NÎMES Hôtels particuliers cherchent visite particulière
Une fois n’est pas coutume, rendez-vous est pris non pas devant l’illustre Maison carrée mais au pied du majestueux amphithéâtre nîmois. Pourquoi ? À cause de l’École buissonnière. Le nom d’un groupe d’une dizaine de personnes de la région parisienne qui est venu se balader à Nîmes pour y voir quelques beautés.
Le groupe a réservé pour une balade un peu spéciale, une rêverie portant sur les hôtels particuliers de la cité qui devait durer plus de deux heures et être concoctée par Isabelle, une guide conférencière de la Ville.
Ne connaissant rien à l’histoire de Nîmes, le groupe a rapidement besoin d’aide. Isabelle balaie les strates historiques, explique le passé des Nîmois, depuis la création de la ville par les Romains à la richesse de l’industrie du textile. On parle d’Auguste et de Pax Romana, de la chute de l’Empire, des invasions barbares du Moyen-Âge, de la soie et donc des hôtels particuliers en qui résultent. Et hop, on retombe sur les pattes de la visite qui peut enfin démarrer.
Aux arènes, où les parisiens sont surpris de savoir que le site fut le refuge des habitants pendant de nombreuses années, tout est passé en revu grâce aux iconographies qui entourent le monument. Bien expliquée et détaillée, l’histoire est accessible à tous, il suffit de lire un tantinet. « L’amphithéâtre a été utilisé jusqu’au Ve siècle. Il comporte deux niveaux de 60 arcades et pouvait accueillir 24 000 spectateurs. C’est, par la suite, devenu un quartier de la ville quand les invasions barbares ont pris la relève des Romains ».
Le premier arrêt de la visite se fait sur le boulevard Victor-Hugo, place de la Madeleine, où le petit groupe peut voir ce qui passe sous les yeux des Nîmois à savoir le seul vestige du rempart médiéval. Remontant le boulevard, les touristes s’arrêtent devant le bar le Napoléon. « Un endroit sublime où il faudra vous arrêter. Pour le nom, l’empereur n’est jamais venu ici. Nous n’avons pas non plus de lit où a dormi Napoléon par contre nous avons une poignée des cendres du bûcher de Jeanne d’Arc, c’est marqué sur sa statue. Ici, le nom porte celui de Napoléon parce que le premier patron du bar était Corse ».
Arrêt devant le temple romain le mieux conservé au monde : la Maison carrée. « J’aime commencer les visites des hôtels particuliers d’ici car nous avons sous les yeux le résumé de ce que nous allons observer tout à l’heure. Cette merveilleuse décoration a inspiré bon nombre d’hôtels particuliers. La Maison carrée est le symbole de l’âge d’or romain mais nous retrouverons çà et là des motifs doriques, ioniques et corinthiens. Vous verrez aussi des denticules, des frises, des rosaces, des têtes de lions sculptées… » Et c’est vrai que la Maison carrée a imposé sa pureté et son harmonie architecturale aux Nîmois au fil des siècles.
« Allez, on entre dans la vieille ville maintenant ! C’est une zone piétonne et commerçante alors on essaie de rester grouper et de garder un contact téléphonique si on se perd ». Entre la beauté des façades, les yeux levés pour ne rien rater, facile de louper un passage dérobé ou une entrée de porte… Au 18 de la rue de l’Horloge, on retrouve déjà les symboles cités à l’instant. Au 16 de la même rue, les vestiges gothiques d’une maison du XIVe siècle puis du XVIIIe. Au 13, un balcon en fer forgé monogrammé du nom des propriétaires de cet édifice remanié au XVIIIe mais vraisemblablement bâti au XVIe avec une entrée tout en symétrie. « C’est une maison qui appartenait à Jean Nicot, le Nîmois qui a importé le tabac à la cour du Roi de France et qui a laissé son nom… La nicotine ! »
Un arrêt de plus dans la petit rue Fresque, la rue "fraîche" pour les Parisiens. « Le centre-ville a conservé son cachet car il n’y a pas de grandes enseignes franchisées, seuls des petits commerçants travaillent ». Passage obligé devant l’hôtel de Caveirac dont l’entrée est purement d’inspiration dorique.
