Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 06.05.2021 - thierry-allard - 5 min  - vu 3436 fois

FAIT DU JOUR Le long combat pour que Paul, jeune Gardois de 18 ans, remarche

Paul Darbier, 18 ans, se bat pour remarcher après un accident de VTT (DR)

Caroline Darbier se bat pour son fils et pour une meilleure prise en charge des lésions médullaires (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

À 17 ans, on n’est pas sérieux, comme le disait Rimbaud, mais on a des rêves. Celui de Paul Darbier, jeune homme originaire des Angles, est simplement de pouvoir un jour remarcher. Le combat de ses parents et de l’association Vertical combat est quant à lui de démontrer que le handicap n’est pas une fatalité, et soutenir la recherche pour aller vers la guérison. Témoignage.

Avant même le banal accident de VTT qui l’a laissé tétraplégique à 17 ans le 23 avril 2020, Paul Darbier était un survivant. Né avec une tétralogie de Fallot, une malformation cardiaque congénitale qui lui donnait une espérance de vie de 2 ans au mieux, le jeune Anglois est opéré à coeur ouvert à l’âge de 4 mois. « C’est sans doute pour ça qu’il s’est tourné vers le sport très tôt, rembobine sa mère Caroline Darbier. Il dit que le sport c’est sa vie, il en faisait tous les jours. » 

Paul est réopéré du coeur en 2018, « et trois semaines après son opération, il arrive premier d’une course par équipe du lycée Saint-Joseph, à Avignon », poursuit sa mère. Puis lors du premier confinement, Paul tourne comme un lion en cage. Le sport, le grand air, la garrigue si proche de la maison familiale, l’appellent. Son médecin le fait déculpabiliser : on a le droit de pratiquer une activité sportive dans un rayon proche de son domicile. Alors Paul et un de ses copains partent faire du VTT tout à côté de chez eux, dans la garrigue, leur GoPro au casque. 

Ce 23 avril 2020, la GoPro de son copain a tout filmé. La première bosse, prise peut-être un peu vite, le vélo qui décolle, la roue qui se bloque à la réception sur la seconde bosse. Le vélo qui fait un soleil, Paul qui est éjecté et chute. L’adolescent a son casque, « mais le casque ne protège pas le cou », souffle Caroline Darbier. Sa vie vient de basculer. « Quand nous sommes arrivés il y avait l’hélicoptère », rejoue l’Angloise. Paul est calme, mais conscient que c’est grave, le médecin du SAMU évoque une vertèbre cassée. Avant de rentrer au bloc, le jeune homme demande à sa mère s’il remarchera un jour. La question vaut toujours aujourd’hui, un an plus tard, et personne, ni Paul ni ses proches, n’accepte la fatalité pour réponse. 

« Apprends à te servir de ton menton »

Placé en coma artificiel, Paul se réveille à l’hôpital trois semaines après l’accident. Il a subi une trachéotomie. « Il se réveille sous respirateur artificiel, il ne peut plus bouger, parler, manger tout seul », énumère sa mère, qui s’évertue très vite à « trouver un système de communication » avec son fils. Au centre où il est admis, « ça se passe extrêmement mal », affirme la maman. L’adolescent dépérit, perd ses cheveux et ses ongles, n’a plus que la peau sur les os. On lui dit que sa vie désormais ce sera ça, qu’il ferait mieux d’apprendre à se servir de son menton, la seule partie de son corps qui bouge. On éteint tout espoir d’amélioration. 

« Le système français amène à l’acceptation du handicap, en soi c’est une bonne chose, mais avant d’accepter le handicap, il faut tout tenter », lance Caroline Darbier. Elle se renseigne, voit que certains, ailleurs, s’en sont sortis. Elle cite le chanteur Grand Corps Malade, passé par là, et qui remarche. Il soutient le combat de Paul, comme de nombreuses autres célébrités. Caroline Darbier voit à l’étranger des expérimentations qui donnent de l’espoir et surtout une mentalité différente, qui vise plus à tenter de récupérer des facultés qu’à faire avec la fatalité. Mais l'urgence est ailleurs : c’est Paul, qu’il faut sortir de son centre.

