Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 10.11.2018 - veronique-palomar - 4 min  - vu 499 fois

FAIT DU JOUR Riz de laboratoire

Visite au Centre français du riz et de son laboratoire de recherche et de sélection des variétés.
Rizière de Camargue

Cyril Thomas qui gère la structure, devant la décortiqueuse qui débarrasse le riz paddy de son enveloppe d'origine, le transformant en riz complet, qui si on lui enlève le son qu'il contient devient du riz "blanc", lequel peut ensuite être étuvé pour mieux se conserver et être incollable. Ici la machine de taille réduite sert à tester la résistance des grains à l'opération (photo Véronique Camplan)

La Camargue est la seule région de riziculture en France, c'est donc en toute logique qu'elle abrite, en périphérie d'Arles, le Centre Français du riz, qui regroupe, le syndicat des riziculteurs de France, et un centre technique agréé de recherche variétale, de sélection, d'agronomie et de suivi technique. Visite guidée.

Derrière ces dénominations, se cache un travail de longue haleine pour obtenir des variétés françaises de riz, savoureuses et performantes. Le riz ne représente aujourd'hui qu'une consommation marginale en France. Les statistiques avancent 100 gr par personne et par semaine. Mais attention, elle augmente chaque jour, c'est LA céréale qui a le vent en poupe. Sans gluten et avec une valeur nutritionnelle élevée, le petit grain est dans l'air du temps et risque de se tailler une part de plus en plus importante dans l'alimentation des Français et des Européens, sachant que dans de nombreux pays du monde, il y occupe déjà une place de choix. Notre riz camarguais protégé par un IGP, label qui garantit sa provenance, sous l'appellation "riz de Camargue", est le fruit d'un travail incessant dans un contexte difficile.

En effet, la riziculture française se trouve presque exclusivement en Camargue (98%), un milieu fragile et protégé. Les conditions de production y sont particulièrement contraignantes (nappe phréatique salée, températures froides en début et fin de cycle, impacts fréquents du Mistral). Il faut aussi composer avec  un contexte économique peu favorable qui impose aux riziculteurs le respect d'un cahier des charges spécifique (lire aussi).

Le Centre français du riz : un appui technique à la filière

Bertrand Mazel, producteur et président du Centre français du riz, très engagé dans le soutien et le développement de la filière sur le territoire

Pour faire face à toutes ces difficultés, Le Centre français du riz, association loi 1901, a été créé en 1985 à l'initiative des pouvoirs publics et des riziculteurs. Son but : mettre au service de la filière un organisme d'appui scientifique et technique. Il a pour mission de donner aux riziculteurs les moyens de produire un riz de qualité, à coût compétitif, dans le cadre d'une relation harmonieuse avec l'environnement.

Il reçoit le soutien financier de France AgriMer, de la région Grand Sud de France, du Département des bouches du Rhône et est adossé à Arvalis (centre de recherche des céréales français). À noter, l'absence d'aides de la Région Occitanie et des instances de notre département, sachant que 1/3 des riziculteurs sont en Camargue… gardoise.  Son effectif est de 12 personnes dont deux chercheurs, ingénieurs, une contrôleur qualité, un sélectionneur, un technicien supérieur de travaux…

Création de nouvelles variétés

Les variétés de riz  sont répertoriées et rangées dans les casiers d'une "bibliothèque"' du riz camarguais

La recherche variétale représente 50% de l'activité du Centre qui conduit un programme de sélection dans le but de mettre à disposition des producteurs des variétés de riz adaptées aux contraintes du terroir camarguais et répondant au mieux à la demande des marchés.

Pour ce faire, le sélectionneur, croise des variétés existantes jusqu'à arriver à celle qui conjugue toutes les qualités souhaitées. Un travail sur le long terme puisqu'il faut 10 ans (le riz est une plante annuelle) pour obtenir une nouvelle variété. Et il faudra encore 3 ans de plus pour qu'après les vérifications d'usage, l'inscription officielle à l'IGP de cette nouvelle variété de riz puisse se faire. À noter qu'il est aussi très important de garder une diversité suffisante pour répondre à la tendance de consommation.

2 000 variétés à l'essai

Sous vide, ces grains se conservent mieux et sont parfaitement protégés des attaques d'insectes sans qu'il soit besoin de produits chimiques (photo Véronique Camplan)

17 variétés adaptées aux contraintes de production et aux besoins de la filière ont été inscrites entre 2010 et 2017. Aujourd'hui, selon Arnaud Bonnard, sélectionneur au Centre français du riz, 2 000 variétés sont à l'essai, 100 sont prêtes et environ 15 utilisées. À noter que l'une des variétés récemment inscrites a été choisie par un maître brasseur japonais ou  "Toji" pour fabriquer un Nihonshu, ou saké japonais, haut de gamme !

La recherche variétale permet  aussi de protéger les filières en produisant des variétés françaises labellisées, plaçant le riz français à l'abri des troubles que subissent les plantes à parfums et la lavande qui, non protégées par la recherche, voient leurs productions mises en grand danger par la concurrence. Enfin, ces graines  fécondes préservent la France du fléau Monsanto et de ses plants stériles !

Tests et analyses

Cette machine permet de tester la texture du riz à la mastication, ce qui est primordial pour juger de sans tenue selon l'usage auquel il est destiné, par exemple, un grain pour le riz au lait ne doit pas se réduire en bouillie (photo Véronique Camplan)

En laboratoire, on teste les qualités technologiques gustatives et sanitaires du riz. Il est décortiqué pour tester le résistance de son grain qui doit rester entier pour être présentable. Sont mesurés sa valeur nutritive, sa résistance aux invasions d'insectes au climat auquel il sera soumis, mais aussi sa texture grâce à une machine qui mastique artificiellement le riz cuit.

Sur le terrain

Hormis le travail de laboratoire, le Centre expérimente des techniques de cultures qui répondent aux enjeux économiques et environnementaux. Il assure un appui technique aux riziculteurs et diffuse ses acquis. Il engage des études en relation avec des partenaires de la recherche (INRA, CIRAD, Association la tour de Valat) et de gestionnaires, Parc Naturel régional et Réserve nationale de Camargue.

Riz pluriel 

Riz noirs, blancs ou colorés, longs, médiums ou ronds, parfumés : chaque variété correspond à un usage

À chaque variété correspond un usage particulier, le terroir camarguais, son climat et les savoir-faire techniques ont permis la création et la production d'un large choix de variétés : des formats, (ronds, médiums, longs, très longs), des couleurs, (blanc, brun, rouge, noir), ainsi que des états d'élaboration, (complet, semi-complet, blanchi, incollable), des goûts propres à chaque variété (naturellement parfumé), hormis le basmati, qui a besoin de son terroir et de son climat d'origine, toutes les variétés peuvent être produites en Camargue. Aujourd'hui, on utilise aussi certains riz de Camargue en cosmétologie, pour fabriquer de la bière, de l'alcool de type saké, de la farine qui entre dans la composition de plats sans gluten…

Expériences et recherche ne s'arrêtent jamais et chaque jour, au Centre français du riz, on s'applique à trouver de nouvelles variétés qui s'adaptent à l'évolution des habitudes de consommation, au terroir et s'y épanouissent sans rompre les équilibres.

Véronique Palomar-Camplan

Véronique Palomar

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