans les années 2000. Claude Dhombre, soutenu par la municipalité, acquiert le terrain qui borde le Gardon pour y construire un espace commercial. À l’époque, déjà, la préfecture s’y oppose arguant que la zone pourrait être inondée en cas de rupture de digue. En 2010, elle classe le terrain en « aléa fort » dans le Plan de prévention du risque inondation (PPRI) alésien. Autrement dit, la zone est inconstructible. Mais Claude Dhombre est tenace. En 2014, profitant d’une annulation du PPRI, il s’engouffre dans cette faille et obtient un permis de construire de la ville d’Alès. « On ne pouvait pas lui refuser. Le permis est valable », assure Christophe Rivenq, le directeur général des services de la ville. La revalidation du PPRI en juin 2017, qui rétablit les parcelles en "aléa fort", n’y change rien.

« On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas ! »

Les opposants au projet commercial sont consternés. « Il y a un risque réel de rupture de digue et de submersion, explique Béatrice Bernard-Chamson pour l’association "Saint-Hilaire durable". Aller construire à côté du Gardon, c’est ahurissant ! Il y a urgence à faire arrêter les travaux. » En cas de crue, « l’eau qui afflue aura le même effet qu’un siphon et pourrait aspirer le bâtiment avec les salariés et les clients à l’intérieur », prévient Rémy Coulet. Un scénario catastrophe appuyé par les récentes inondations dramatiques survenues dans l’Aude « qui montrent l’urgence d’appliquer le principe de précaution. Si un drame arrive, nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. »

Avant qu’il ne soit définitivement trop tard, les associations interpellent les décideurs et veulent « les mettre face à leurs responsabilités » et leur démontrer « le rôle essentiel de ce terrain comme champ d’expansion pour atténuer les crues dévastatrices du Gardon », souligne Jean-Paul Chapal pour la "Sauvegarde de l’identité de la Prairie".

« Le risque est minime pour la population », selon Christophe Rivenq

Du côté de la mairie, le directeur général des services, Christophe Rivenq, dédramatise : « Une zone commerciale, ça s’évacue très facilement. Si des pluies cévenoles s’abattent sur la ville, nous disposons quand même de quelques heures pour évacuer les secteurs exposés. Le risque est minime pour la population. » Quant aux corollaires judiciaires de l’affaire, le bras droit du maire d’Alès confirme que Claude Dhombre est dans les clous. « Si l’État avait pu l’empêcher de construire, il l’aurait fait. Mais le promoteur a eu toutes les décisions de justice qui vont bien. Lorsqu’il a obtenu son permis, le PPRI était annulé. Bien qu’il ait été revalidé, ce n’est pas rétroactif », indique-t-il.

Dernier sujet de controverse : le projet Dhombre va-t-il faire de l’ombre aux commerces du centre-ville ? Pour les détracteurs du promoteur, c’est une évidence. Ils déplorent le « manque de cohérence » de Porte Sud avec la volonté de la municipalité de redynamiser le cœur de ville. Un argument balayé par Christophe Rivenq : « Personne n’a jamais dit qu’il ne fallait plus avoir de commerces de périphérieAttendons de savoir les enseignes qu’il y aura. » La justice des hommes devrait permettre à  cette zone commerciale de sortir de terre au printemps prochain. La nature, elle, décidera du reste.

Élodie Boschet

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