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Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 17.08.2019 - philippe-gavillet-de-peney - 4 min  - vu 303 fois

FEUILLETON DE L'ÉTÉ Sixième épisode de "L’Été de la miséricorde"

Chaque samedi de l'été, à 11h30, Objectif Gard vous donne rendez-vous avec votre saga estivale.
Le centre-ville d'Anduze. Photo Tony Duret / Objectif Gard

(Photo : Philippe Gavillet de Peney/Objectif Gard)

Durant l'été, Objectif Gard vous propose de découvrir pendant huit semaines un feuilleton inédit qui se déroule au cœur du Gard ! Le sixième épisode est à lire maintenant...

L'été s'écoulait en pente douce et, depuis ce fameux soir où il était tombé en panne avec sa voiture, cela faisait déjà maintenant trois semaines que Juan vivait sous le toit de Julia avec les enfants. Dès la première nuit, ils avaient succombé à leur attirance mutuelle. Suivie de nombreuses autres, cette première nuit avait été aussi torride que la touffeur estivale pour les deux amants, depuis trop longtemps sevrés d'affection et de contact charnel. Depuis les tourtereaux filaient le parfait amour avec pour seuls témoins de leur bonheur mutuel Timéo et Samantha qui avaient totalement adopté Juan.

Et bien que sa voiture ait été entre-temps réparée, ce dernier ne semblait pas pressé de repartir chez lui. « Tout cela va trop vite », avait pensé Julia au lendemain de leur première nuit d'amour. Avant de se rappeler la promesse qu'elle s'était faite : Carpe diem. Vit pleinement le jour qui passe. Elle se promit bien ne ne plus l'oublier...

Entrecoupées de visites à Marthe et à Roger et d'allers-retours au bourg pour le ravitaillement, entre remise en état du jardin et réaménagement du mas, les journées passaient à la vitesse de l'éclair. Grâce aux efforts conjugués de ses occupants, désormais bien plus pimpant, le mas et ses dépendances avaient rajeuni de 50 ans. Confiée aux bons soins de Sam et Tim, la vaste cour avait été soigneusement balayée et débarrassée des vieilles feuilles de figuier qui l'encombraient. Elle accueillait désormais une vieille table en fer forgé et ses quatre chaises, dénichées par Julia dans le grand hangar. Le hangar à fourrage...

En en poussant la lourde porte, Julia avait dû surmonter une nausée. Prenant son courage à deux mains, plus décidée que jamais à exterminer définitivement ses fantômes, la jeune femme avait pénétré dans l'imposant bâtiment d'un pas déterminé. Rien n'avait changé et tout était resté en l'état. Hormis un détail, mais d'importance. Le cadavre de sa mère ne se balançait pas au milieu de la poutre maîtresse comme elle l'avait trouvé il y a vingt ans.

Julia n'avait jamais compris le suicide de sa mère. Et d'ailleurs comme aurait-elle pu ? Après avoir déjà perdu son père, elle s'était retrouvée privée de l'unique figure familiale qui lui restait. Égoïstement, elle en avait beaucoup voulu à Marie mais, si elle n'avait pas compris, elle avait pardonné d'autant plus facilement que les confidences de sa tante Gisèle lui avait ultérieurement offert de découvrir une mère qu'elle ne connaissait pas à travers des anecdotes touchantes de complicité juvénile. Un portrait très éloigné de celui de la femme au regard triste et à la mine fatiguée qu'elle avait vu s'échiner seule durant des années pour survivre chichement...

« Galinette ! Ma petite ! » Précédée de sa voix caractéristique, Marthe pénétrait dans la cour, un papier en osier débordant de courgettes et de tomates sous un bras et sa canne dans une main. « Je t'ai aussi mis des gros oignons, un pèbre d'aï et un bouquet de thym. Tu pourras faire une ratatouille. »

« Merci Marthe. J'en ai déjà fait hier mais c'est d'accord. À condition qui vous veniez la manger avec nous Roger et toi. »

« Et avec Juan... », glissa malicieusement la rouée aïeule qui n'aurait pas manqué une aussi belle occasion de taquiner Julia.

« Oui, avec Juan. Tu es sotte... C'est un peu ta faute, c'est toi qui a fait rentrer le loup dans la bergerie. »

« Peut-être mais ce n'est pas moi qui le régale de petits-plats et qui lui fait des gâtés jusqu'à n'en plus finir ! Ah ! pendant que j'y songe, j'ai retrouvé des vieux outils qui appartenaient à Juvénal. Je voudrais te les rendre. Il me les avait confiés un temps mais ils sont à toi. »

« Des outils de mon père ? On verra plus tard... Pour l'instant, je n'en ai pas besoin. Dis-donc Marthe, tu le connaissais bien mon père ? »

La mamie ne tergiversa pas. « Oui, plutôt bien. Tu sais, il était originaire d'ici tout comme moi. Je l'ai toujours connu. Jeunes, lui et Roger étaient copains comme cochons. Ils ont fait pis que pendre avec leurs bêtises. Ils étaient inséparables. Ils allaient pêcher ensemble. Ils ont même cherché de l'or dans le Gardon ! »

« Et ils en ont trouvé ? »

« Pas que je sache. En tout cas, sûrement pas assez pour que ça change leur vie », ricana Marthe, sarcastique.

« Et mon père... Tu... Tu en pensais quoi ? Tu l'aimais bien ? », s'aventura Julia.

Triturant nerveusement un tablier qui avait dû jadis être blanc, la vieille femme prit le temps de la réflexion avant de sortir de son mutisme. Et c'est comme à contrecœur qu'elle avança un timide mais sentencieux « Juvénal était brave » parfaitement abscons qui laissa Julia sur sa faim.

« Brave ? Qu'est-ce que ça vient faire là ? », insista-t-elle. « J'ai l'impression quand même que tu ne le portais pas vraiment dans ton cœur... »

« Je ne veux pas salir la mémoire de Juvénal. Ton père avait beaucoup de qualité : il était courageux, travailleur et honnête. Mais il était aussi parfois ombrageux et colérique. Il pouvait passer du calme à la colère la plus noire pour des broutilles. Ta mère en savait quelque chose... »

« Il la battait ? »

« C'est arrivé, malheureusement. Et plus d'une fois même s'il regrettait chaque fois... »

« D'après toi, comment a-t-il pu disparaître du jour au lendemain ? »

Marthe balaya la question d'un revers de manche et agita sa main en effectuant des moulinets, ce qui dans son langage corporel signifiait que la conversation trouvait là son terme et qu'il n'était pas question d'y revenir.

Tout juste Julia l'entendit-elle lorsqu'elle lâcha dans son menton un « plus tard, Galinette, plus tard... » des plus mystérieux qui fit surgir aussitôt bien des questionnements chez la jeune enseignante... (à suivre la semaine prochaine, même jour, même heure)

Philippe GAVILLET de PENEY

Philippe Gavillet de Peney

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