Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 28.12.2018 - veronique-palomar - 3 min  - vu 607 fois

FAIT DU JOUR Des étoiles dans l'assiette

Parenthèse enchantée chez Alexandre à Garons.
île flottante aux truffes de Provence sur un velouté de cèpes des Cévennes (Photo véronique Camplan)

Douceur, élégance, et des surprises enchantées… (Photo véronique Camplan)

En cette période de fête, le moment semble bien choisi pour s'offrir un intermède à l'abri du temps qu'il fait et des temps qui ne sont pas toujours très simples à vivre… Allons rendre une petite visite au chef doublement étoilé Michel Kayser.

Monique et Michel Kayser ont parcouru ensemble un long chemin semé de cailloux et d'étoiles  (Photo véronique Camplan)

Un restaurant gastronomique c'est d'abord un chef. Ceux qui le connaissent bien diront de Michel Kayser qu'il est entre rigueur et poésie. Un paradoxe qui n'en est pas un. "Comme en musique, on peut composer lorsque l'on maîtrise les gammes…".  Discret, Michel Kayser lorsqu'il est en confiance, prend du temps pour expliquer sa cuisine, une passion et un besoin de partager bien plus forts que sa timidité. "J'aime bien employer les mots justes", souffle t-il comme une justification. Et de raconter son parcours qui commence à 13 ans lorsqu'il entre en apprentissage. Puis il y a les débuts, les moments difficiles, la première étoile, Michelin en 1983, puis 2001, quand avec son épouse Monique, il devient propriétaire. En 2007, une seconde étoile marque un tournant. Et toujours un besoin de chercher, une remise en question permanente. L'envie croissante d'être en harmonie avec la nature et de sublimer les produits du terroir. Sa quête il la résume par "la recherche des équilibres." 

"Le terminus d'un voyage"

Escargots du Pays de la Vaunage, Mousseline aux oignons doux des Cévennes en croustille , jus d'herbe infusé de Livèche…  (Photo véronique Camplan)

Élégance, respect des produits, quête de légèreté de finesse, de subtilité des assemblages entre puissance et douceur. Chaque plat raconte une histoire. Prenons par exemple, "l’Aparté de cuisine de l'Homo Habilis en Camargue (-2,4 à -1,6 millions d'années)", un intitulé qui indique en sous-titre "tartare de taureau de Camargue relevé à la truffe d'Alba". Ce taureau-là vient de la manade Saumade. Connaître les producteurs, les aimer, les voir travailler leur produit, une sélection rigoureuse et …poétique. Mais revenons à notre Homo habilis. "J'ai imaginé notre homme avant la découverte du feu, raconte le chef, il chasse mais mange la viande crue en l'accompagnant des produits qui poussent autour de lui". Le taureau vit dans des terres salées, il sera donc conclue une alliance avec l'iode. Le tartare ressemble à un rocher, posé sur de l'algue et accompagné d'une glace à la spiruline, aussi appelée l'algue bleue … Le tout enrichi d'huile d'olive et parfumé de truffes d'Alba, un raffinement qui échappât sans doute à notre ancêtre…

Autre plat, autre histoire…

la "Soupe de palombes et gibiers à plumes accompagnée d'olivette de beurre parfumé au genièvre, copeaux de foie gras de canard cru". Le genièvre, une baie dont les oiseaux se délectent. Il n'y a pas de hasard…

Nous pourrions ainsi raconter chaque assiette, en décrire les saveurs de nuages parfumés, comme les escargots de la Vaunage ou le râble de lièvre rôti et son croustillant qui renferme Une cuisse cuite en civet adoucie à la Reinette du Vigan… Impossible pourtant de ne pas s'arrêter sur une création du chef : l'île flottante aux truffes de Provence sur un velouté de cèpes des Cévennes. Nous voilà terriens, en prise directe avec notre nature, terminus d'un voyage, aboutissement de la recherche des équilibres entre notes fragiles et puissantes…

"Un monde préservé des météorites négatives"

Mettre sa gourmandise en cage …  (Photo véronique Camplan)

Un restaurant étoilé, ce n'est pas seulement une cuisine d'exception, c'est aussi une bulle, une parenthèse de temps arrêté où tout doit contribuer au bien-être. Le personnel d'abord, sommelier, chef de rang, service, noria silencieuse attentive tout en maîtrise élégance et un désir non feint de partage. En cuisine, même esprit. "L'équipe est une famille, dira Michel Kayser, l'excellence est partout, cela demande de la cohésion".  Lorsque l'on rentre dans la salle après une promenade dans les jardins ou tintinnabulent des mobiles de verre et où des voiles tendues frissonnent avec des élégances de soie, on prend place à la table où seul trône, un gros verre de Baccarat.

Une pièce unique pour l'hile d'exception de la Maison Paradis (Photo véronique Camplan)

Place à l'élégance sobre au calme feutré, aux objets uniques comme cet huilier fait sur mesure pour le restaurant par un artisan verrier. Le socle figure la maison carrée et l'huile est contenue dans des branches de verres comme celle de leur arbre … Soin du détail et magie au moment de découvrir l'écrin de gourmandise, une cage de bois elle aussi imaginée par le chef. Pièce unique qui enferme les convives dans un univers où toutes les gourmandises sont permises, de la glace à la réglisse, enchantement d'enfance au surprenant crumble de céleri et truffe blanche, un sablé à l'oignon doux des Cévennes et d'autres voluptés encore…  Le temps d'un repas, se réfugier dans un monde à "préserver des météorites négatives".

Bonheur éphémère ? Pas tant que ça. Comme le voyage, un tableau ou un opéra, l'expérience est une découverte qui vient imprimer notre mémoire, changer notre vision, en suscitant la vue, l'odorat, le goût, pour provoquer de l'émotion.

Véronique Palomar Camplan

Véronique Palomar

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