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Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 20.09.2019 - thierry-allard - 6 min  - vu 892 fois

FAIT DU JOUR Édouard Philippe vient caresser les maires des petites villes dans le sens du poil

Pas moins de cinq membres du gouvernement assistaient hier aux Assises des petites villes de France, organisées au Pont du Gard.
Le Premier ministre, Édouard Philippe, hier aux Assises des petites villes de France (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Le Premier ministre, deux ministres et deux secrétaires d’État : c’est peu dire que le Gouvernement a envoyé l’artillerie lourde aux Assises des petites villes de France, hier au Pont du Gard.

Il faut dire que, à six mois des municipales, les enjeux sont de taille dans ces communes de 2 500 à 25 000 habitants où vivent près de 40 % des Français. Des communes où la grogne s’est faite sentir plus qu’ailleurs, du côté des citoyens avec les Gilets jaunes, et du côté des élus, qui ont subi ces dernières années d’importantes baisses des dotations de l’État.

Autant dire que les sujets ne manquent pas pour ces assises organisées par l’Association des petites villes de France dont le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, Olivier Dussopt, présent hier, est l’ancien président. Une association qui se présente par la voix de son président, Christophe Bouillon, comme « indépendante, exigeante et constructive ». Elle a donc invité 450 maires à débattre durant deux jours de la mobilité, du vieillissement, de l’égalité des chances, de la revitalisation des centres-bourgs, de la mobilité verte ou encore de la maîtrise de la métropolisation.

« La France du back-office »

Autant d’intitulés qui ne font qu’effleurer les problématiques rencontrées dans ces villes, qui sont « un peu la classe moyenne des communes », lancera le président du Département du Gard, Denis Bouad. Un département qui compte 66 communes comprises entre 2 500 et 25 000 habitants. « Un peu la France du back-office » renchérira Christophe Bouillon. Des communes « prises dans la fracture entre le rural et l’urbain » poursuivra le président du Département.

De quoi donner le ton des discours qui précéderont l'intervention du Premier ministre. Ainsi, le maire d’Uzès Jean-Luc Chapon parlera de villes « qui doivent unir leurs forces pour ne pas être absorbées par la recentralisation insidieuse que nous connaissons ». Denis Bouad évoquera des services publics par le prisme des trésoreries, qui ferment depuis plusieurs années, estimant qu’il y a « peut-être trop de fonctionnaires à Bercy et on en manque un peu dans les territoires. » Une saillie qui lui vaudra quelques applaudissements.

La présidente de la Région Carole Delga parlera de ces Français des petites villes « qui se sentent assignés à résidence » et proposera « un nouveau modèle de développement » pour lequel « il faut faire confiance à cette république des territoires » et « un nouvel acte de décentralisation. » Le président de l’APVF prendra ensuite le micro pour rappeler que « le combat est de viser l’équilibre des territoires. »

Sur la question des dotations, « nous avons besoin d’une plus grande visibilité », poursuivra-t-il, avant d’aborder les questions de la suppression de la taxe d’habitation, puis la question des intercommunalités « qui entraînent parfois chez les maires un sentiment de dépossession. » Le président de l’APVF abordera également, entre autres, la question du « blues des maires », parfois agressés comme ce fut le cas à Signes dans le Var cet été, avec la mort du maire, Jean-Mathieu Michel. « Nous voulons que des instructions soient données aux parquets pour qu’on soit impitoyables quand on s’attaque aux maires », lancera Christophe Bouillon sous les applaudissements.

« faciliter votre mission à tous les niveaux »

Le Premier ministre, Édouard Philippe, prendra ensuite la parole, en commençant par citer Racine et en jouant sur la corde de la vocation des maires, lui qui fut maire du Havre il n’y a pas si longtemps. « La volonté du gouvernement est de tout faire pour faciliter votre mission à tous les niveaux, lancera-t-il en préambule, se mettant rapidement la salle dans la poche. C’est la logique à l’oeuvre dans la loi portée par Sébastien Lecornu (le ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires chargé des collectivités territoriales porte le texte "Engagement et proximité", ndlr). »

Un texte dont les grandes lignes sont déjà connues depuis l’été et sur lequel le Premier ministre reviendra de nombreuses fois, après avoir cajolé les édiles présents, dont le mandat « comporte des risques personnels, professionnels et familiaux sur lesquels vous ne vous étendez pas. »

Édouard Philippe rappellera que les dotations de l’État ne baissaient plus depuis 2018 - ce que Christophe Bouillot avait tempéré un peu plus tôt en rappelant que « en 2019, près de la moitié des communes de notre strate ont vu leur dotation baisser » - et que l’État maintenait « un haut niveau de subventions à l’investissement local. »

« Vous avez parfaitement tenu les comptes » lancera-t-il ensuite aux maires présents, tirant le bilan des efforts sur la maîtrise de l’augmentation des dépenses de fonctionnement demandées à 332 collectivités par le gouvernement.

