Publié il y a 1 an - Mise à jour le 09.11.2022 - thierry-allard - 4 min  - vu 532 fois

L’INTERVIEW Catherine Daquin, de l'Association pour le droit à mourir dans la dignité : « Enfin on parle de la fin de vie »

Catherine Daquin, déléguée de l'ADMD pour le Gard (Photo d'archives : Thierry Allard / Objectif Gard)

Catherine Daquin, déléguée départementale de l'ADMD (Photo d'archives : Thierry Allard / Objectif Gard)

Les échanges de la convention citoyenne sur la fin de vie souhaitée par le Gouvernement démarreront le 9 décembre pour durer trois mois. 

Dans ce contexte, l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), qui se bat depuis des années pour obtenir une loi permettant la liberté de choix dans la fin de vie, dénonce une hypocrisie de nos gouvernants, tout en se félicitant que le sujet soit enfin mis sur la table. Interview avec sa déléguée dans le Gard, Catherine Daquin. 

Objectif Gard : Le tirage au sort des 50 citoyens qui vont composer la convention citoyenne sur la fin de vie est en cours. Vous espérez en être ?

Catherine Daquin : Non, si dans ce petit chiffre de 150 personnes qui va être tiré il y a quelqu’un de l’ADMD, ce sera un hasard. Les associations ne sont pas du tout sollicitées, ce sont vraiment des citoyens tirés au sort. C’est pour ça que c'est à nous de faire des débats autour de ce sujet. 

Que pensez-vous de ce processus de convention citoyenne ?

C’est une vaste hypocrisie. La question posée est pas mal, c’est « le cadre de l’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées, ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? » Mais là où c’est effrayant, c'est pourquoi on fait cette consultation citoyenne alors que tous les sondages depuis des années, renouvelés tous les ans, donnent toujours le même résultat. 

C’est-à-dire très largement en faveur de l’euthanasie ?

Je ne veux pas dire pour l'euthanasie, mais en faveur de la liberté de choix de fin de vie. Que toutes les voies de fin de vie soient possibles, c'est pour ça qu'on se bat. Et dans tous les pays qui ont légiféré, on sait que les personnes en fin de vie qui font la demande d'être aidées à mourir, à partir du moment où elles savent qu’elles vont être aidées, beaucoup décèdent naturellement. Le soulagement de savoir qu'on va être aidé aide énormément sur la teneur de la souffrance, on va beaucoup plus loin que quand on est accompagné par la peur. 

Qu’est-ce qui vous fait dire que la démarche de convention citoyenne est hypocrite ?

Parce que déjà au premier quinquennat, le 8 avril 2021, lors d’une niche parlementaire, une loi sur la fin de vie a été proposée par le député Olivier Falorni, plus de 330 députés de tous bords politiques étaient d’accord avec cette loi. Mais quatre réfractaires ont mis 5 000 amendements pour gagner du temps et faire reculer les possibilités de vote. Ensuite, les députés favorables ont écrit une lettre commune, adressée à Emmanuel Macron, Jean Castex (Premier ministre de l’époque, NDLR) et Olivier Véran (ministre de la Santé de l’époque, NDLR), et ils n'ont jamais eu de réponse. Ils demandaient que le sujet soit mis à l'Assemblée nationale, M. Macron sait qu’aujourd'hui la majorité de la société française souhaite cette loi similaire à la Belgique, et il lance une convention citoyenne. C’est complètement fou, ça va prendre du temps, coûter de l'argent alors que la messe est dite. Ceci dit, on est contents à l’ADMD car enfin on en parle, ce n'est plus tabou, mais c’est comme pour l'avortement, c'est une volonté politique qu'il faut pour qu'une loi sociétale passe. 

Néanmoins il est envisageable d’après le Comité consultatif d’éthique, d’arriver avec cette convention citoyenne jusqu'à une aide active à mourir. C’est ce que vous souhaitez. 

Complètement, on est quand même positifs, mais on se demande comment va être phagocytée la loi. On a l’impression qu'ils avancent en effaçant le plus possible le mot médecin, le mot médical. 

C’est le signe d'une réticence des médecins à appliquer l’aide active à mourir ?

Non. Des congrès de médecins invitent l’ADMD. Énormément de médecins sont favorables à cette loi, mais n’osent pas l'exprimer car ils ont très peur de l’ordre des médecins. Alors qu'en réalité l’ordre n’a aucune raison de leur tomber dessus, ça ne les met pas en danger. 

Vous parlez souvent d'une loi à la Belge, avec euthanasie, certains préfèrent le suicide assisté comme en Suisse. On s'y perd un peu, il y a a minima une confusion. 

En Belgique il y a tous les systèmes, en Suisse que le suicide assisté, qui est pratiqué hors du milieu hospitalier, avec des médecins. Sur le suicide assisté, la seule obligation c'est que le patient, assisté, acte le geste d’euthanasie. 

C’est lui qui appuie sur le bouton. 

Complètement, c'est lui qui boit un verre de produit létal, soit qui appuie sur une seringue. Il doit faire le geste lui-même, en sachant que jusqu’au dernier moment, on lui demande si c'est toujours son souhait de mourir. En Belgique, c’est l’État belge qui prend en charge cette fin de vie, il y a des consultations de fin de vie prises en charge par la Sécurité sociale belge, auprès des médecins, et au moment où la personne est dans un état de santé avec des douleurs réfractaires et souhaite être aidée à mourir, soit elle va demander une euthanasie, soit un suicide assisté, soit très rarement une sédation profonde et continue. C’est considéré comme un dernier soin, pris en charge par la Sécurité sociale belge, et parallèlement il y a eu un développement des soins palliatifs dignes de ce nom, qui fait qu'il n'y a que 2,4 % des décès qui passent par une aide active à mourir, c'est rien. 

Il y a un vrai manque en France sur les soins palliatifs ?

Oui, on en a dans le Gard à Nîmes, mais 26 départements sont sans soins palliatifs. Il y a un manque cruel de soins palliatifs, et il y a des maladies où on ne peut rien faire, malheureusement. Ce qui est honteux aujourd’hui, dans notre pays dit des droits de l'Homme, que des êtres pensants, des citoyens entiers, soient obligés d'aller mourir à l’étranger, sans compter que c'est une injustice compte tenu des moyens nécessaires. 

Propos recueillis par Thierry Allard

Thierry Allard

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