Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 05.09.2019 - thierry-allard - 4 min  - vu 1697 fois

BAGNOLS Le débat sur les déchets nucléaires tourne au pugilat

Hier soir, lors du débat à Bagnols (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

La salle multiculturelle de Bagnols était pleine, hier soir, pour le débat organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP) sur le nouveau Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR).

Et le moins qu’on puisse dire, c’est que la soirée a été agitée : dès les premières secondes, une dame âgée très élégante mais aussi très énervée se mettra à contester bruyamment la tenue du débat, le qualifiant entre autres de « messe ». Le Monsieur Loyal du soir tentera de poursuivre le déroulé prévu de la soirée, à savoir une série de présentations de l’ANDRA (l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), de France nature environnement, du CEA, de l’Autorité de sûreté nucléaire et de l’Autorité de sûreté nucléaire défense. En vain.

Très vite, la dame âgée a été rejointe par d’autres voix, disséminées dans tout le public. « Est-ce que les débats publics peuvent faire changer les décisions prises ? », lance une dame. « Qu’est-ce qu’on fait des déchets ? On en a partout ! », renchérit une autre. Le Monsieur Loyal aura beau rappeler que la CNDP est « neutre et indépendante » et qu’elle ne « prend pas partie dans le débat » qui visait à « apporter des informations contradictoires », rien n’y fera.

« Tout est déjà bouclé ! », « c’est un mensonge, vous faites croire à la démocratie ! », lui rétorqueront plusieurs membres de l’assistance. « À la Commission, nous croyons que c’est possible », rétorquera le maître de cérémonie, sans convaincre les concernés.

« Débat public, débat bla-bla »

L’agitation était déjà très palpable, mais pour autant les organisateurs prenaient le parti de tenter tout de même de dérouler le programme prévu. Aurélien Louis, sous-directeur industrie nucléaire au ministère de la Transition écologique, à la direction générale de l’énergie et du climat, prendra ainsi le micro.

Malgré l’amplification du son, on n’entendra rien ou presque de son discours, couvert par les applaudissements nourris d’une partie de la salle. Tout juste aura-t-on entendu que le PNGMDR était « un outil de transparence en matière de gestion des déchets radioactifs », un « document prescripteur révisé tous les trois ans ». Les applaudissements redoubleront lorsque le haut fonctionnaire affirmera que « la rédaction du plan à venir n’a pas encore débuté, ce qui va sortir du débat sera un élément essentiel dans sa rédaction. »

Pas de quoi convaincre les opposants disséminés dans la salle, entre les élus et le mundillo du nucléaire local. Lesdits opposants invectiveront les organisateurs sur le sujet de Bure, où le site d’enfouissement des déchets nucléaires fait pour le moins débat, accuseront « la société nucléaire (d’) achete(r) les consciences ». Un autre membre de la CNDP insistera sur la « neutralité » de la Commission, en voulant pour preuve le fait que « nous avons préparé des exposés qui ne sont pas tous pro-nucléaires. » Encore heureux…

Sous les « débat public, débat bla-bla », entonnés dans la salle, Damien Girard, maire de Moronvilliers, dans la Marne, et membre de France nature environnement, prendra le micro. Sur sa commune, le maire a un ancien site d’expérimentation du CEA. On n’entendra rien de son exposé, les applaudissements se poursuivant. Le maire sera même accusé de « cautionner un déni de démocratie » et se défendra en affirmant qu’il combattait le site se trouvant sur sa commune. « Je suis fiché S car j’ai manifesté à Bure. Je ne vous ai pas rencontré là bas », finira par lancer l’élu, excédé, à ceux qui l’invectivaient. Ambiance.

Personne ne s’écoute

Le maire finira par se rasseoir, avant que le micro ne se mette à circuler dans le public, les organisateurs actant le fait que le programme prévu avait vécu. C’est alors qu’un homme se présentant comme un anti-nucléaire lira un communiqué signé du collectif Halte aux nucléaire Gard, ADN07, ADN 26, ADN 34, Attac Alès et des Gilets jaunes intitulé « Pourquoi nous perturbons ce débat ? »

« À quoi bon débattre quand tout est déjà décidé ? », lancera-t-il, arguant du fait que en 2005 et en 2013, les consultations citoyennes sur Bure n’avaient pas été écoutées. « À aucun moment n’est proposée l’option de renoncer à l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure, projet pourtant terriblement dangereux et insécurisé », poursuivra le militant, avant de dénoncer des données « fausses, incomplètes et partiales » sur le volume des déchets.

Bref, « ce cycle de débats n’est qu’un enfumage orchestré pour rassurer les populations et légitimer le recours à l’énergie nucléaire ! finira par lancer l’homme au micro. À aucun moment n’est proposée l’option de ne plus produire de déchets nucléaires ! » Il ira jusqu’à qualifier le nucléaire de « crime contre l’humanité. »

D’autres citoyens présents finiront par s’agacer, l’un demandant « pourrait-on avoir un débat, merci ? », et un autre enjoignant les "antis" à « écouter les autres. » Une autre regrettera la tenue de la soirée, car elle était « venue pour (s’)informer. » Raté. On finira par entendre un pro-nucléaire, qui estimera que « le meilleur traitement pour les déchets radioactifs, c’est d’en produire le moins possible, et pour ça il faut construire des réacteurs à neutrons rapides. » Sous les huées copieuses d’une partie de la salle, l’homme glissera un « voilà » satisfait. L’illustration parfaite d’un « débat » où personne ne s’écoute, et dont l’utilité dans ces conditions reste à prouver.

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

Et aussi :

La réaction du député LREM de la troisième circonscription du Gard Anthony Cellier, présent hier soir : « Les Français demandent de la démocratie participative. Un débat démocratique est organisé et il est phagocyté par des gens qui refusent la participation et l’expression des citoyens. Beaucoup de gens ont fait le déplacement et on les empêche de débattre, c’est anti-démocratique. »

Celle de Geneviève Sabathé (France insoumise) : « Le groupe d’action "Bagnols insoumise" a toujours soutenu une démarche anti-nucléaire, mais nous avons regretté de ne pas avoir pu discuter hier soir en raison de la violence que génère ce genre de sujets. »

Celle de Claude Roux, élu d’opposition à Bagnols : « C’est ça la démocratie ? C’est très dommage. »

Celle de la CGT Orano cycle Marcoule, de la CGT CEA Marcoule, de la CGT Orano cycle Melox et de l'union locale CGT du Gard rhodanien (extrait) : « Nous ne pouvons que déplorer que des personnes se présentant sous l’égide d’organisations antinucléaires ont empêcher la tenue d’un débat constructif, démolissant au passage les règles élémentaires de démocratie. Les syndicats CGT (OC Marcoule, CEA Marcoule, et OC Melox) et L’union locale CGT du Gard Rhodanien respectent l’ensemble des positions mais ne peuvent accepter le mensonge qu’il provienne des industriels, de l’Etat ou des antinucléaires. »

Thierry Allard

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