Vers une décentralisation à la carte

Reste que la suppression de la taxe d’habitation, qui constituait une des principales rentrées fiscales des communes, a fait grincer des dents, beaucoup de maires redoutant d’être les dindons de la farce. « Nous l’organisons autour de deux principes : simplicité et confiance, lancera le Premier ministre sur ce point. Désormais, les maires vont pouvoir fixer les taux de la quasi-totalité de la taxe foncière, et il y aura un principe de juste compensation. Nous avons considéré qu’il convenait de prévoir cette compensation grâce à un coefficient correcteur qui tienne compte des évolutions de l’assiette de l’impôt, et ça change tout. »

Le passage sur la taxe foncière constitue peut-être la principale annonce du jour (voir plus bas). Et pour compléter cette compensation, l’État « va apporter un complément à hauteur d’un milliard d’euros, qui garantit que le bloc communal n’aura aucune réduction globale de ses recettes », affirmera Édouard Philippe. Pour les maires qui voudraient voir ce que ce système donnera, des simulations pourront être effectuées prochainement, le Premier ministre jugeant cette demande de l’APVF « raisonnable. »

Revenons au fameux projet de loi, qui doit entrer en vigueur dès le début du prochain mandat municipal, en mars prochain. On y retrouve le fait de « donner aux maires des moyens juridiques nouveaux pour faire respecter les décisions qu’ils prennent », « des assouplissements des intercommunalités » et aussi (et peut-être surtout) « sortir de la décentralisation uniforme. » Reprenant sa métaphore du « cousu-main », le Premier ministre défendra une décentralisation à la carte, qui sera, promet-il, conçue avec les territoires. L’inverse serait un comble…

Enfin, et c’est un écho aux propos de Denis Bouad, « dès l’année prochaine, 4 000 fonctionnaires postés à Paris iront dans les territoires, dont 2 800 de Bercy », annoncera le Premier ministre. Nul doute que cette mesure, pas forcément la plus cruciale, sera bien accueillie. Édouard Philippe rappellera également qu’une Agence nationale de cohésion des territoires allait être mise sur pied, « pour aider les collectivités qui veulent monter des projets. » Là dessus, Édouard Philippe a quitté la tribune sous les applaudissements des élus présents. Après une nouvelle citation de Racine.

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

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Les réactions des élus :

Carole Delga, présidente de la Région Occitanie : « Je n’attendais pas particulièrement d’annonce du Premier ministre. La seule chose, c’est que dorénavant il est très clair que les Départements n’auront plus la taxe foncière. Les Départements n’auront plus d’autonomie fiscale, ce qui est contraire à l’esprit de décentralisation. Ils seront pieds et poings liés aux décisions de l’État, comme c’est le cas des Régions depuis 2010. C’est très regrettable. »

Denis Bouad, président du conseil départemental du Gard : « C’est une annonce inquiétante, si on supprime le seul impôt que nous maîtrisons : le foncier bâti. Il faut voir clairement si la dotation sera égale au produit attendu, car avec le nombre de constructions que nous avons chaque année, ce produit prend 6 millions d’euros par an. Donc si on nous dit que l’année référence est 2017, nous allons perdre 12 millions d’euros. Sur le reste, des choses vont dans le bon sens. Nous avons entendu des mots forts, notamment sur le soutien à l’investissement des collectivités territoriales. »

Patrick Vacaris, président du Grand Avignon : « Je demande à voir concrètement la traduction des ces mesures dans la loi, a priori elles me conviennent parfaitement. Wait and see. »

Jean-Pierre De Faria, maire de Saint-Ambroix : « Le Premier ministre a eu une écoute très forte portée aux points de vigilance de l’APVF. Si ces mesures sont menées au bout elles pourront aller dans le bon sens. »

Yves Cazorla, maire de Laudun-l’Ardoise : « Nous avons eu quelques éclaircissements sur la taxe d’habitation, même si on en attendait un peu plus. Par contre, on ne sait pas trop ce qui va arriver aux départements, nous en avons besoin. Je m’inquiète de la compensation de cette perte pour les départements. Je suis un peu déçu sur les dotations. Certes elles ne baissent plus, mais nous sommes quand même en difficultés. »

Jean-Michel Perret, maire de Saint-Hilaire-de-Brethmas : « J’ai trouvé ces annonces très creuses, je suis très déçu. J’attendais réellement des actes forts pour accompagner et aider les maires dans leurs missions. Nous sommes les portefaix de l’État, nous nous retrouvons tout seuls au charbon. Je suis vraiment déçu. Le premier ministre n’a pas compris ce que les élus attendent et je suis d’autant plus déçu qu’il a été maire. »

Thierry Allard

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