Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 14.08.2019 - anthony-maurin - 4 min  - vu 837 fois

GARD Maison ouverte pour Euzéby et compagnie

Tourner en rond dans un univers rectangle (Photo Anthony Maurin).

Russan, sa place de la Fontaine où trône un griffe et, derrière, l'ancien bistrot des Euzéby. L'exposition est sur la gauche à 50 mètres (Photo Anthony Maurin).

À Russan, Sophie Calle, Gérard Lattier et Philippe Favier s’invitent chez Lilian Euzéby pour une exposition d’art contemporain d’exception.

« Rien que des cendres » tel est le nom de l’exposition d’art contemporaine qui se tient à la maison Euzéby à Russan jusqu’au 30 août. Des cendres pour monter. Monter pour revenir sur terre et délicatement s’y perdre dans des anecdotes, des histoires, des questionnements et des tourbillons de vie.

Lilian Euzéby, hôte et artiste, est un gars un peu spécial, unique en son genre. Entrez chez lui pour mieux le comprendre. Russan, un petit village au bord des gorges du Gardon et des méandres de la vie locale. Sur la place, un griffe. Derrière, à une cinquantaine de mètres, une maison en retrait, un portail vert entrouvert et une cour ombragée. En son centre, une table où se reposent quelques livres d’art. C’est parti, plongez et ouvrez les yeux.

Une salle où sont exposées les petites siestes de Lilian Euzéby, ici les présentant (Photo Anthony Maurin).

« Ma famille est à Russan depuis cinq siècles et les autres dernières générations ont tenu un des deux bistrots du village. À cette époque, on se connaissait tous et c’est sympa de renouer avec ces moments de partages pendant l’exposition. Ce monde clos est rassurant ! Dans cette maison, il y a toujours eu des bodegas pendant les fêtes, on s’y est toujours senti bien alors on en fait profiter les amateurs… », avertit Lilian Euzéby. Avec lui pour cette exposition, Sophie Calle, Gérard Lattier, Philippe Favier et lui-même tout de même.

Une vanité signé Favier (Photo Anthony Maurin).

Commençons par les deux premiers. Quand l’une vit entre Paris et les salons intellectuels métropolitains, l’autre est dans sa tanière de mazet poulxois avec son chat. C’est peut-être cet aspect félin de leur vie qui les a rapprochés car l’union n’était pas facile à trouver ! À ce cartel déjà en-dehors de la norme, le visiteur de la maison pourra donc voir d’autres artistes parsemer de leurs œuvres les coins et recoins de ce tout petit domaine pierreux.

Émouvante estampe de Sophie Calle disponible à 50 exemplaires (Photo Anthony Maurin).

« Je voulais mélanger et présenter Sophie Calle et Gérard Lattier. Je les aime tous les deux, ils représentent deux mondes similaires, ils sont universels mais très différents. Il l’a adoré, elle lui a acheté une œuvre, bref, ils ont accroché ». Sophie Calle est une touche-à-tout qui réussit tout ce qu’elle touche. Fille de Bob Calle, elle est connue et reconnue dans la région et aime s’y retrouver loin de sa vie de façade. Ici, elle est elle-même et chez Lilian elle est à la maison. Pour Lattier, c’est une autre sauce mais la mayonnaise a pris !

Sophie Calle a une présence accrue et unique à la fois. Elle a spécialement créé une estampe pour la Maison Euzéby, uniquement visible sur place et simplement disponible à cinquante exemplaires. Une grille de mots croisés peu ordinaire dont on vous racontera l’histoire touchante, évidemment.

Dans la chambre de Lilian Euzéby, les Lattier (Photo Anthony Maurin).

Gérard Lattier a déplacé de son atelier une dizaine d’ex-voto, mélange d’anciennes et de nouvelles rêveries réelles. Les couleurs du sud, les anecdotes d’un village camarguais, la vie quotidienne comme on l’aime et une imagination torturée de beautés et de vérités. Un cordonnier cocu par un gendarme, une vieille outrée par les postérieurs exhibés d’un édile et de sauvageons, une femme partie trop tôt, une pêche miraculeuse… Le tout avec une pointe d’humour, surtout dans les moments dramatiques de ces vies. Cette pièce dédiée à Gérard Lattier est aussi la chambre à coucher de Lilian Euzéby !

Encore quelques Lattier, toujours à l'étage (Photo Anthony Maurin).

Après Calle et Lattier, Favier. « C’est notre douzième édition et Philippe est un habitué. J’adore son travail depuis mes 18 ans, c’est grâce à Claude Viallat, qui est toujours omniprésent ici, qu’on se connaît et depuis c’est devenu un copain. Il y a des très petits formats très précieux. Des vanités et des soutiens-gorges », poursuit Lilian Euzéby. Des œuvres très travaillées, lisibles et colorées. Le noir est là, mais la palette mortuaire laisse vite la place à l’imaginaire vaniteux. Les morts jouent, aiment, vivent une vie touchante.

Et Euzéby, qu’a-t-il à présenter dans son onirique maisonnée ? Un travail intérieur, forcément. Mais un travail inspiré par l’œuvre tourbillonnante de Jorge Luis Borges. Trente labyrinthes, un rêve empierré et un triptyque monts ou mers le tout dans une vaste pièce remisée mais surplombant la cour de la mignonnette maison de famille. Ajoutez dans l’écurie de l’âne (ou du cheval il y a débat dans la famille) quatre petites siestes où l’artiste a croqué l’ultime moment et où le regard du dormeur balaie les branchages, les ombres et la valse solaire à travers cet univers lumineux.

Lilian devant ses œuvres labyrinthiques (Photo Anthony Maurin).

Pour la salle principale et le gros de son expo, « c’est un hommage à Borges. Le 15 août je sors un livre monographique intitulé "D’eau et de nuit", on pourra y retrouver mon travail, des peintures récentes mais aussi les mots de huit ou neuf contributeurs qui sont aussi des amis, c’est bien ! » Le recueil fait 150 pages et a été édité à Nîmes.

Revenons au travail labyrinthique. Trente tableaux dont la temporalité est le centre. Le cheminement de l’âme à travers les épreuves, les âges et les raisonnements. Comme pour l’Aleph de Borges (et le cercle d’Euzéby), la métaphysique n’est pas oubliée. Du fantastique, du poétique et donc de l’unique.

Sous les ombrages de la petite cour, un peu de lecture et de belles œuvres (Photo Anthony Maurin).

En tout, 80 œuvres sont incluses dans cette belle petite exposition. Peu par rapport à d’habitude penseront certains. Que nenni car la clarté n’enlève rien à l’affaire ! Mais attention, bientôt on pourrait bien retrouver cette maison noyée sous l’art de ses fondations à son faîte. Au fait… Regardez bien dans les angles, laissez vos yeux rouler et circulez presque librement dans la maison à la recherche de bouts d’art contemporain. Soyez attentif, il y a de quoi faire et de quoi voir comme par exemple une sublime lithographie de Max Jacob datant des années 1930…

Expo d’art contemporain à la Maison Euzéby, 6 Place de la fontaine, ouverte du jeudi au dimanche de 11h à 13h puis de 16h30 à 19h30 ou sur rendez-vous au 06.09.74.76.36.

Dans le registre des soutiens-gorges, Favier exprime un petit monde délicat mais très masculin (Photo Anthony Maurin).

Anthony Maurin

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