Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 13.11.2018 - coralie-mollaret - 3 min  - vu 15695 fois

LE 7H50 de Jacques Molénat : « Nîmes est une ville maçonnique »

Dans son nouveau livre Voyage indiscret chez les Francs-Maçons du Midi(*), l’ex-journaliste de l’Express publie ses enquêtes sur la franc-maçonnerie.
Jacques Molénat, ancien journaliste (Photo : Éloïse Levesque)

Avec plus d’un millier de frères et de sœurs, membres du Grand Orient ou de la Grande Loge nationale française, Nîmes est connue pour être une place de la franc-maçonnerie.

Objectif Gard : Vous publiez un livre « Voyage indiscret chez les francs-maçons du Midi. » Avant tout, qu’est-ce réellement la franc-maçonnerie ?

Jacques Molénat : C’est un ordre initiatique. On n'entre pas comme ça dans la franc-maçonnerie (…) Ce sont des « frères », des « sœurs » qui entretiennent des liens intimes, de solidarité et de proximité. À l’intérieur des loges, ils réfléchissent à des thèmes : il y en a exclusivement de spiritualité, de symbolismes. D’autres se concentrent sur le fonctionnement social. Le but étant de s’améliorer soi-même et, ce faisant, d’améliorer l’humanité… Longtemps qualifiée de secrète, on peut dire aujourd’hui que la franc-maçonnerie est discrète. 

Les francs-maçons, leur réel pouvoir, reste un marronnier pour la presse…

Oui, puisqu’il y a tout un aspect mystérieux. Ça nourrit les peurs, les envies et même les fantasmes. Mais les francs-maçons ne dirigent pas le monde ! Ils sont trop divers : en France, il y a cinq ou six obédiences importantes. Certaines sont laïques comme le Grand Orient, d’autres non comme la GLNF (Grande loge nationale française). Il y a des hommes, des femmes, des laïques, des catholiques, des musulmans, des juifs… Il y a des gens allant de l’extrême gauche à l’extrême droite, avec toutefois une prédominance pour les partis modérés. D’ailleurs les Macronistes sont souvent francs-maçons. 

Qu’est-ce que représente la franc-maçonnerie à Nîmes ?

Ça doit représenter à peu près 1 200 franc-maçons. Ce n’est pas exponentiel, mais on peut considérer que Nîmes est une ville maçonnique. Dans le Midi, (Marseille, Toulon, Montpellier et même Toulouse…) il y a eu une tradition du débat. On débat beaucoup dans les loges, d’une manière souvent très disciplinée. C’est aussi dans le Midi que l’on voit les grandes religions dissidentes comme le protestantisme. Et puis, le tempérament méridional est souvent ouvert sur la discussion. On peut ajouter à cela une donnée sociologique : le Sud connaît un fort brassage des populations. Ça entraîne chez les gens une volonté de recherche de repères, de lieux stables où l’on réfléchit calmement. 

Dans votre livre, vous dites que les francs-maçons se plaignent des politiques et hommes d’affaires qui veulent intégrer leur loge…

Oui. Il y a des francs-maçons qui y vont de manière sincère avec l’objectif de se développer personnellement, de débattre de façon désintéressée. D’autres, le font dans un but plus prosaïques, pour faire des affaires ou se faire du réseau. D’ailleurs, quand on est un homme politique, on aime aller dans ces endroits. Il y a des gens importants, beaucoup d’informations circulent… Ça permet d’avoir un coup d’avance.

Toutefois vous avancez que le maire Les Républicains de Nîmes, Jean-Paul Fournier, et le président socialiste du Département, Denis Bouad, ne sont pas francs-maçon ?

Les têtes d’affiche sont rarement francs-maçons. À Montpellier, George Frêche ne l’était pas, mais il s’entourait de francs-maçons. C’est un peu pareil à Nîmes (les adjoints Richard Tibérino, Daniel-Jean Valade…) : les responsables politiques en première ligne n’ont pas besoin de l’être. Et peut-être même que ça les embarrasserait plus que ça ne les arrangerait. Ils seraient toujours soupçonnés d’agir dans l’intérêt de la loge, de leurs frères, plutôt que pour celui de l’intérêt général. Même Philippe Saurel a pris ses distances une fois élu. 

Selon vous à Nîmes, il y a deux grandes loges : le Grand Orient et la Grande Loge nationale. Vous donnez le nom de certains politiques comme l'ex-président du Département, Jean Denat, membre du Grand Orient. Comment avez-vous réussi à le savoir ?

En général, ces gens-là ne le cachent pas. C’est difficile à dissimuler lorsque l’on est un homme public. L’entourage le sait, les collègues le savent, les adversaires aussi.

Qu'en est-il de la députée ex-PS aujourd'hui Macroniste, Françoise Dumas ? 

Elle est au Droit humain, une obédience mixte. À Nîmes, la loge phare du Grand Orient Echo 1 est restée exclusivement masculine. Malgré ce que dit le Grand Orient, les frères nîmois refusent obstinément d’admettre les femmes. Un bastion machiste…

En faisant ce livre, qu’avez-vous voulu montrer ?

J’ai voulu montrer une réalité à l’écart des préjugés et des fantasmes. J’ai voulu une approche humaine. Il y a beaucoup de portraits, environ une cinquantaine. Ils montrent une réalité et humanité très diverse. J’ai aussi voulu parler de différentes affaires, des réseaux, montrer comment ça fonctionne. C’est un livre enquête pas de démonstration.

Avez-vous subi des pressions ?

Non, aucune. C’est d'ailleurs cela la qualité des francs-maçons. Ils peuvent être irrités, agacés, furieux que l’on ait découvert des choses qu’ils voulaient tenir secrètes, mais le fanatisme n’est pas dans leur ADN. Ils restent des gens ouverts à l’autre.

Propos recueillis par Coralie Mollaret

coralie.mollaret@objectifgard.com

*Éditions Cairn, 18 € 

Coralie Mollaret

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