Au 3 de la rue de Bernis, « Je vais ouvrir l’un des plus beaux hôtels particuliers de Nîmes. L’hôtel de Bernis. » Il est très ancien, pas aligné par rapport aux autres. Les fenêtres extérieures datent de la fin du Moyen-Âge avec une touche de gothique. « La maison appartient toujours à la même famille. On peut retracer son histoire jusqu’au XIIIe siècle. Elle appartient aux Godebski, une famille d’artistes. »
Avec la pluie qui s’est abattue ces derniers jours sur la cité des Antonin, les portes, lourdes et gonflées, ont du mal à s’ouvrir. Mais dès que les gonds sont huilés, le spectacle est magnifié. La cour est aménagée de sorte que les trois monuments antiques de Nîmes y soient représentés. Le rez-de-chaussée avec des arcades semblables à celles des arènes, le temple de Diane au premier étage avec l’alternance de frontons triangulaires et arrondis et, au dernier niveau, corniches et rosaces de la Maison carrée.
« Ce qui est aussi insolite ici, c’est la présence de briques en façade. Dans la région nous n’y sommes pas habitués. Fier du passé romain de la ville ou inspiration de la place des Vosges, à Paris, qui était en pleine construction au XVIIe siècle ? » Petite anecdote sur le cardinal de Bernis… Le monsieur a deux sépultures, une à Rome et l’autre à Nîmes. C’était l'ami d’un certain Casanova et semblait préférer l’ambiance de l’enfer à la chaleur du paradis.
Au 4 de la rue de Bernis, un autre hôtel, celui dit de Boudon. Acheté par un négociant en textile, l’hôtel a connu des hauts et des bas mais est double. Dans ce endroit aujourd’hui très dégradé, le groupe ne pourra s’engouffrer que dans le vestibule et ne pourra visiter ni la cour ni le majestueux escalier suspendu et orné de ferronnerie « rocaille ».
« Les hôtels nîmois ne sont pas achetés par des nobles comme c’est le cas à Paris. C’est la richesse de la soie qui a fait la richesse de Nîmes. Certaines familles sont nées aussi vite qu’elles ont disparu. Nîmes n’avait pas les privilèges royaux comme Lyon. Elle s’est spécialisée dans les étoffes de deuxième catégorie, c’est ce qui a fait la fortune de la ville car elle exportait ses tissus jusqu’au Pérou ! Boudon a fini sa vie criblé de dettes. C’est son frère qui a racheté l’hôtel. »
Direction rue de l’Aspic. Au 14, l’hôtel de Fontfroide, du nom d'un trésorier du roi. Votre serviteur laisser s’échapper son stylo dans les grilles des égouts et détournera un instant le regard du petit groupe, amusé par la situation. Mais les yeux se rivent rapidement sur le magnifique escalier estampillé Jacques Cubizol, premier architecte de renom à Nîmes. Un escalier qui s’enroule voluptueusement sur quatre noyaux imposants.
« Cubizol maîtrise parfaitement la correction optique. D’ici, comme la cour est petite et qu’il manque de recul, on croit que l’escalier a deux étages identiques. C’est faux, le second est en retrait et a une balustrade en plus. C’est théâtral, baroque, tous les espaces sont utilisés grâce à l’encorbellement des balcons. C’est une œuvre majeure. » Il existe à Nîmes un « parcours Cubizol » qui retrace les plus grandes réalisations de l’architecte qui n’était pas un maître-maçon.
Après avoir remonté un temps la rue Auguste Pellet, le petit groupe arrive rue des Marchands pour déboucher sur la place aux Herbes et la cathédrale de Nîmes. Avec une fantastique lumière tombante, la frise médiévale est sublimée. Sur le côté, place de l’Abbé Pierre, le Musée du vieux Nîmes, un ancien palais épiscopal. « C’est un véritable hôtel particulier comme on l’entend à Paris. Le seul de Nîmes à être conçu entre jardin et cour. Pas franchement traditionnel de la région ! »
Rue du Chapitre, au 14, l’hôtel de Régis, datant du XVIIIe siècle. Une fois sa lourde porte poussée, une grande voûte emmène le visiteur dans une petite cour emplie de richesses antiques et historiques. L’escalier est splendide et on retrouve dans cet hôtel différentes phases évolutives de la vie des Nîmois.
Pour finir la visite, le groupe passe par la rue Dorée. Une rue pleine de belles demeures. Au 3, restaurée depuis à peine plus d’un an, une bâtisse néoclassique d’un goût parfait. Un propriétaire passionné a même planté des agrumes dans de magnifiques jarres d’Anduze pour le bien-être des riverains et des papilles de ses invités. Un tel hôtel, avec ses deux vastes cours, ne saurait être visible de l’extérieur… Austérité protestante, pudeur économique.
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