Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 25.11.2018 - veronique-palomar - 5 min  - vu 1217 fois

FAIT DU JOUR Reliure Deschamps, un métier d'Art qui se réinvente

Trente ans que Géraldine et Claude ont repris l'atelier familial qui existe depuis 1855 !
Géraldine et Claude ont fait de leur atelier un univers qui leur ressemble  (photo Véronique Camplan)`

Cette année, l'anniversaire de l'atelier a une résonance particulière. Cela fait 30 ans que Géraldine et Claude Deschamps ont transmis le flambeau. Avant eux, Jean Deschamps, le père de Claude, l'avait acquis en 1968. L'occasion d'évoquer passé, présent et avenir…

L'âge d'or

reliure Deschamps 1er Atelier

Tout a commencé à Nîmes en 1855, lorsque l'honorable Monsieur Margraf fonde l'atelier, Place Questel. "Nous sommes à l'âge d'or de la reliure", précise Claude Deschamps, "à l'époque  tous les livres sont imprimés pour être reliés. Ils sont simplement brochés. C'est-dire qu'il ont des couverture très souples et sont donc très fragiles." Certains livres, comme le Châtiment de Victor Hugo, sont interdits et vendus brochés sous le manteau… Deux générations de Margraf se succèdent dans l'atelier avant qu'ils ne le cèdent à Jean Callerin en 1920. Ce dernier déménage pour la rue Général Perrier.

En 1968, Jean Deschamps se porte acquéreur et installe les locaux boulevard Gambetta. Lorsqu'il prend sa retraite, c'est tout naturellement qu'il remet les clés à son fils. On est en 1988, à l'époque Claude est inscrit à la faculté de Droit et s'y ennuie. Il a passé beaucoup de temps à aider son père mais il se cherche et n'a pas franchement la vocation. Entre le Droit et la reliure, il n'hésite pourtant pas longtemps, et l'amour du métier le gagne peu à peu.

Un an plus tard son épouse le rejoint. Elle est une véritable artiste et ne le sait pas encore... Au départ c'est parce que "pour travailler correctement, il faut être deux," précise  la jeune femme dans un sourire. Ils resteront 10 ans boulevard Gambetta avant de s'installer dans la Grand Rue.

"Au début, se souvient Claude, on reliait des ouvrages de bibliophiles. On restaurait des livres anciens et surtout on reliait  tous les registres des administrations, ceux du Samu, des hôpitaux, les livres de comptes des grandes maisons, les registres des notaires, des cimetières, des chambres de commerce, des syndicats mixtes, les codes civil des avocats…"

Le grand tournant du numérique

Tampon reliure (photo Véronique Camaplan)

Arrive, l'informatisation, le numérique, la dématérialisation… Ce grand tournant va t-il sonner la fin de la reliure ? "On est toujours là, sourit Géraldine. La reliure n'est pas un "vieux métier", c'est un métier qui existe depuis très longtemps. Comme beaucoup d'autres, il évolue, s'adapte se réinvente. Bien sûr, il y a des choses qui ne changent pas. On relie toujours les ouvrages de bibliophile, certains registres toujours tenus à la main, les cimetières, les notaires, Nous sommes les relieurs officiels de l'Académie des Sciences de Nîmes…" Immuables aussi, les gestes, la patience, la précision, la délicatesse d'un travail où l'on doit à la fois restaurer et préserver. Inchangés, les outils en os, les tampons, les cuirs, les toiles, les papiers…

Maroquin, parchemin, peau de chagrin…

Rouge, la peau de chagrin ne l'est pas toujours, en revanche, c'est toujours un petite pièce de cuir de chèvre. Le grain du maroquin est reconnaissable, à la fois solide et noble (noir). Le fin parchemin est parfois veiné, parfois teinté de jaune. C'est du cuir de mouton. Une fois transformé en reliure il a un charme que rien ne remplace et connaît toujours un grand succès (photo Véronique Camplan)

Même si on peut  l'utiliser avec des toiles ou du papier, le cuir reste un incontournable de la reliure. Tous les cuirs de la reliure Deschamps viennent de Paris. Les cuirs de reliures sont tannés spécialement pour permettre la dorure. Ainsi, le "maroquin" est LE cuir pour la maroquinerie et la reliure.

On trouve aussi la peau de chagrin. Un cuir que l'on trouve en pièces de petite taille d'où l'expression," rétrécir comme peau de chagrin". Et puis il y a le parchemin, un cuir de mouton, tanné pour être presque transparent et qui laisse apparaître des veines et des reflets jaunes, et donne lieu à une autre expression, "avoir une peau parcheminée". Ces trois cuirs sont utilisés de façon courante en reliure selon l'effet désiré. Le relieur note toutefois que le parchemin obtient toujours un succès qui défie les modes.

