Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 03.12.2018 - anthony-maurin - 4 min  - vu 596 fois

NÎMES « Je suis de ceux qui se battent », avait dit Rossel...

Louis-Nathaniel Rossel n’était ni véritablement un Communard, ni un conservateur, il était raisonnable et réformiste. Il a été fusillé à l'âge 27 ans.
Salve d'applaudissements à la fin de la lecture de l'ultime lettre écrite par Rossel deux jours avant son exécution Photo Anthony Maurin).

(Photo Anthony Maurin).

Rendez-vous était donné au cimetière protestant de Nîmes où avait été enterré en douce Louis-Nathaniel Rossel après son exécution parisienne.

« Cette année il n’y a pas foule mais nous continuons l’action en faveur de la reconnaissance des militants réhabilités il y a deux ans par l’État », note le porte-parole de l’association Gard-Lozère des Amis de la Commune de Paris 1871. Réhabilités il y a peu car contestés durant des années, ces personnages, illustres Français de l’époque, sont tombés dans l’oubli, méconnus aujourd’hui, seuls  quelques érudits se rappellent à leur bon souvenir.

Pourtant, à l’heure des gilets jaunes, ici, que des têtes chenues pour saluer la mémoire de celui qui n’a pas ployé le genou. Louis-Nathaniel Rossel, né à Saint-Brieuc et exécuté à Versailles, est enterré à Nîmes au cimetière protestant aux côtés de sa sœur dont la tombe commence à mal vieillir. « Nous allons demander une autorisation de restauration au cimetière car c’est un lieu privé et nous allons lancer une souscription », avertit un membre des Amis de la Commune de Paris 1871.

Comme chaque année, un texte écrit par Rossel deux jours avant sa mort a été lu, la chanson Le temps des cerises a été chantée dans la foulée et une gerbe a été déposée au pied de la tombe de Rossel. Rossel fut le seul officier supérieur de l'armée française à avoir rejoint la Commune de Paris et à y avoir joué un rôle conséquent.

Les Amis de la Commune de Paris 1871 Gard-Lozère (Photo Anthony Maurin).

Comme le souligne Édith Thomas dans son ouvrage, ce ne sont pas des fées qui se sont penchées sur le berceau de Louis-Nathaniel Rossel, mais des militaires : son père et les deux témoins officiels de sa naissance. Le garçon reçoit une éducation protestante empreinte du respect de la parole donnée, deux éléments qui marqueront toute son existence.

« Son père, comme son grand père, sont des républicains. Il entretient avec sa sœur Bella une longue correspondance. À cette époque où les filles sont considérées comme inférieures à leurs frères, Louis-Nathaniel traite sa sœur en égale et l’aide financièrement pour ses études. Il passe par Polytechnique et devient membre de l’état-major du génie. Pour combattre les Prussiens, il obtient d’être affecté à Metz. Interpellé par le manque d’efficacité de ses chefs, il décide, le lendemain de l’insurrection parisienne, de démissionner et s’installe à Paris. Benoit Malon le nomme, le 22 mars, commandant supérieur des forces du 17e arrondissement , détaille Claudine Rey.

Rossel est rejeté par une partie des Communards et bien évidemment par les Versaillais. Le 28 mai il écrit : « C’est un combat d’avant-garde mal engagé et perdu … » Il conclut à propos de l’insurrection du 18 mars, « on ne tue pas un semblable mouvement… malgré le filet de sang qui coule sans discontinuer dans la Seine  ». Louis-Nathaniel Rossel est arrêté le 7 juin et décline une autre identité mais il est reconnu formellement. Emprisonné à la prison de Versailles il écrit, « tout gouvernement qui aurait pu sauver l’honneur de la France (dans le combat contre la Prusse) aurait eu mon soutien ».

Les tombes de Louis-Nathaniel Rossel et de sa sœur, Bella (Photo Anthony Maurin).

Soutenu par, entre autres, un certain Victor Hugo, Rossel comparaît devant le 4e conseil de guerre qui le condamne une nouvelle fois à mort, à l’unanimité. Rossel est fusillé le 28 novembre 1871. Ses nombreux écrits durant sa captivité éclairent sa personnalité. Sa sœur Bella consacra sa vie à faire connaitre ces textes. Charles de Gaulle lui a même rendu hommage.

Le 28 novembre 1871, à huit heures du matin, Rossel, jeune officier de 27 ans, est conduit sur le plateau de Satory avec l’ancien délégué à la sûreté générale, Ferré, et un ancien sergent, Bourgeois, condamnés à la même peine. Il tombe sous les balles d’un peloton d’exécution choisi parmi son régiment.

La trentaine de personnes présente en cette matinée de 2018 au cimetière protestant est allée par la suite saluer la maison natale de Gaston Crémieux (13, rue du Chapitre), Nîmois fusillé à Marseille lors de la Commune de Marseille. Gaston Crémieux est mort à l’âge de 35 ans, après avoir été avocat, journaliste et écrivain. Il a lui-même ordonné sa mort au son d’un vibrant « Vive la République ! ».

Louis-Nathaniel Rossel.

Retenons quelques phrases de Rossel :

« Le 18 mars, je n’avais plus de patrie. La France s’était effondrée : plus de courage, plus de patriotisme, plus d’honneur. Le 19 mars, j’apprends qu’une ville a pris les armes et je me raccroche désespérément à ce lambeau de patrie. Je ne savais pas qui étaient les insurgés, mais je savais contre qui ils étaient insurgés et cela me suffisait. »

« Je cherchais des patriotes et je trouve des gens qui auraient livré les forts aux Prussiens plutôt que de se soumettre à l'Assemblée. Je cherchais l'égalité et je trouve la hiérarchie compliquée de la fédération. La féodalité des ignares fonctionnaires qui détenaient toutes les forces vives de Paris. Il est un point sur lequel je considère la Commune comme une expérience complète: c'est l'insuffisance des classes ouvrières pour le gouvernement. Il faut que jusqu'à nouvel ordre l'exercice des fonctions gouvernementales reste aux mains de la bourgeoisie jusqu'à ce que le peuple soit suffisamment instruit. »

« Je n’ai aucune prévention pour les Communeux mais j'aime mieux avoir combattu avec ces vaincus qu'avec ces vainqueurs. »

« Je suis de ceux qui se battent. »

« Je ne comptais pas sur le succès, j'obéissais à un devoir politique. »

« Ce n'est pas une chose vaine de se dévouer pour les autres. J'aurais voulu servir ma patrie, je ne fais que mourir pour elle. »

« Les peuples, après plusieurs siècles, se souviennent de ceux qui les ont aimés et qui sont morts pour eux. »

Lettre écrite par Louis-Nathaniel Rossel deux jours avant son exécution (Photo Anthony Maurin).

Anthony Maurin

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