Paul avant l'accident (DR)

Alors la famille remue ciel et terre pour lui trouver une place, et se heurte à un état de fait : en France, « il n’y a pas assez de moyens, on manque de places », note-t-elle. Elle tente un centre dans le Nord, au protocole qui conviendrait parfaitement à son fils, mais la famille habite trop loin et le centre refuse. Le temps presse, et aucun centre n’accepte Paul, du fait de sa trachéotomie. Le seul institut qui répond est à Barcelone, l’Institut Guttmann. 

Là-bas, Paul retrouve des couleurs. « Dès qu’il est arrivé en Espagne, ils ont enlevé la trachéotomie, explique Caroline Darbier. En France, ils nous ont répondu : ‘Autre centre, autres méthodes.’ » Paul retrouve donc la parole et fait des progrès, car « le principe est de tout faire pour donner des chances de récupération, ils disent ‘on ne sait pas si ça va marcher, mais on va essayer’ », explique sa mère. Une mentalité à rebours de ce qu’elle a vu dans notre pays, où les blessures médullaires, c’est leur petit nom, sont par trop vues comme une fatalité, une mentalité résumée par cette terrible phrase : « Apprends à te servir de ton menton. »

Avec les essais cliniques, « l’espoir est permis »

Depuis ce tragique 23 avril 2020, Caroline Darbier « ne supporte plus les gens qui disent ‘c’est pas possible’. Ce n’était pas possible de le sortir, on l’a fait, ce n’était pas possible qu’il récupère, aujourd’hui Paul n’a plus de trachéotomie, parle à nouveau et arrive à bouger son bras, il y a des prémisses. » Car oui, le jeune homme arrive désormais à ramener son bras contre son épaule. Prometteur pour la suite. 

« Ici on ferme toutes les portes de la guérison d’emblée, or quand le patient est jeune, on lui doit de tout essayer », reprend Caroline Darbier. Tout essayer, c’est à dire les techniques de kinésithérapie, mais aussi et surtout les essais cliniques. Car la maman en est certaine : « l’espoir est permis » par les derniers essais cliniques autour de la graisse activée. C’est pour collecter des fonds en vue de financer la recherche que des amis de la famille Darbier ont fondé l’association Vertical Combat. Pour sensibiliser aussi à une cause qui peut toucher tout un chacun tout au long de sa vie, après un accident ou une mauvaise chute. Pour que les financements publics soient enfin à la hauteur. Pour qu’un centre de récupération, comme il en existe en Espagne, en Italie ou en Suisse, ouvre ses portes en France. 

Aussi pour accompagner les familles, « englouties par un mastodonte où tout est verrouillé, réduites au silence », dit Caroline Darbier. L’Angloise se bat au quotidien contre la paperasse et l’administratif. À ce jour, la famille a dû avancer 175 000 euros pour Paul, et son départ à l’étranger complique une éventuelle prise en charge par la Sécu, de dossiers en dossiers. Des travaux sont prévus dans la maison familiale pour l’adapter au handicap de Paul et préparer son retour chez lui, pour l’instant différé pour ces questions administratives éreintantes. 

Sa situation, Caroline Darbier la sait unique, mais aussi commune à beaucoup d’autres familles. Elle en appelle désormais à la première dame Brigitte Macron, engagée sur les questions de handicap, pour qu’enfin « les familles soient entendues. » En attendant, depuis l’Espagne Paul garde le moral et espère, au-delà de son cas, changer les choses. Sa mère se fait son porte-voix : « Il m’a dit : ‘je sais que ce qui m’est arrivé n’est pas vain, ça m’est arrivé pour que j’en fasse quelque chose de bien’. » 

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

Le site internet de l’association Vertical Combat est ici, sa page Facebook . 

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