Des papiers cuve main au jean Denim

Reliure Deschamps, papier cuve main (photo Véronique Camplan)

"On avait marre de cuves mécaniques", avoue Claude alors on a décidé de créer nos papiers. Les papiers marbrés à la cuve main font appel à la patience et à un savoir faire assez technique. Une cuve est remplie d'eau. À la surface, on fait flotter des encres de couleur, cette encre est "tirée" avec une baguettes ou un peigne spécial. On pose une feuille à la surface, elle boit l'encre, puis on la rince pour enlever le surplus.

Chaque bain ne peut traiter qu'une seule feuille, ensuite on recommence toute l'opération. Une feuille demande une vingtaine de minutes de travail et chacune d'entre elles est unique. Les papiers imprimés mécaniquement sont réservés aux grandes collections qui se doivent d'avoir une reliure identique pour chaque volume. Pour les exemplaires uniques, on peut choisir un papier cuve main et être sûr d'offrir ou de s'offrir un objet original. On peut aussi en détourner l'usage pour faire des lampes , recouvrir des meubles,  des carnets, des crayons… Bref, laisser libre cours à son imagination. "J'ai même un client qui en fait des panneaux décoratifs", note Claude.

Story board, tablier de chef et correspondance amoureuse…

La reliure, ne s'interdit rien et surtout pas la création (photo Véronique Camplan)

De nouveaux débouchés donc, viennent s'ajouter aux pratiques classiques. Avantages insoupçonné de la dématérialisation, les gens écrivent, impriment chez eux et font relier leur productions personnelles : romans, essais... Une actrice française s'est adressée à l'atelier pour faire relier ses échanges par e-mail avec son amoureux. "Quelques mois plus tard, on a vu dans un journal people qu'ils s'étaient mariés…",  se souvient Géraldine.

Hugh Hudson, le réalisateur britannique auquel nous devons entre autres les Chariots de feu, Greystoke la légende de Tarzan, aime venir en villégiature à Nîmes. Il en profite pour faire relier les story board originaux de ses films. "Quand il était au Cheval Blanc, raconte Claude, le chef Thierry Marx, nous faisait faire ses portes-menus. Un jour il nous a demandé un tablier de chef en cuir gravé… On relie ou on restaure des "livres d'or", c'est comme ça que nous avons vu la signature de la reine d'Angleterre", s'amuse Géraldine. Claude renchérie, "quelquefois, on travaille sur des enquêtes, des documents qui renferment des secret de famille ou des manuscrits rares… On est aussi tenu au secret professionnel…"

Opérations de sauvetage

Une boite en carton peut avoir de la valeur et mériter une restauration. Bientôt, celle-ci aura retrouvé belle apparence et solidité et son propriétaire pourra y replacer l'arme de collection et les munitions qu'elle contient  (photo Véronique Camplan)

La restauration est partie prenante de la reliure. On l'appelle le cartonnage. Et cela va de la boîte au dessus de bureau en cuir, en passant par les coffres ou les malles de voyages anciennes, sans oublier les livres, bien-sûr… Concernant ces derniers, Géraldine tient à tordre le cou à une idée reçue, "on ne relie pas que des livres anciens comme la plupart des gens le croit, on peut relier un livre de poche et en faire un bel objet. C'est un cadeau apprécié parce que très personnel et qu'il accompagne celui qui le possède toute sa vie et même au-delà…"

Aujourd'hui, l'atelier de reliure Deschamps continue à perpétuer la tradition mais s'attache à faire évoluer le métier avec des carnets en Jean Denim, des objets qui détournent les matériaux de la reliure…  Les possibilité sont infinies et le couple n'est jamais à court d'idées et nous en donne de jolies pour les fêtes.

Vernissage, anniversaire …

Reliure Deschamps
Reliure Deschamps

Vendredi 30 Novembre, Reliure Deschamps vous invite à partir de 18h30 à un vernissage à l'atelier pour découvrir les tableaux de Géraldine, et fêter leurs 30 ans de reliure. Reliure Deschamps, reliure et dorure d'Art, 13 Grand Rue à Nîmes. www.reliure-deschamps.com. Les peintures de Géraldine sont visibles  sur sa page FB ou sur son site. www.geraldine-rey-deschamps-peintures.com

Véronique Palomar-Camplan

Véronique Palomar

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