A la une
Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 19.05.2019 - thierry-allard - 4 min  - vu 17169 fois

FAIT DU JOUR Les gilets jaunes passent à l’action contre la répression et les violences policières

Hier soir, lors de la conférence des collectifs Gilets jaunes, à Bagnols (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Pour la première fois, huit collectifs(*) de Gilets jaunes du Gard, de la Drôme et de l’Ardèche se sont réunis ce samedi soir à Bagnols « pour dire stop à la répression du mouvement social des Gilets jaunes », présente Marjorie Escande, Gilet jaune bagnolaise et hôte d’un soir.

Cette répression passe principalement par les violences policières : un « mur jaune », reproduisant des photos de manifestants blessés, pour certains sérieusement, était affiché dans la salle, et une vidéo reprenant elle aussi des images de blessés a été projetée en préambule de la conférence de presse pour bien poser le sujet. « Depuis le 17 novembre, il y a eu un décès, plus de 2 000 blessés, 24 éborgnés, 5 mains arrachées(**) et pour certains des lésions équivalentes à celles des accidents de la route », lancera Hamida, membre du collectif Article 35 des droits de l’Homme, en lisant la motion rédigée par des Gilets jaunes avec le concours du maire de Saint-Etienne-des-Sorts et président de l’Association des maires ruraux du Gard Didier Bonneaud.

Le maire de Saint-Etienne-des-Sorts et président de l'Association des maires ruraux du Gard Didier Bonneaud était présent (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

C’est là la nouveauté du mouvement : outre l’organisation d’une conférence de presse, la présence et le soutien ouvert d’un élu, qui a donc co-rédigé la motion qui dénonce « des violences physiques et psychologiques, avec des insultes, des menaces, des humiliations » ou encore « un recours abusif des gardes-à-vue (…) des armes chimiques. » À la tribune, Didier Bonneaud estimera qu’il était « important que tout reparte de la base », et que cette motion, si elle était massivement signée par des élus, pourrait avoir un impact. « Si vous n’avez pas le soutien des élus, vous continuerez à être tabassés lors des manifestations », résumera le maire, seul élu dans la salle hier soir.

« Ce sont des armes de guerre »

Les Gilets jaunes ont ensuite passé le micro au neurochirurgien au CHU de Besançon Laurent Thines. Engagé contre les violences policières, le médecin est venu parler du lanceur de balle de défense, le fameux LBD 40, et des grenades de désencerclement GLIF4, « qui sont classifiés comme armes de guerre par toutes les conventions. C’est très grave » Le médecin prendra ensuite l’exemple du LBD 40, « qui lance des balles de 40 grammes à plus de 300 km/h, les blessures équivalent à recevoir un parpaing lacé d’une hauteur d’un mètre sur le visage. » Justement, « les règles d’usage interdisent formellement de viser le visage, la gorge et les parties génitales, or on voit que la plupart des blessés le sont dans ces zones, poursuit le neurochirurgien. on peut se poser la question : pourquoi on vise des manifestants pacifiques sur ces zones vitales, au risque d’entraîner des décès et des mutilations ? » Et des blessures graves : « en tant que neurochirurgien, quand je vois un crâne enfoncé par un tir de LBD 40… Ce sont des blessures très graves, qui entraînent des séquelles, et qu’on voit dans les accidents de la route. »

Le Dr Laurent Thines lors de sa présentation (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Quant aux grenades GLIF4, « elles contiennent 25 à 30 grammes de TNT, ce sont des armes de guerre », lance le médecin, qui voit dans les blessés figurant sur le « mur jaune » « des blessés de guerre, certains sont des ‘gueules cassées’ comme en 14-18. » Alors Laurent Thines « appelle solennellement Christophe Castaner à arrêter l’utilisation de ces armes, et à arrêter le fichage des manifestants. »

« Inverser le rapport de force »

La parole a ensuite été donnée à Guillaume Apparailly, street-médic, membre de l’Observatoire des pratiques policières de Montpellier et observateur pour la Ligue des Droits de l’homme, au coeur des manifestations. « Nous avons sorti trois rapports, et ils démontrent qu’il y a une répression importante du mouvement, sur les manifestants, les photographes, les observateurs et les street-médics », affirmera Guillaume Apparailly. Le militant dénoncera également « un usage non proportionné de la force », ainsi qu’un recours systématique aux comparutions immédiates pour les Gilets jaunes. « Il s’agit d’une réponse pénale qui laisse très peu de temps pour préparer sa défense, sachant que 70 % des peines qui y sont prononcées comprennent de la prison ferme. » Autant de moyens « utilisés pour faire peur, casser le mouvement et in fine remettre en question le droit de manifester et la liberté d’opinion, c’est grave », estime Guillaume Apparailly.

« Il est urgent d’agir, lancera ensuite Sandrine Tortosa, du collectif Tous unis contre l’injustice et les violences 30 (TUCIV30), qui co-organisait la conférence. Plus la motion sera soutenue, plus nous serons entendus et nous pourrons inverser le rapport de force. » Un rapport de force que Didier Bonneaud verrait bien passer par les urnes, aux municipales de l’année prochaine : « je vous invite à intégrer les conseils municipaux de vos communes, si vous prenez les communes, vous prenez les territoires. » Une position partagée par le référent Bagnolais des Gilets jaunes Jérôme Jackel, qui précisera que « la structuration du mouvement est en cours dans le Gard. » De quoi devenir une force politique ?

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

Et aussi : 

Du travail ! : plusieurs collectifs, dont TUCIV30 ont profité de la conférence pour présenter leurs travaux, avec des propositions sur la micro-taxe (dont nous avons déjà abordée ici) ou encore la transition écologique, avec l’utilisation de la biomasse, du carburant E85, la mise en place de la taxe sur le kérosène ou encore la création d’une Banque européenne pour le climat. Sur le pouvoir d’achat, le collectif revendique entre autres l’exonération de la TVA sur les produits de première nécessité, le SMIC à 1 500 euros nets ou encore la gratuité des transports en commun. Des mesures qu’il compte financer en supprimant les niches fiscales, en récupérant l’argent de la fraude fiscale encore la mise en place de la taxe Tobin sur les transactions financières.

(*) L’association Les Amis du 17 Novembre regroupant les collectifs Gilets jaunes TUCIV30 (Tous unis contre l’Injustice et les violences 30), Les Trois Saint, Bourg saint Andéol, Codolet pour la Justice et la non-violence, Malataverne, Viviers, Aubenas, le collectif Gilets jaunes du Gard Rhodanien à Bagnols et Le collectif Gilets jaunes Article 35 des Droits de l’Homme. Ces collectifs sont soutenus par le Collectif des Sous-marins jaunes.

(**) Ces chiffres correspondent à ceux du journaliste David Dufresne, qui suit cette question depuis le début du mouvement social des Gilets jaunes le 17 novembre dernier. 

Thierry Allard

A la une

Voir Plus

A la une

Voir Plus

En direct

Voir Plus

Studio