Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 08.06.2019 - thierry-allard - 4 min  - vu 1412 fois

FAIT DU JOUR À la centrale nucléaire du Tricastin, les grands travaux débutent

Vue de la centrale du Tricastin (Photo : Crespeau / EDF) - Cyril Crespeau

Le directeur de la centrale du Tricastin Cedrick Hausseguy (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

La centrale nucléaire du Tricastin approche de son quarantième anniversaire. Ce mastodonte de la production électrique, qui produit 25 milliards de KWh par an, soit la consommation de 3,5 millions de personnes, entre dans une période de dix ans de gros travaux.

Il a tout juste 39 ans,le 31 mai 1980, le réacteur numéro un de la centrale du Tricastin a été mis en service par EDF, quelques mois avant ses trois voisins, tous de 900 MegaWatts, et qui forment à eux quatre la centrale nucléaire. Or dans le nucléaire, les installations font l’objet de visites décennales qui, comme leur nom l’indique, sont effectuées tous les dix ans avec un objectif prioritaire : « Rehausser le niveau de sûreté de l’installation », présente le directeur de la centrale, Cedrick Hausseguy. Pour ce faire, trois ans de préparation ont été nécessaires pour cette visite décennale qui a débuté le 1er juin dernier par l’arrêt du réacteur numéro 1.

Un chantier d'une ampleur inédite

Ce réacteur est le tout premier réacteur de 900 MegaWatts du parc nucléaire français à atteindre cette quatrième visite décennale, qui marque un anniversaire particulier, celui des quarante ans, date butoir fixée à la construction des centrales nucléaires françaises. « Une centrale nucléaire en France n’a pas de limite d’âge en terme technique ou d’autorisation de fonctionnement », précise toutefois le directeur du Tricastin, mais les quarante ans restent un cap. L’enjeu est donc « de poursuivre l’exploitation de dix ans sur cette tranche 1 », note Cedrick Hausseguy. Il faut donc prouver à l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, que le réacteur peut fonctionner au bas mot dix ans de plus, tout en améliorant sa sûreté. Un sacré challenge.

« C’est un chantier d’une ampleur unique, comme on n’en a jamais connu sur ce site », présente Cedrick Hausseguy. Cinq mois et plus de 5 000 personnes, en comptant EDF et ses sous-traitants, seront nécessaires pour mener à bien cette visite décennale qui s’inscrit dans le cadre du programme "Grand carénage", qui comprend des travaux colossaux sur les centrales EDF en vue de prolonger leur exploitation. Le "Grand carénage" c’est, rien que pour Tricastin, « 1,6 milliard d’euros sur dix ans », précise le directeur.

Une somme pharaonique, qui représente la moitié des investissements globaux de la période pour le site, qui doit ruisseler à hauteur de 800 millions d’euros en achats régionaux sur la Drôme, l’Ardèche, le Vaucluse, les Bouches-du-Rhône et donc le Gard. Tous ces départements ont un lien économique avec la centrale, qui fait travailler 2 000  salariés, et vivre 12 000 personnes en tout.

Revenons à notre visite décennale : elle va d’abord consister en le rehaussement de la sûreté du site. Concrètement, « nous allons déployer des modifications sur l’installation en complément de celles déjà installées, en intégrant le retour d’expérience de Fukushima », présente le directeur. Sur cet aspect, « nous allons installer des sources électriques et de refroidissement supplémentaires pour garantir en permanence et en toute circonstance le refroidissement », poursuit Cedrick Hausseguy.

Ça passe par l’installation d’un matériel fait pour résister aux séismes les plus importants, placé en hauteur pour éviter le risque de submersion. Par ailleurs, un stabilisateur de corium va être bâti sous le réacteur 1. Un ouvrage considérable dont le principe est simple : « Si nous avions une fusion du réacteur, même si la probabilité est très faible, ce stabilisateur permettrait de récupérer le combustible et de le confiner », explique le directeur.

De lourds travaux

Un récipient amélioré, en somme. Par ailleurs, le confinement du bâtiment réacteur va être renforcé. « Nous allons installer un dispositif d’échangeurs avec des recombineurs d’hydrogène pour faire baisser la pression et éviter les rejets gazeux en cas d’incident ou d’accident », poursuit Cedrick Hausseguy.

La machine d'inspection de la cuve en pleine action (Photo : Crespeau / EDF) • Cyril Crespeau

Par ailleurs, cette visite décennale va aussi être l’occasion de faire un check-up complet du réacteur, toujours dans le cadre du "Grand carénage". Ainsi, la cuve va être inspectée par un robot à l’aide d’ultrasons et de gammagraphie, les circuits hydrauliques primaire et secondaire vont être mis en pression pour vérifier leur étanchéité, tout comme l’enceinte de confinement, qui sera gonflée en air à plus de 5 bars.

De quoi s’assurer que « l’enceinte est étanche et intègre pour dix ans supplémentaires », note le directeur. Enfin, la visite décennale sera aussi le moment de mener un troisième ensemble de travaux, côté maintenance. Ainsi, le rotor de l’alternateur du réacteur sera remplacé. Il ne l’avait pas été depuis vingt ans et des travaux sur les tambours filtrants de la station de pompage seront menés, entre autres. 

Bref, si « lors de toutes les visites décennales nous rehaussons le niveau de sûreté, sur cette visite des quarante ans nous franchissons un stade de sûreté à la hausse très important », résume Cedrick Hausseguy. Histoire aussi de prouver que bien que presque quadragénaire, la centrale du Tricastin n’est pas en fin de vie. Car un autre enjeu se profile : l’arrêt annoncé par le gouvernement de 14 réacteurs nucléaires de 900 MegaWatts d’ici à 2035 pour respecter l’objectif de tomber à 50 % la part du nucléaire dans le mix énergétique français.

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

Et aussi :

Le nucléaire, toujours rentable ? Oui, d’après les chiffres d’une étude européenne cités par Cedrick Hausseguy. Le nucléaire français coûte 48 euros par MegaWattHeure produit, un chiffre qui va bondir de 2,5 euros avec le "Grand carénage". Le photovoltaïque est à 60 euros le MegaWattHeure, l’éolien terrestre à 80 euros et l’éolien offshore à 150 euros. Seule la production hydroélectrique est moins chère que l’atome, et de loin : 17 euros le MegaWattHeure. Côté CO2, le nucléaire est bien placé, avec 6 grammes émis par MegaWattHeure, contre 60 grammes pour le photovoltaïque et 15 grammes pour l’éolien terrestre et offshore. Là encore, seule la production hydroélectrique fait mieux, avec 4 grammes de CO2 au MegaWattHeure.

Du soleil ! La centrale nucléaire du Tricastin va prochainement produire de l’énergie… solaire. « Après la visite décennale, nous allons construire des ombrières solaires sur les parkings et sur les toits de certains bâtiments », annonce le directeur du site. Plus de 4 000 m2 de panneaux sont au programme, pour produire un peu moins de 3 MegaWatts par an.

Thierry Allard

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